"Je ne peux pas perdre ce à quoi je me suis accrochée pendant si longtemps. Vous voyez ? (…) J'ai juste vraiment besoin que ce soit une histoire d'amour. Vous comprenez ? J'ai vraiment, vraiment besoin que ce soit cela. (…) Parce que si ce n'est pas une histoire d'amour, qu'est-ce que c'est ?"
Ces quelques phrases donnent à elles-seules la tonalité du roman.
Il est difficile de ne pas penser au livre le consentement même si je ne l'ai pas encore lu. L'un est un témoignage tandis que l'autre est un roman. Un roman, vraiment? L'autrice l'affirme pourtant.
Vanessa Rye est une jeune fille de 15 ans qui entretiendra une relation "amoureuse" avec son professeur de littérature, âgé quant à lui de 42 ans. Elle a 32 ans quand une onde de choc la percute de plein fouet, quand une autre jeune femme porte plainte contre ledit professeur pour abus sexuel. Vanessa n'y croit pas, ne veut pas y croire, ne peut pas y croire. Car si elle y croit, elle sera alors obligée de regarder la vérité toute nue et de remettre en question "sa" première histoire d'amour, tellement importante, car fondatrice, dans la vie de tout un chacun.
Glauque, cru, curieux, malaisant, malsain, tous ces qualificatifs peuvent convenir à ce roman. Et pourtant j'ai lu attentivement chacun de ses mots, relisant même certains passages plusieurs fois. Par goût de ce qui est sale, de ce qui est transgressif ? Pas du tout, simplement pour être sûre de ne rien oublier, que personne ne puisse dire qu'elle l'avait bien cherché, après tout. A ce sujet, et bien avant de lire ce roman, mon opinion est faite, je peux même dire qu'elle est ferme et définitive. Il n'y a pas de consentement éclairé chez le mineur, même quand celui-ci a quinze ans et est en capacité de réfléchir. Surtout quand l'adulte est une personne ayant un ascendant sur le ou la mineur/e en question, là il a un boulevard pour la/le manipuler. Car qui ne s'est jamais amouraché d'un de ses professeurs ? Ou sans parler de tomber amoureux, d'au moins chercher à lui plaire ? Je me rappelle mon professeur de français remplaçant de troisième. du haut de mes quinze ans, je le trouvais beau comme un dieu, et fabuleux. Nous étions plusieurs à minauder, sans qu'il ne se passe quoi que ce soit. Car il savait se tenir à sa place.
La grande force de ce roman, qui est aussi sa plus grande finesse, est qu'à aucun moment l'autrice ne laisse planer le doute sur ce qu'elle pense. Contrairement à sa narratrice, la sombre Vanessa, qui est elle toute en ambiguïté. Et c'est ce qui rend justement la narration de ce roman très puissante, ce qui fait qu'on tourne les pages pour continuer à tenter de comprendre le cheminement de cette toute jeune fille devenue une jeune femme fracassée, quoi qu'on en dise, quoi qu'on en pense, qu'elle-même le veuille ou pas. Car l'adolescente blessée, humiliée, à laquelle un adulte a menti pour mieux faire d'elle sa chose, ne pourra pas pousser, grandir, s'épanouir comme s'il ne lui était rien arrivé. Elle ne se reconnaît pas victime? Elle l'est pourtant. A rebours
Je salue particulièrement la plume de
Kate Elizabeth Russell, très réaliste, qui donne beaucoup de souffle à son histoire, qui peut se montrer très crue, mettre mal à l'aise son lecteur en le plaçant en voyeur, mais sans jamais être putassière. Un grand bravo aussi à la traductrice,
Caroline Bouet, qui a très bien su retransmettre l'ambiance de ce roman.
Enfin, je tenais à remercier bidule62 car c'est grâce à son billet que j'ai eu très envie de commencer ce roman qui dormait bien au chaud dans ma PAL.
En résumé, un livre dur et d'actualité, servi par une plume de talent. Un livre qui m'a mise en colère. Un livre, croyez-moi, que je ne suis pas prêt d'oublier de sitôt. Continuons à protéger nos enfants et adolescents.
Lu en février 2022