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Georges Daumas (Préfacier, etc.)
EAN : 9782070328468
155 pages
Gallimard (01/01/1994)
3.3/5   5 notes
Résumé :

Le journal que le marquis de Sade tenait fort assidûment, alors qu'il était, à son corps défendant, pensionnaire vieillissant à l'hospice Charenton-Saint-Maurice, éclaire la vie crépusculaire d'un homme hors série, étrange, certes, mais parfois abusivement légendaire. Il nous transporte bien loin du fougueux prisonnier de Vincennes qui, en plein délire, hurlait et gémissait tour à tour, loin... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Le 2 décembre 1814, mourut le marquis de Sade à l'hospice d'aliénés de Charenton. Il y était enfermé depuis onze ans pour "démence libertine", après une énième arrestation.
Durant sa détention, il écrivit très régulièrement dans son journal. Deux cahiers manquent et ce livre contient le premier, qui va de juin 1807 à août 1808, et le quatrième, de juillet 1814 à trois jours avant son décès. Il y donne, en langage codé et parfois incompréhensible, des indications sur ses occupations, ses rapports avec le directeur de l'asile, l'avancement de ses affaires, et dans les derniers temps sa relation avec la jeune Magdeleine. Il aura, jusqu'au bout, espérer être libéré.

J'ai acheté ce livre un peu par hasard, intriguée de savoir ce que pouvait bien raconter "l'auteur de Justine" dans son journal personnel. de ce point de vue-là, j'ai été déçue : comme je le disais plus haut, le langage codé rend la compréhension ardue dans plus d'un passage. Par ailleurs, l'intérêt de ce que rapporte le marquis m'a semblé assez limité pour un lecteur lambda.
La partie du livre qui m'a paru la plus intéressante est en réalité celle qui n'est pas de lui. L'édition que je possède contient un rapport qu'Hypolite de Colins, ancien Officier de Cavalerie, fit quant au fonctionnement de l'asile de Charenton, dans lequel il avait avec de grandes difficultés réussi à s'infiltrer. Ledit rapport est un témoignage de premier ordre sur la façon dont les "aliénés" ont été traités jusqu'à une époque qui n'est pas si lointaine, la vraie révolution de la prise en charge psychiatrique n'ayant lieu qu'après la Seconde Guerre Mondiale. Ne cherchez point d'humanité dans les méthodes des médecins et infirmiers de l'époque, elle en était quasi-absente ! Cerise sur le gâteau : le rapport de Colins est suivi par les passages du Traité médico-philosophique sur l'aliénation mentale du grand Philippe Pinel, sur lesquels il s'appuie.
En d'autres termes, ce Journal inédit du marquis de Sade s'est révélé être en fait une mine d'informations pour quiconque s'intéresse à l'histoire de la psychiatrie !
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Citations et extraits (37) Voir plus Ajouter une citation
[22.]
Note relative à ma détention
[et à l’ouvrage de Justine],
Je remarquai que la situation dans laquelle on me tenait et les farces qu’on me faisait me contraignaient à confondre les événements véritables avec les événements produits par l’imbécile méchanceté des scélérats qui me conduisaient ; ce qui, en me rendant insensible à ceux qui étaient arrangés, me rendait de même insensible à ceux du sort ou de la nature, en telle sorte que pour l’intérêt de mon propre repos, j’aimais mieux ne plus ajouter foi à rien et me blaser sur tout. D’où il résultait la terrible et dangereuse situation de supposer plutôt que l’on m’avait trompé en m’annonçant la vérité la plus funeste, que de croire à cette vérité dès qu’il m’était avantageux de la mettre au rang des mensonges que l’on multipliait pour contraindre ou faire naître des situations ; et, certes, on peut bien dire qu’il n’était rien au monde de plus funeste et pour mon cœur et pour mon caractère. On dirigeait tout cela contre mon esprit : on avait tort, me connaissant comme on devait me connaître ; on faisait une bêtise, parce qu’on devait bien savoir qu’il avait assez de force et de philosophie pour se mettre au-dessus de ces absurdités. Mais le cœur se gâtait, le caractère s’aigrissait, tous effets aussi pernicieux que nuisibles à produire et qui ne prouvaient que la plus lourde stupidité dans ces bourrelleries bien dignes des lourds automates qui les exécutaient ou les conseillaient. Quels effets funestes ne produisirent pas encore sur moi le refus des bons livres que je demandais et les entraves qu’on mit à me laisser composer de bons ouvrages ! Mais de quoi ne devaient pas être capables des gens qui formant des chiffres et des signaux, avaient, en m’envoyant à Bicêtre, sacrifié mon honneur et ma réputation ?

Ce système de signaux et de chiffres, employé par ces plats gredins tant à la Bastille que dans ma dernière détention, avait encore l’extrême danger de m’accoutumer à tenir aux fantômes favorables à mon espoir et aux hypothèses qui le nourrissaient. Cela avait imprimé à mon esprit ce caractère sophistique que l’on me reproche dans mes ouvrages.

Pour dernière réflexion enfin, comment est-il possible de porter l’inconséquence au point de dire que si j’ai fait Justine, c’est à la Bastille, et de me remettre dans une situation pire encore que celle où j’ai, dit-on, composé cet ouvrage ? Voilà qui démontre d’une manière invincible que tout ce qui m’a concerné n’a été que l’ouvrage du fanatisme des imbéciles dévots et de la grossière imbécillité de leurs séides… Oh ! comme Sophocle avait raison, quand il disait : « Presque toujours un époux trouve sa perte ou dans la femme qu’il prend ou dans la famille à laquelle il s’allie » !

À la suite de ces réflexions, j’ai cru devoir en joindre quelques-unes sur l’ouvrage de Justine, que je soumets aux stupides Ostrogoths qui m’ont fait mettre en prison pour cette cause.

Il ne fallait qu’un peu de bon sens (mais les incarcérateurs en ont-ils ?) pour se convaincre que je ne suis ni ne pouvais être l’auteur de ce livre. Mais, malheureusement, je me trouvais entre les mains d’un troupeau d’imbéciles qui ne mettent jamais que des verrous à la place des réflexions et du bigotisme à la place de la philosophie, et cela par la grande raison qu’il est bien plus facile d’enfermer que de réfléchir et de prier Dieu que d’être utile aux hommes. Il faut quelques vertus pour ce dernier cas : il ne faut que de l’hypocrisie pour l’autre.

Après avoir été soupçonné jadis de quelques dérèglements d’imagination semblables à ceux qui se trouvent dans Justine, je demande s’il était possible de croire que j’allasse révéler dans un ouvrage de ma main des turpitudes qui nécessairement feraient repenser à moi. Je suis coupable ou non de ces turpitudes ; point de milieu. Si j’ai pu les commettre, assurément je les ensevelirai toute ma vie dans les plus épaisses ténèbres ; et si je n’en suis que soupçonné sans en être coupable, quelle apparence que je les divulgue, quand cette extravagance n’aurait pour résultat que de reporter les yeux sur moi ? Ce serait le comble de la bêtise, et je hais trop mes bourreaux pour avoir avec eux cette conformité.

Mais un autre motif, plus puissant encore, convaincra, j’espère, facilement, que je ne puis être l’auteur de ce livre. Qu’on le lise avec attention, et l’on verra que, par une impardonnable maladresse, par un procédé bien fait (comme cela est arrivé) pour brouiller l’auteur avec les sages et avec les fous, avec les bons et avec les méchants, tous les personnages philosophes de ce roman sont gangrenés de scélératesse. Cependant je suis philosophe ; tous ceux qui me connaissent ne doutent pas que j’en fasse gloire et profession… Et peut-on admettre un instant, à moins de me supposer un fou, peut-on, dis-je, supposer une minute que j’aille putréfier d’horreurs et d’exécrations le caractère dont je m’honore le plus ? Que diriez-vous d’un homme qui irait exprès tremper dans la boue l’habit qu’il aimerait le mieux et dont il tirerait le plus de vanité ? Cette ineptie tombe-t-elle sous le sens ? Voit-on de telles choses dans mes autres ouvrages ? Au contraire, tous les scélérats que j’ai peints sont des dévots, parce que tous les dévots sont des scélérats et tous les philosophes des honnêtes gens, parce que la plupart des honnêtes gens sont philosophes. Qu’on me permette une seule citation de ces ouvrages dont je parle. Est-il dans Aline et Valcour une créature plus sage, plus vertueuse, plus attachée à ses devoirs que Léonore ? Et cependant en est-il une plus philosophe ? D’une autre part, est-il au monde un plus grand dévot que mon Portugais ? Et est-il au monde un plus grand scélérat ? Tous mes caractères ont cette teinte ; je ne me suis jamais écarté de ce principe. Cependant, je le répète, tout le contraire se voit dans Justine. Il n’est donc pas vrai que Justine soit de moi. Je dis plus : il est impossible qu’elle en soit. C’est ce que je viens de démontrer.

J’ajouterai ici quelque chose de plus fort : c’est qu’il est très singulier que toute la tourbe dévotieuse, tous les Geoffroy, les Genlis, les Legouvé, les Chateaubriand, les La Harpe, les Luce de Lancival, les Villeterque, que tous ces braves suppôts de la tonsure se soient déchaînés contre Justine, tandis que ce livre leur donnait précisément gain de cause. Ils eussent payé pour avoir un ouvrage aussi bien fait que celui-là pour dénigrer la philosophie, qu’ils ne fussent point parvenus à l’avoir. Et je jure sur tout ce que j’ai de plus sacré au monde que je ne me pardonnerais jamais d’avoir servi des individus si prodigieusement méprisés de moi.

On a donc le plus grand tort du monde de m’attribuer un livre… un livre contre tous mes principes et dont tout prouve que je ne puis être l’auteur, et plus encore, de faire autant de bruit pour un ouvrage qui n’est, à le bien prendre, que le dernier excès d’une imagination corrompue, des délires de laquelle on irrite imbécilement toutes les têtes en l’exaltant comme on le fait.

Piqué de cette inculpation, je viens de faire deux ouvrages en quatre volumes chacun où j’ai culbuté, détruit, renversé de fond en comble les insidieux sophismes de Justine. Mais comme il est écrit là-haut, selon notre ami Jacques le fataliste, que les gens de lettres doivent être perpétuellement les victimes de la bêtise et de la stupidité, on garde mes ouvrages, on en retarde la publication (peut-être même l’empêchera-t-on) pendant qu’on multiplie celle de Justine. Bravo, mes amis ! vous cesseriez d’être conséquents si vous ne vous opposiez au bien et si vous ne favorisiez le mal. Nous avons eu beau nous révolutionner pour le contraire, il était écrit là-haut que les plus violents abus tiendraient toujours à notre France et qu’aussi longtemps que son sol existerait sur le globe, il s’y reconnaîtrait par des abus.
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Note relative à ma détention
[et à l’ouvrage de Justine],
Je remarquai que la situation dans laquelle on me tenait et les farces qu’on me faisait me contraignaient à confondre les événements véritables avec les événements produits par l’imbécile méchanceté des scélérats qui me conduisaient ; ce qui, en me rendant insensible à ceux qui étaient arrangés, me rendait de même insensible à ceux du sort ou de la nature, en telle sorte que pour l’intérêt de mon propre repos, j’aimais mieux ne plus ajouter foi à rien et me blaser sur tout. D’où il résultait la terrible et dangereuse situation de supposer plutôt que l’on m’avait trompé en m’annonçant la vérité la plus funeste, que de croire à cette vérité dès qu’il m’était avantageux de la mettre au rang des mensonges que l’on multipliait pour contraindre ou faire naître des situations ; et, certes, on peut bien dire qu’il n’était rien au monde de plus funeste et pour mon cœur et pour mon caractère. On dirigeait tout cela contre mon esprit : on avait tort, me connaissant comme on devait me connaître ; on faisait une bêtise, parce qu’on devait bien savoir qu’il avait assez de force et de philosophie pour se mettre au-dessus de ces absurdités. Mais le cœur se gâtait, le caractère s’aigrissait, tous effets aussi pernicieux que nuisibles à produire et qui ne prouvaient que la plus lourde stupidité dans ces bourrelleries bien dignes des lourds automates qui les exécutaient ou les conseillaient. Quels effets funestes ne produisirent pas encore sur moi le refus des bons livres que je demandais et les entraves qu’on mit à me laisser composer de bons ouvrages ! Mais de quoi ne devaient pas être capables des gens qui formant des chiffres et des signaux, avaient, en m’envoyant à Bicêtre, sacrifié mon honneur et ma réputation ?

Ce système de signaux et de chiffres, employé par ces plats gredins tant à la Bastille que dans ma dernière détention, avait encore l’extrême danger de m’accoutumer à tenir aux fantômes favorables à mon espoir et aux hypothèses qui le nourrissaient. Cela avait imprimé à mon esprit ce caractère sophistique que l’on me reproche dans mes ouvrages.

Pour dernière réflexion enfin, comment est-il possible de porter l’inconséquence au point de dire que si j’ai fait Justine, c’est à la Bastille, et de me remettre dans une situation pire encore que celle où j’ai, dit-on, composé cet ouvrage ? Voilà qui démontre d’une manière invincible que tout ce qui m’a concerné n’a été que l’ouvrage du fanatisme des imbéciles dévots et de la grossière imbécillité de leurs séides… Oh ! comme Sophocle avait raison, quand il disait : « Presque toujours un époux trouve sa perte ou dans la femme qu’il prend ou dans la famille à laquelle il s’allie » !

À la suite de ces réflexions, j’ai cru devoir en joindre quelques-unes sur l’ouvrage de Justine, que je soumets aux stupides Ostrogoths qui m’ont fait mettre en prison pour cette cause.

Il ne fallait qu’un peu de bon sens (mais les incarcérateurs en ont-ils ?) pour se convaincre que je ne suis ni ne pouvais être l’auteur de ce livre. Mais, malheureusement, je me trouvais entre les mains d’un troupeau d’imbéciles qui ne mettent jamais que des verrous à la place des réflexions et du bigotisme à la place de la philosophie, et cela par la grande raison qu’il est bien plus facile d’enfermer que de réfléchir et de prier Dieu que d’être utile aux hommes. Il faut quelques vertus pour ce dernier cas : il ne faut que de l’hypocrisie pour l’autre.

Après avoir été soupçonné jadis de quelques dérèglements d’imagination semblables à ceux qui se trouvent dans Justine, je demande s’il était possible de croire que j’allasse révéler dans un ouvrage de ma main des turpitudes qui nécessairement feraient repenser à moi. Je suis coupable ou non de ces turpitudes ; point de milieu. Si j’ai pu les commettre, assurément je les ensevelirai toute ma vie dans les plus épaisses ténèbres ; et si je n’en suis que soupçonné sans en être coupable, quelle apparence que je les divulgue, quand cette extravagance n’aurait pour résultat que de reporter les yeux sur moi ? Ce serait le comble de la bêtise, et je hais trop mes bourreaux pour avoir avec eux cette conformité.

Mais un autre motif, plus puissant encore, convaincra, j’espère, facilement, que je ne puis être l’auteur de ce livre. Qu’on le lise avec attention, et l’on verra que, par une impardonnable maladresse, par un procédé bien fait (comme cela est arrivé) pour brouiller l’auteur avec les sages et avec les fous, avec les bons et avec les méchants, tous les personnages philosophes de ce roman sont gangrenés de scélératesse. Cependant je suis philosophe ; tous ceux qui me connaissent ne doutent pas que j’en fasse gloire et profession… Et peut-on admettre un instant, à moins de me supposer un fou, peut-on, dis-je, supposer une minute que j’aille putréfier d’horreurs et d’exécrations le caractère dont je m’honore le plus ? Que diriez-vous d’un homme qui irait exprès tremper dans la boue l’habit qu’il aimerait le mieux et dont il tirerait le plus de vanité ? Cette ineptie tombe-t-elle sous le sens ? Voit-on de telles choses dans mes autres ouvrages ? Au contraire, tous les scélérats que j’ai peints sont des dévots, parce que tous les dévots sont des scélérats et tous les philosophes des honnêtes gens, parce que la plupart des honnêtes gens sont philosophes. Qu’on me permette une seule citation de ces ouvrages dont je parle. Est-il dans Aline et Valcour une créature plus sage, plus vertueuse, plus attachée à ses devoirs que Léonore ? Et cependant en est-il une plus philosophe ? D’une autre part, est-il au monde un plus grand dévot que mon Portugais ? Et est-il au monde un plus grand scélérat ? Tous mes caractères ont cette teinte ; je ne me suis jamais écarté de ce principe. Cependant, je le répète, tout le contraire se voit dans Justine. Il n’est donc pas vrai que Justine soit de moi. Je dis plus : il est impossible qu’elle en soit. C’est ce que je viens de démontrer.

J’ajouterai ici quelque chose de plus fort : c’est qu’il est très singulier que toute la tourbe dévotieuse, tous les Geoffroy, les Genlis, les Legouvé, les Chateaubriand, les La Harpe, les Luce de Lancival, les Villeterque, que tous ces braves suppôts de la tonsure se soient déchaînés contre Justine, tandis que ce livre leur donnait précisément gain de cause. Ils eussent payé pour avoir un ouvrage aussi bien fait que celui-là pour dénigrer la philosophie, qu’ils ne fussent point parvenus à l’avoir. Et je jure sur tout ce que j’ai de plus sacré au monde que je ne me pardonnerais jamais d’avoir servi des individus si prodigieusement méprisés de moi.

On a donc le plus grand tort du monde de m’attribuer un livre… un livre contre tous mes principes et dont tout prouve que je ne puis être l’auteur, et plus encore, de faire autant de bruit pour un ouvrage qui n’est, à le bien prendre, que le dernier excès d’une imagination corrompue, des délires de laquelle on irrite imbécilement toutes les têtes en l’exaltant comme on le fait.

Piqué de cette inculpation, je viens de faire deux ouvrages en quatre volumes chacun où j’ai culbuté, détruit, renversé de fond en comble les insidieux sophismes de Justine. Mais comme il est écrit là-haut, selon notre ami Jacques le fataliste, que les gens de lettres doivent être perpétuellement les victimes de la bêtise et de la stupidité, on garde mes ouvrages, on en retarde la publication (peut-être même l’empêchera-t-on) pendant qu’on multiplie celle de Justine. Bravo, mes amis ! vous cesseriez d’être conséquents si vous ne vous opposiez au bien et si vous ne favorisiez le mal. Nous avons eu beau nous révolutionner pour le contraire, il était écrit là-haut que les plus violents abus tiendraient toujours à notre France et qu’aussi longtemps que son sol existerait sur le globe, il s’y reconnaîtrait par des abus.
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[7.]
Fantômes.
Être chimérique et vain dont le nom seul a fait couler plus de sang sur la surface du globe que n’en fera jamais répandre aucune guerre de politique, puisses-tu rentrer dans le néant dont la folle espérance des hommes et leur ridicule frayeur osèrent malheureusement te sortir ! Tu ne parus que pour le supplice du genre humain. Que de crimes épargnés sur la terre, si l’on eût égorgé le premier imbécile qui s’avisa de parler de toi ! Montre-toi donc si tu existes ; ne souffre pas surtout qu’une faible créature ose t’insulter, te braver, te bafouer comme je le fais, qu’elle ose renier tes merveilles et rire de ton existence, vil fabricateur de prétendus miracles ! N’en fais qu’un, pour nous prouver que tu existes ; montre-toi, non dans un buisson de feu, comme on dit que tu apparus au bon Moïse, non sur une montagne, comme tu te montras au vil lépreux qui se disait ton fils, mais auprès de l’astre dont tu te sers pour éclairer les hommes : que ta main à leurs yeux paraisse le guider ; cet acte universel, décisif, ne doit pas te coûter davantage que tous les prestiges occultes que tu opères, dit-on, tous les jours. Ta gloire est intéressée à celui-ci ; ose le faire, ou cesse de t’étonner que tous les bons esprits rejettent ton pouvoir et se soustraient à tes prétendues impulsions, aux fables, en un mot, que publient de toi ceux qui s’engraissent comme des pourceaux à nous prêcher ta fastidieuse existence et qui, semblables à ces prêtres du paganisme nourris des victimes immolées aux autels, n’exaltent leur idole que pour multiplier les holocaustes, — Vous voilà, prêtres du faux dieu que chanta Fénelon ; vous étiez, en ces temps-là, contents d’exciter dans l’ombre les citoyens à la révolte : malgré l’horreur que l’Église a dit avoir pour le sang, à la tête des frénétiques qui versaient celui de vos compatriotes, vous montiez sur des arbres pour diriger vos coups avec moins de danger. Telle était alors la seule façon dont vous prêchiez la doctrine du Christ, dieu de paix ; mais depuis qu’on vous couvre d’or pour le servir, bien aises de n’avoir plus à risquer vos jours pour sa cause, c’est maintenant par des bassesses et des sophismes que vous défendez sa chimère. Ah ! puisse-t-elle s’évanouir avec vous pour jamais, et que jamais les mots de Dieu et de religion ne soient plus prononcés ! Et les hommes paisibles, n’ayant plus à s’occuper que de leur bonheur, sentiront que la morale qui l’établit n’a pas besoin de fables pour l’étayer, et que c’est enfin déshonorer et flétrir toutes les vertus que de les échafauder sur les autels d’un Dieu ridicule et vain, que l’examen le plus léger de la raison pulvérise dès qu’elle l’examine, — Évanouis-toi donc, dégoûtante chimère ! Rentre dans les ténèbres où tu pris naissance ; ne viens plus souiller la mémoire des hommes ; que ton nom exécré ne se prononce plus qu’à côté du blasphème, et qu’il soit livré au dernier supplice, le perfide imposteur qui voudrait à l’avenir te réédifier sur la terre ! Ne fais plus surtout tressaillir d’aise ni crier de joie les évêques charnus à cent mille livres de rentes : ce miracle ne vaudrait pas celui que je te propose, et si tu dois nous en montrer un, qu’il soit au moins digne de ta gloire. Et pourquoi donc te cacher à ceux qui te désirent ? Crains-tu de les effrayer, ou redouterais-tu donc leur vengeance ? Ah ! monstre, comme elle t’est due ! Était-ce en effet la peine de les créer pour les plonger, comme tu le fais, dans un abîme de malheurs ? Sont-ce donc par des atrocités que tu dois signaler ta puissance, et ta main qui les écrase ? Ne doit-elle pas être maudite par eux, exécrable fantôme ? Tu as bien raison de te cacher ! les imprécations pleuvraient sur toi, si jamais ta face hideuse apparaissait aux hommes ; les malheureux, révoltés de l’ouvrage, pulvériseraient bientôt l’ouvrier ! — Faibles et absurdes mortels qu’aveuglent l’erreur et le fanatisme, revenez des dangereuses illusions où vous plonge la superstition tonsurée, réfléchissez au puissant intérêt qu’elle a de vous offrir un Dieu, au crédit puissant que de tels mensonges lui donnent sur vos biens et sur vos esprits, et vous verrez que de tels fripons ne devaient annoncer qu’une chimère, et, réversiblement, qu’un fantôme aussi dégradant ne pouvait être précédé que par des brigands. Si votre cœur a besoin d’un culte, qu’il l’offre aux palpables objets de ses passions : quelque chose de réel vous satisfera du moins dans cet hommage naturel. Mais qu’éprouvez-vous après deux ou trois heures de mysticité déifique ? Un froid néant, un vide abominable qui, n’ayant rien fourni pour vos sens, les laisse nécessairement dans le même état que si vous eussiez adoré des rêves et des ombres !… Et comment en effet nos sens matériels peuvent-ils s’attacher à autre chose qu’à la même essence dont ils sont formés ? Et vos adorateurs de Dieu, avec leur frivole spiritualité que rien ne réalise, ne ressemblent-ils pas tous à Don Quichotte prenant des moulins pour des géants ? — Exécrable avorton, je devrais ici t’abandonner à toi-même, te livrer au mépris que tu inspires seul, et cesser de te combattre de nouveau dans les rêveries de Fénelon. Mais j’ai promis de remplir la tâche ; je tiendrai parole, heureux si mes efforts parviennent à te déraciner du cœur de tes imbéciles sectateurs et peuvent, mettant un peu de raison à la place de tes mensonges, achever d’ébranler tes autels, pour les replonger à jamais dans les abîmes du néant.
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Fantômes.
Être chimérique et vain dont le nom seul a fait couler plus de sang sur la surface du globe que n’en fera jamais répandre aucune guerre de politique, puisses-tu rentrer dans le néant dont la folle espérance des hommes et leur ridicule frayeur osèrent malheureusement te sortir ! Tu ne parus que pour le supplice du genre humain. Que de crimes épargnés sur la terre, si l’on eût égorgé le premier imbécile qui s’avisa de parler de toi ! Montre-toi donc si tu existes ; ne souffre pas surtout qu’une faible créature ose t’insulter, te braver, te bafouer comme je le fais, qu’elle ose renier tes merveilles et rire de ton existence, vil fabricateur de prétendus miracles ! N’en fais qu’un, pour nous prouver que tu existes ; montre-toi, non dans un buisson de feu, comme on dit que tu apparus au bon Moïse, non sur une montagne, comme tu te montras au vil lépreux qui se disait ton fils, mais auprès de l’astre dont tu te sers pour éclairer les hommes : que ta main à leurs yeux paraisse le guider ; cet acte universel, décisif, ne doit pas te coûter davantage que tous les prestiges occultes que tu opères, dit-on, tous les jours. Ta gloire est intéressée à celui-ci ; ose le faire, ou cesse de t’étonner que tous les bons esprits rejettent ton pouvoir et se soustraient à tes prétendues impulsions, aux fables, en un mot, que publient de toi ceux qui s’engraissent comme des pourceaux à nous prêcher ta fastidieuse existence et qui, semblables à ces prêtres du paganisme nourris des victimes immolées aux autels, n’exaltent leur idole que pour multiplier les holocaustes, — Vous voilà, prêtres du faux dieu que chanta Fénelon ; vous étiez, en ces temps-là, contents d’exciter dans l’ombre les citoyens à la révolte : malgré l’horreur que l’Église a dit avoir pour le sang, à la tête des frénétiques qui versaient celui de vos compatriotes, vous montiez sur des arbres pour diriger vos coups avec moins de danger. Telle était alors la seule façon dont vous prêchiez la doctrine du Christ, dieu de paix ; mais depuis qu’on vous couvre d’or pour le servir, bien aises de n’avoir plus à risquer vos jours pour sa cause, c’est maintenant par des bassesses et des sophismes que vous défendez sa chimère. Ah ! puisse-t-elle s’évanouir avec vous pour jamais, et que jamais les mots de Dieu et de religion ne soient plus prononcés ! Et les hommes paisibles, n’ayant plus à s’occuper que de leur bonheur, sentiront que la morale qui l’établit n’a pas besoin de fables pour l’étayer, et que c’est enfin déshonorer et flétrir toutes les vertus que de les échafauder sur les autels d’un Dieu ridicule et vain, que l’examen le plus léger de la raison pulvérise dès qu’elle l’examine, — Évanouis-toi donc, dégoûtante chimère ! Rentre dans les ténèbres où tu pris naissance ; ne viens plus souiller la mémoire des hommes ; que ton nom exécré ne se prononce plus qu’à côté du blasphème, et qu’il soit livré au dernier supplice, le perfide imposteur qui voudrait à l’avenir te réédifier sur la terre ! Ne fais plus surtout tressaillir d’aise ni crier de joie les évêques charnus à cent mille livres de rentes : ce miracle ne vaudrait pas celui que je te propose, et si tu dois nous en montrer un, qu’il soit au moins digne de ta gloire. Et pourquoi donc te cacher à ceux qui te désirent ? Crains-tu de les effrayer, ou redouterais-tu donc leur vengeance ? Ah ! monstre, comme elle t’est due ! Était-ce en effet la peine de les créer pour les plonger, comme tu le fais, dans un abîme de malheurs ? Sont-ce donc par des atrocités que tu dois signaler ta puissance, et ta main qui les écrase ? Ne doit-elle pas être maudite par eux, exécrable fantôme ? Tu as bien raison de te cacher ! les imprécations pleuvraient sur toi, si jamais ta face hideuse apparaissait aux hommes ; les malheureux, révoltés de l’ouvrage, pulvériseraient bientôt l’ouvrier ! — Faibles et absurdes mortels qu’aveuglent l’erreur et le fanatisme, revenez des dangereuses illusions où vous plonge la superstition tonsurée, réfléchissez au puissant intérêt qu’elle a de vous offrir un Dieu, au crédit puissant que de tels mensonges lui donnent sur vos biens et sur vos esprits, et vous verrez que de tels fripons ne devaient annoncer qu’une chimère, et, réversiblement, qu’un fantôme aussi dégradant ne pouvait être précédé que par des brigands. Si votre cœur a besoin d’un culte, qu’il l’offre aux palpables objets de ses passions : quelque chose de réel vous satisfera du moins dans cet hommage naturel. Mais qu’éprouvez-vous après deux ou trois heures de mysticité déifique ? Un froid néant, un vide abominable qui, n’ayant rien fourni pour vos sens, les laisse nécessairement dans le même état que si vous eussiez adoré des rêves et des ombres !… Et comment en effet nos sens matériels peuvent-ils s’attacher à autre chose qu’à la même essence dont ils sont formés ? Et vos adorateurs de Dieu, avec leur frivole spiritualité que rien ne réalise, ne ressemblent-ils pas tous à Don Quichotte prenant des moulins pour des géants ? — Exécrable avorton, je devrais ici t’abandonner à toi-même, te livrer au mépris que tu inspires seul, et cesser de te combattre de nouveau dans les rêveries de Fénelon. Mais j’ai promis de remplir la tâche ; je tiendrai parole, heureux si mes efforts parviennent à te déraciner du cœur de tes imbéciles sectateurs et peuvent, mettant un peu de raison à la place de tes mensonges, achever d’ébranler tes autels, pour les replonger à jamais dans les abîmes du néant.
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L’estime due aux écrivains.
Malheur à l’écrivain qu’il est impossible d’estimer après l’avoir lu… On doit avant tout chercher l’honnête homme dans l’écrivain… — Voilà ce que nous adresse le rédacteur du Journal des Débats du 25 messidor an XI.

Peut-on soutenir un tel paradoxe ? L’homme qui ose nous dire une telle chose ignore donc que l’estime n’est qu’un sentiment purement relatif à nos opinions et que nous n’accordons jamais qu’à celui qui les partage ? Et l’homme de lettres doit-il, par état, flatter les opinions de tel ou tel ? Par les organes de son génie et de son cœur, il doit écrire ce que l’un et l’autre lui dictent, abstraction faite des opinions individuelles. De ce moment il lui devient impossible de plaire à tout le monde. Il faudrait plutôt dire : Malheur à l’écrivain bas et plat qui, ne cherchant qu’à flatter les opinions à la mode, renonce à l’énergie qu’il a reçue de la nature pour ne nous offrir que l’encens qu’il brûle complaisamment aux pieds du parti qui domine. Le malheureux, captivant, soumettant ainsi ses propres opinions à celles du jour, n’aurait jamais le courage de sortir son siècle du bourbier où l’entraînent si souvent les modes absurdes de l’opinion. Et voilà celui qu’eurent les écrivains célèbres du xviiie siècle, si nettement désignés par les imbéciles rédacteurs de ce journal vendu au plus infect capucinisme. Laissons les sots en paix clabauder contre des talents qu’ils ne peuvent avoir. On sait que de tout temps cette classe de dégoûtants écoliers eut l’égoïste manie de rabaisser à elle ceux auxquels il lui devenait impossible de s’élever. « Le vice des petits esprits », dit l’aimable auteur des Enfants de l’Abbaye, « est de haïr la supériorité à laquelle ils ne peuvent atteindre ». Il faut qu’il y ait de ces originaux dans le monde ; c’est à eux que Gresset adressait ces vers :

Les sots sont ici-bas pour nos menus plaisirs.

Il faut, disent ces ostrogoths, chercher l’honnête homme dans l’écrivain. C’est l’homme de génie que je veux dans l’écrivain, quels que puissent être ses mœurs et son caractère, parce que ce n’est pas avec lui que je veux vivre, mais avec ses ouvrages, et je n’ai besoin que de vérité dans ce qu’il me fournit ; le reste est pour la société et il y a longtemps que l’on sait que l’homme de société est rarement un bon écrivain. Diderot, Rousseau, d’Alembert paraissaient presque imbéciles en société, et leurs écrits seront toujours sublimes, en dépit des turpitudes de Messieurs des Débats… Il est si à la mode d’ailleurs de prétendre juger les mœurs d’un écrivain d’après ses écrits, cette fausse conception trouve aujourd’hui tant de partisans, que l’on n’ose presque plus, de nos jours, essayer une idée hardie : si malheureusement surtout on énonce ses pensées sur la religion, voilà la tourbe monacale qui vous écrase et qui ne manque pas de vous faire passer pour un homme dangereux. Les coquins vous brûleraient comme l’Inquisition, s’ils en avaient le pouvoir ! Doit-on s’étonner d’après cela que, pour vous faire taire, ils décrient sur-le-champ les mœurs de ceux qui n’ont pas la bassesse de penser comme eux ? Au reste, cette injustice n’est pas nouvelle : nous savons qu’il se trouvait jadis des gens assez imbéciles, ou du moins aussi imbéciles que les Geoffroy et les Joudot des Débats, pour prétendre que l’auteur de la tragédie d’Atrée était un méchant homme, parce qu’il avait rempli une coupe du sang du fils de Thyeste.
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Elle s'inscrit dans la lignée De Sade, Baudelaire ou encore de George Bataille et devient une des premières femmes à écrire la sexualité "comme un homme". Cette écrivaine mi-pirate mi-punk a bouleversé la littérature avec une liberté de ton qui inspire encore les autrices d'aujourd'hui comme Virginie Despentes.
#littérature #féminisme #punk _____________
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