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C'est un indispensable pour comprendre la création littéraire chez Sagan, entre nécessité et laisser aller, entre art et futilité... et une plume légère légère!
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Publié en 1972, "Des bleus à l'âme" est le 9ème roman de l'écrivaine française Françoise Sagan, notamment auteure de "Un peu de soleil dans l'eau froide", "Bonjour Tristesse", "Un certain sourire", "Les merveilleux nuages" ou encore du journal "Toxique".

Sébastien et Eléonore van Wilhem, frère et soeur issus de l'aristocratie suédoise, débarquent à Paris sans un sou.
Sébastien, soucieux d'offrir une vie royale à Eléonore, réussit sans peine à rentrer dans les bonnes grâces de la riche Nora Jedelman, tandis que sa soeur passe le plus clair de son temps dans leur petit appartement, à lire des romans policiers en attendant impatiemment son retour.
Mais Eléonore s'ennuie, les journées sont longues sans Sébastien, jusqu'au jour où leur ami Robert la présente à Bruno Raffet, jeune premier du cinéma qui tombe rapidement dans ses griffes...

Voici en quelques lignes le résumé de cette histoire dont la trame ne surprendra en rien les lecteurs de Sagan.
Sébastien et Eléonore m'ont parfois fait penser au vicomte De Valmont et à la marquise de Merteuil, les deux héros des "Liaisons dangereuses", en raison de leur personnalité aventureuse qui ne s'embarrasse pas de scrupules.
Complices blasés, "incapables capables de tout", tous deux vivent au jour le jour, se laissant volontiers entretenir par leurs amants de passage et éprouvant un plaisir cynique à plaisanter de leur situation.
Bien qu'ils soient conscients de leurs actes, ils gardent toutefois une certaine insouciance et ne se doutent pas des effets dévastateurs que leurs combines peuvent avoir sur des vies.
Si j'ai rapidement été exaspérée par leur parasitisme, j'ai également pris en pitié ces deux êtres toujours indifférents à ceux qui les entourent et auxquels Sagan se charge d'ailleurs bien de faire payer le prix fort...
Jusque là, rien de bien neuf sous le soleil me direz-vous...

Mais, là où "Les bleus à l'âme" sort des sentiers habituellement empruntés par la romancière, c'est lorsque celle-ci, en marge de son récit, prend la plume en son nom, se raconte et assume ses doutes, ses colères sur des sujets aussi variés que Dieu, l'argent, l'égalité entre les sexes, la mort, la drogue, l'alcool, le couple, le nouveau roman, son rapport à l'écriture, à ses lecteurs ou encore aux critiques.

"Des bleus à l'âme" offre une construction hétérogène, qui suit le fil des pensées de l'auteure, partagée entre son envie de "digresser" sur des sujets qui lui viennent spontanément à l'esprit, et la nécessité d'avancer dans l'écriture de son roman.
Durant ma lecture, j'ai souvent eu l'impression que l'oeuvre fictionnelle n'était qu'un prétexte pour l'auteur à parler d'elle ouvertement, un moyen de se soustraire un temps à son rôle d'écrivain.
Et je m'en réjouissais, tant Sagan m'est apparue comme une femme libre, réfléchie, modeste, franchement cynique, moqueuse (y compris envers elle-même) et bien plus profonde que ses romans le laissent croire !
Il m'était facile de me la représenter assise à sa table de travail, perdue dans ses pensées, se rappelant de temps à autre que ses personnages attendaient leur sort.
J'ai particulièrement aimé cette fin habile orchestrée par Sagan pour rencontrer ses personnages !

"Des bleus à l'âme" est un roman assurément autobiographique - tant la fiction semble ici secondaire - et qui, à mon sens, ravira tout lecteur curieux d'en découvrir davantage sur la personnalité riche de Sagan, à travers ses propres mots.
Un vrai coup de coeur qui vient d'ailleurs de détrôner "Un peu de soleil dans l'eau froide" au rang de favori et que je suis certaine de relire plus d'une fois, tant nombreux de ses mots ont trouvé écho en moi :)
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« Ce n'est pas de la littérature, ce n'est pas une vraie confession, c'est quelqu'une qui tape à la machine parce qu'elle a peur d'elle-même et de la machine et des matins et des soirs, etc. Et des autres. Ce n'est pas beau la peur, c'est même honteux et je ne la connaissais pas. » (p. 6) Qui s'exprime ainsi ? Est-ce Françoise Sagan qui livre un récit personnel couplé d'un roman ? Est-ce un jeu pour perdre le lecteur ? Pour initier une relation illusoire, une intimité factice mais tant désirée ?

La narratrice/auteure livre ses réflexions sur le livre en cours, la littérature et l'existence. Elle entrecoupe sa confession – car c'en est une – de l'histoire de Sébastien et Eléonore van Milhem, frère et soeur, beaux et blonds, mille fois conscients de leurs charmes, indifférents à tout ce qui n'est pas eux, prêts à payer de leur personne sans jamais s'attacher, mais dans le but avoué et assumé de goûter un peu plus de luxe et de facilité.

Ce texte dévoile toute la fragilité d'une auteure sur le fil. Elle a beau dire qu' « il n'y aura aucun élément autobiographique » (p. 19), on ne peut s'empêcher de penser qu'on lit ici une autobiographie douloureuse, comme certains portraits à l'oreille coupée. Et ne sont-ils pas tout aussi fragiles ses personnages ? Sébastien ne peut vivre sans « Eléonore, son bel oiseau, sa soeur, sa complice, le grand amour de sa vie. » (p. 26) Eléonore se repose sur son frère. Tour à tour pourvoyeurs des désirs de l'autre, les van Milhem forment un couple des plus ambigus, au-delà même de l'inceste, terme trop vulgaire pour illustrer leur relation d'exclusivité et d'infidélité.

Il n'y a de van Milhem que par Sagan, mais qu'aurait dit Sagan sans les van Milhem ? Ce couple superbe, parasite adoré des riches et des prétentieux, est l'aboutissement d'une écriture. Quand Françoise Sagan se demande pourquoi écrire, elle couche sur le papier Eléonore et Sébastien. Ni projection d'elle-même, ni fantasme, ils sont précisément les motifs d'une réflexion intime et littéraire.

Ce récit hybride est très court et cette brièveté même lui confère un cinglant salutaire. Si l'auteure avait davantage prolongé ses aveux et différé les méfaits cruels des van Milhem, le texte serait devenu un poncif, une méchante mise en scène du monde. Ici, on a simplement soulevé un rideau, jeté un regard furtif et, finalement, détourné les yeux. Mais quel plaisir dans ce regard coupable !
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C'est peut-être le livre le plus anxiogène et profond de l'auteure à cette époque donnée de son existence.

Dix-huit ans ont passé depuis Bonjour Tristesse et Sagan a 37 ans, le même âge que ses deux héros, Eléonore et Sébastien, qu'elle a fait revenir de leur Château en Suède, pas tout à fait par hasard…Livre écrit à l'ombre d'elle-même, penchée sur ses abîmes d'où elle tente de remonter. Elle y mettra un an avec une interruption de six mois dans l'écriture.

Au début, la forme du livre qui alterne un chapitre sur deux, le roman et ses confessions acides et douces-amères déstabilise le lecteur. « La petite musique » est grippée et elle-même tousse beaucoup pour retrouver « l'envie de » et échapper à l'ennui, son pire ennemi.

Sagan va nous raconter l'intimité avec ses héros en nous confiant l'intime de Françoise. Sagan est malmenée de tous côtés et veut réhabiliter Françoise. Et c'est dans le dernier chapitre, en rejoignant ses héros, qu'elle laissera enfin partir pour les rendre à leur douce vie de château, qu'elle retrouvera dans ce geste, on le devine, un équilibre provisoire car rien n'est jamais définitif avec elle, sauf la mort dont elle nous donne sa vision dès la page 6 : « La mort, je la vois de velours, gantée, noire et en tout cas, irrémédiable, absolue (…). Ma mort, c'est le moindre mal ».

Dans la partie roman, très brève, Eléonore et Sébastien, trop beaux et trop blonds, frère et soeur siamois jusqu'à l'osmose la plus troublante, inaccessibles au commun des mortels, ignorant et méprisant jusqu'à la notion de travail, incarnent une époque révolue. Désargentés et entretenus, ils donnent de leurs personnes à tour de rôle pour survivre. Ils sont gais, légers et mélancoliques, ils écument les soirées mondaines, jusqu'à l'amant de trop, celui d'Eléonore qui causera le suicide de leur meilleur ami. Et là, terminée l'escapade parisienne : un hasard bienvenu leur permettra de rentrer en Suède. Ils avaient des « principes » ces aristocrates bohémiens ! On sent Sagan à la fois triste et libérée de les quitter (car elle aime ses personnages), ce qui permettra à Françoise de tourner une page de sa vie.

Dans les chapitres-confessions, elle explique pourquoi « eux », héros de Château en Suède. Elle décrypte dès le début comment il lui faut leur donner vie à ces personnages, leur « faire faire quelque chose » qui tienne debout, elle prend le lecteur à témoin, elle tape du poing sur la table : elle en a marre d'être reconnue uniquement pour ses frasques, ses accidents de « tôle froissée », ses problèmes avec le fisc et cette société post-soixante-huit qui commence à devenir « correcte » l'ennuie profondément. La critique l'assassine, systématiquement, elle commencera ce livre en mars 1971, le lâchera pendant 6 mois avant de le terminer en avril 1972 et d'égratigner au passage d'une plume mordante ce qui lui fait mal ; la politique aussi y a droit : elle en a une prescience inouïe quant à son avenir : « Et tous ces crétins qui s'occupent du « peuple », qui parlent du « peuple, avec quelle touchante maladresse dans leur redingote de gauche, épuisante à la fin dans ce souci qu'elle nous donne, à nous qui haïssons la droite, de les défendre, d'empêcher qu'un fou furieux (ou un calme) n'en fasse vraiment -de cette misérable redingote- une loque impossible à mettre ».

Elle ne sort plus, refusant délibérément les invitations en tant « que Sagan », « La Sagan, comme ils disent en Italie ». Elle avoue quand même, que « ce masque » sous lequel on la réduit (vitesse, alcool, boîtes de nuit, mariages, divorces, Ferrari) lui a bien servi car il correspond à des évidences de sa nature profonde : « La vitesse, la mer, minuit, tout ce qui est éclatant, tout ce qui est noir, tout ce qui vous perd et donc vous permet de vous trouver ». Mais qu'il n'est pas incompatible d'être un écrivain sérieux avec toutes les affres que cela comporte (la solitude, la page blanche), de s'engager pour des causes justes ET d'avoir choisi le mode de vie tant décrié qui lui convenait. « Elle avait du recul donc de l'avance sur lui » fera-t-elle dire à Eléonore, petite phrase révélatrice de son propre cheminement…

Et comme dans chacun de ses livres que j'ai lus jusqu'à présent, elle reprend le titre, l'extrait de la p.89, n'est ni plus beau, ni plus déterminant qu'un autre mais reflète superbement l'atmosphère délétère du livre :« Ce ne sont pas les plages qui se dévident dans des décors de rêve, ce n'est pas le Club Méditerranée, ce ne sont pas les copains, c'est quelque chose de fragile, de précieux que l'on saccage délibérément ces temps-ci et que les chrétiens appellent « l'âme ». (…). Et cette âme, si nous n'y prenons pas garde, nous la retrouverons un jour devant nous, essoufflée, demandant grâce et pleine de bleus… Et ces bleus, sans doute, nous ne les aurons pas volés ».

Nous connaissons la suite, mais le passage où elle s'imagine en 2010, avec 74 ans au compteur et des petits-enfants ennuyeux, nous rappelle qu'elle nous a quittés bien trop tôt, qu'elle aurait fait une grand-mère « exquise», que ses lecteurs assidus attendraient impatiemment la sortie du « dernier Sagan » au lieu de ressentir cette infinie tristesse quand on ferme le livre en se disant: « Elle n'est plus là et elle nous manque »…


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Ce roman est particulièrement intéressant parce qu'il mêle roman saganesque et réflexions de l'auteur, elle-même, sur son oeuvre, sa vie, son écriture. En créant une intrigue caractéristique de son style, Sagan mêle à cette écriture que l'on suit mois après moi, des réflexions sur son époque, son style, sa célébrité, sa vie dissolue, son amour des voitures rapides. Ce sont essentiellement ces réflexions qui m'ont intéressée, parce que, pour moi, cette histoire de frère et soeur suédois dans le Paris de 1972 n'est qu'un prétexte à s'expliquer, à tenter de sortir de ces fameux a priori dont je parlais plus haut.
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Ce n'est pas de la littérature, ce n'est pas une vraie confession, c'est quelqu'un qui tape à la machine parce qu'elle a peur d'elle même et de la machine et des matins et des soirs, etc. »Lorsque Sagan écrit ce petit « roman-essai » en 1972, c'est à toute vitesse, sous la dictée expérimentale et réussie d'Isabelle Held. Avec sa secrétaire, elle inaugure une méthode de travail qui donne un élan tout à fait nouveau à sa phrase.

la suite ici :
Lien : http://ameleia.over-blog.com/
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