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10-18 (01/01/1969)
4.5/5   2 notes
Résumé :
Ce qui frappe avant tout dans ces lettres, véritables monologues shakespeariens sans aucune mesure avec les œuvres classiques, appartenant au genre épistolaire, c'est la leçon de fermeté qu'elles nous offrent constamment, tant par la maintien intégral des idées qui ont valu à leur auteur le supplice de la réclusion , que par la mise en œuvre d'un humour transcendé, relevant de la poésie, et où s'affirme victorieusement l'invulnérabilité.‎

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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Le marquis parle de ses malheurs, du mémoire qu’il a rédigé pour sa défense dans l’affaire de Marseille, et dit ce qu’il attend du voyage de sa femme à Paris. (Sans date).

Vous ne blâmerez pas, j’espère, mon cher monsieur, le conseil que j’ai donné à madame de partir pour Paris. J’imagine que dans les circonstances présentes vous jugerez comme moi sa présence nécessaire à la capitale. Vous voyez que son procureur l’y engage vivement, la réussite prompte des affaires l’exige. Comment poursuivre sans cela ? Vous voyez quelles longueurs ! En quatre mois nous ne savons pas encore seulement si la dame de Montreuil est assignée. Ma situation ne permet pas de tels délais, et il est temps que cette affaire se finisse décidément et d’une façon ou d’une autre. Dieu veuille que se munissant d’un peu plus de courage ce voyage-ci ne soit pas aussi infructueux que l’autre……

Convenez avec nous, monsieur, que la manie de madame de Montreuil de ne rien vouloir terminer est bien extraordinaire. Car enfin que gagne-t-elle à cela ? Perpétuer le déshonneur de cette malheureuse affaire, celui de sa fille et de ses petits-enfants, mettre un épouvantable désordre dans les biens et me faire mener, à moi, la vie la plus triste et la plus malheureuse, car vous croyez bien qu’on n’est jamais bien agréablement dans un pays, quand on est obligé de s’y cacher sans cesse et d’y jouer toutes sortes de rôles pour n’y être pas reconnu. Je vous assure que c’est un genre de supplice qui m’était inconnu, mais que je trouve bien dur et bien désagréable. Encore si l’on entrevoyait une fin à tout cela, mais qui peut la prévoir ? Je regarde la publicité de mon mémoire, quoi qu’en dise monsieur l’abbé, comme une chose essentielle, surtout à Paris dans la famille de madame, car enfin on a beau dire que je m’y fais passer pour plus coupable que l’on ne me croyait ; si cela est, je ne m’en rends que plus véridique et plus intéressant. Mais il me semble que le genre même de faute dont je conviens n’est nullement grave ni fait pour me faire condamner. Punit-on les pensées ? Dieu seul en a le droit parce que lui seul les connaît, mais les lois n’y peuvent rien, surtout lorsque (comme celle dont je conviens dans mon mémoire) elles sont à l’instant regrettées. D’ailleurs il n’y est pas même dit que je l’eus jamais, cette pensée. Il est dit que l’on me donna un mauvais conseil que je ne rejetai pas, mais que je n’adoptai jamais, et l’histoire des cantharides données pour simuler ce que l’on me conseillait, ne me paraît nullement, comme prétend monsieur l’abbé, être un crime si grand. Le parlement au moins ne l’a pas jugé tel. Car, si vous avez eu la procédure, une fois reconnu que ce n’a été que des cantharides, le fait n’est plus entré pour rien dans le jugement ; le désistement des filles le prouve au moins.

De grâce, enhardissez bien madame, donnez-lui de bons conseils, et qu’elle fasse l’impossible pour terminer tout dans les quatre mois que je lui donne encore pour cela. Mais, au nom de Dieu, qu’elle s’arrange pour ne me plus faire mener la vie errante et vagabonde que je mène ! Je sens que je ne suis pas fait pour un aventurier et la nécessité dans laquelle je suis d’en jouer le rôle est un des plus grands supplices de ma situation. Adieu, mon cher monsieur ; n’ayant plus le canal de madame, il est vraisemblable que je ne pourrai plus vous donner des nouvelles de ma situation, au moins jusqu’à son retour. De grâce, ayez bien soin de tout. Conservez-moi un peu d’amitié et croyez-moi pour la vie votre très humble et très obéissant serviteur.

Sade.
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M. de Sade redoute les suite de l’affaire de Nanon si la présidente ne la prend en mains. (Sans date).

De tous les partis proposés hier, le meilleur a été d’amadouer jusqu’à ce que vous savez (que je n’explique pas et que vous entendez). On a fait une trêve jusqu’au trente de ce mois, au-delà duquel terme on ne veut pas rester une minute. C’est déjà beaucoup que d’avoir gagné cela. Nous capitulerons après pour le reste. Il est difficile qu’après ce que madame a écrit hier (par un exprès à Orange) cela tarde plus que le quinze de juillet. Nous vous demandons instamment d’écrire samedi pour presser et, pour ne pas nous contrarier, vu que nous avons forcé le tableau pour qu’on se pressât davantage, mettre mot à mot la phrase suivante : « Rien ne presse davantage, madame. J’ai entendu moi-même les horreurs et les impostures que profère cette créature, et, en un mot, la circonstance est telle, par tout ce que madame de Sade vous a mandé dernièrement, qu’il arriverait les plus fâcheux inconvénients si l’ordre n’est pas à Aix ou à Apt du douze au quinze juillet. Peut-être a-t-on été trop vite en besogne, mais le cas l’exigeait et votre envoi nous tire d’affaire. Pressez-le, je vous en conjure ». De grâce mettez cette phrase mot à mot ou, sans cela, nous mettant en contradiction, vous retarderiez l’effet et nous mettriez dans le plus grand embarras. Nous avons écrit que de notre plein droit et autorité, sur un simple simulacre de procédure, nous avions fait mettre le sujet en prison au château ; que nous trouvant dans l’embarras, faute de preuve, il était difficile de faire son procès et qu’il faudrait conséquemment l’élargir dans peu, et qu’alors, si la chose n’était pas arrivée, cela nous mettrait dans un double embarras. La présidente aura le feu sous le ventre en entendant cela et, comme elle le désire vivement et qu’elle y a déjà travaillé, soyez sûr qu’elle ira un train du diable. Il faut donc que vous preniez l’esprit de cette histoire et que vous la souteniez dans votre lettre, d’autant plus que j’ai dit que l’expédient était venu de vous. C’est vous mettre à merveille dans son esprit et elle vous en remerciera car tout ce qu’elle voulait était qu’on pût trouver un moyen de s’assurer de cette créature en attendant qu’elle obtint…… Mais l’objet principal de cette lettre-ci, mon cher avocat, est pour vous prier de me débarrasser décidément de Saint-Louis, et cela sans plus, je vous en conjure, me demander de grâce ni de pardon pour lui. Il a eu une conduite affreuse dans toute cette affaire, n’a cessé d’épauler et de soutenir cette fille, et cela jusqu’à l’impertinence et les mauvais propos, a passé par dessus les murs, s’est soûlé, a juré, pesté, envoyé au diable maître et valets. Il n’est en un mot plus possible d’y tenir……

Je vous prie de lui bien spécifier que je lui défends de rester dans la Coste parce que je ne l’y souffrirai sûrement pas. Je suis en droit d’expulser de ma terre tous gens indomiciliés et sans aveu. Hors de chez moi il tombe dans cette classe et je l’en ferai sûrement déguerpir ; par exemple, sans se compromettre, Blancard peut lui dire qu’il est chargé, de la part de madame, de ne pas l’y souffrir. Ce mot fera le plus grand effet et je supplie instamment Blancard de le lui dire……
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Le marquis, rentré à la Coste, dépeint la vie qu’on mène au château (Sans date).

Nous vous attendrons donc mardi, mon cher avocat…… Je vous prie de vouloir bien venir de bonne heure, au moins pour dîner, c’est-à-dire à trois heures ; vous m’obligerez d’observer cette même coutume toutes les fois que vous viendrez nous voir cet hiver. En voici la raison : nous sommes décidés, par mille raisons, à voir très peu de monde cet hiver. Il en résulte que je passe la soirée dans mon cabinet et que madame avec ses femmes s’occupent dans une chambre voisine jusqu’à l’heure du coucher, moyen en quoi, à l’entrée de la nuit, le château se trouve irrémissiblement fermé, feux éteints, plus de cuisine et souvent plus de provisions. Conséquemment c’est vraiment nous déranger que de ne pas arriver pour l’heure du dîner et nous déranger de toute manière. Nous vous connaissons trop honnête pour ne pas vous soumettre à cette petite gêne, que nous chercherons d’autant moins à réformer en votre faveur qu’elle nous fait gagner deux ou trois heures de plus du plaisir d’être avec vous……

Sur ce, je vous embrasse, mon cher avocat, et prie Dieu qu’il vous ait (et moi aussi) en sa sainte et précieuse garde. Le livre ne se retrouve pas et vient d’exciter une altercation carteronique, et conséquemment gothonique, qui vise à de grandes suites car on veut son congé. Votre présence est encore ici nécessaire pour calmer tout cela……


Le marquis fait interdire une représentation scandaleuse à la Coste dans l’intérêt de l’ordre et de la morale. (Sans date).

……Le curé n’a point paru ; mais en revanche il est arrivé en cette ville une troupe de comédiens qui ont mis en tous les coins de la cité les affiches suivantes que j’ai cru devoir vous amuser, et que je vous envoie en raison de ce :

« Messieurs,
Vous êtes avertis que l’on donnera demain chez le sieur Philippe Granier une représentation du « Mari cocu, battu et content », comédie larmoyante en prose et en un acte de la composition des sieurs Malan et Testanière, auteurs modernes.

Les amateurs entreront sans payer, le spectacle sera terminé par « Le goujat corrigé », ballet-pantomime de la composition des mêmes auteurs, dans lequel le second remplira le premier rôle. »

Pour l’intelligence du texte, il faut que vous sachiez, ou vous savez déjà, que le nommé Malan a vigoureusement battu l’autre, pour le nommer : Philippe Granier ; quant au nommé Testanière, je n’ai pas besoin de vous dire comment il s’y prend pour remplir la seconde partie du drame ; c’est une chose assez connue.

De telles affiches m’ont paru scandaleuses, attentatoires aux libertés de l’Église et, en conséquence, j’ai fait défendre la pièce et ordonné que les susdites affiches soient lacérées es mains du valet de ville. Je vous salue.
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Le marquis reproche à l’avocat de compromettre son secret en faisant passer ses lettres par Avignon. « Ce 10 septembre 1775 ».

Ce n’est pas la peine, monsieur, de me tant recommander d’être caché lorsque vous-même, par l’inattention la plus impardonnable, compromettez aussi cruellement mon secret en ne vous servant pas de la voie convenue et faisant tout simplement mettre mes lettres à Avignon. En voilà cinq que je reçois ainsi. Croyez-vous que le nom de Mazan ne soit pas très connu à Avignon et pouvez-vous douter que ma famille ne sache pas promptement le fait ? Vous me permettrez de vous dire, monsieur, qu’il valait infiniment mieux refuser de vous charger de nos lettres que de vous en charger ainsi. Votre ami d’Aix a-t-il peur que l’on lui fasse banqueroute des ports ? Voilà ce que c’est que d’être malheureux, tout le monde se méfie de vous ! Eh bien ! monsieur, j’écrirai à madame de Sade de vous remettre entre les mains un diamant de cinquante louis pour lui répondre du port de nos lettres ! C’est sans doute de là, de cette méfiance outrageuse, qu’est venu le charmant conseil d’écrire moins souvent. Dans les circonstances affreuses où je suis, à la veille de tout perdre et de voir qu’on cherche à m’enlever la seule amie qui me reste, vous me permettrez de vous dire qu’un tel conseil est bien extraordinaire. Je me flattais, monsieur, que vous étiez mon ami ; ma bonne foi, ma confiance, mon attachement, tout devait m’assurer un peu de recours, mais je vois qu’il faut tout perdre avec la fortune et que l’amitié n’est qu’un sentiment idéal dont l’égoïsme est la pierre de touche. Au fait, pourquoi me serais-je flatté de mériter quelque chose de vous ? Les malheureux sont comme les enfants, ils croient intéresser par leur propre situation et qu’on ne peut leur refuser les secours dont ils ont besoin. Mais je me détrompe ; l’erreur était trop douce ; il faut y renoncer… comme à tant d’autres ! La reconnaissance est un fardeau dont votre cœur se plaît à dégager le mien, mais vous m’avez mal jugé et vous m’avez privé du plus doux des plaisirs.

Quoi qu’il en soit, monsieur, si nos lettres vous gênent, faites-les passer par un autre canal. Débarrassez-vous d’un poids qui ne devait avoir que la reconnaissance pour prix, mais au moins ne les interrompez pas. Écrire à ma femme, recevoir de ses nouvelles à chaque courrier est ma seule consolation dans l’état où je suis. En me prouvant que je n’ai point d’amis, ne me mettez pas dans le cas de craindre que je n’aie plus de femme. Il serait aussi par trop malheureux de tout perdre à la fois……

Si vous avez encore de l’amitié pour moi, vous vous justifierez et il vous faudra bien peu pour recouvrer vos droits.
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Le marquis pense que les difficultés qu’on lui suscite de toute part sont l’ouvrage de ses proches et ne peut encore quitter la Coste. (Sans date).

……Madame de S. arriva d’Aix hier bien mouillée. Il faudrait six pages pour vous tout dire et je remets cela à notre première conversation. En deux mots : bien des services de la part du prévôt de Marseille, beaucoup de bonne volonté de la part des juges d’Aix (sous le secret au moins), beaucoup de lenteur et d’entortillage de la part de la présidente, et des excès de méchancetés et d’horreurs de la part de tous les autres Sade d’Avignon, refus de passeport pour voyager de la part du vice-légat qui prétend au contraire avoir des ordres pour m’arrêter. D’où cela peut-il partir si ce n’est de mes chers et affectionnés parents ? Mais ces coups-là ne sont pas à craindre ; ils m’effraient peu. L’abbé de Saumane n’a pourtant pas paru à Aix ; c’est à Aiguières qu’ils ont été voir les Sade d’Aiguières. Qu’ont-ils été faire là ? Cela n’aurait-il pas l’air d’une conspiration générale de tout ce qui porte le nom. Au reste, c’est au diable à découvrir tout cela, car cela a bien l’air d’être son ouvrage.

Le procureur du roi de Lyon servit à merveille. C’est de lui que sont les mémoires envoyés à Aix contre moi, qui pourtant n’ont rien produit. Le prévôt a tout calmé et la bonne volonté est la même.

Vos dames d’Apt sont charmantes (j’ai toujours eu lieu de me louer de leur politesse et de leurs bons propos) ; elles ont publié à Avignon que j’étais depuis le matin jusqu’au soir a courir toutes les villes des environs et que j’effrayais tout le monde. Je passe pour le loup-garou ici. Les pauvres petites poulettes avec leurs mots d’effroi ! Mais pourquoi s’en plaindre ? C’est l’usage, on aime à prononcer le sentiment qu’on inspire. Adieu mon cher avocat, je vous quitte car j’ai de l’humeur…… Voilà mon voyage reculé. Je vous embrasse.
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Vidéo de Marquis de Sade
Elle s'inscrit dans la lignée De Sade, Baudelaire ou encore de George Bataille et devient une des premières femmes à écrire la sexualité "comme un homme". Cette écrivaine mi-pirate mi-punk a bouleversé la littérature avec une liberté de ton qui inspire encore les autrices d'aujourd'hui comme Virginie Despentes.
#littérature #féminisme #punk _____________
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