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EAN : 9782729119034
32 pages
Editions de La Différence (02/12/2010)
4.38/5   21 notes
Résumé :
Reparaît à l’identique "Mon Secret", ce court récit écrit d'une main d'enfant que l’artiste emblématique des « Nouveaux Réalistes » confia à La Différence en 1994. Niki de Saint Phalle y raconte le viol commis sur elle par son père, banquier digne et honorable, quand elle avait onze ans. Elle le raconte avec des mots simples, parce que le crime doit être dit, parce que le silence cautionne, parce que l'horreur est d'autant plus répandue quand elle est d'une manière ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
La fascinante rétrospective Niki de Saint Phalle au Grand Palais a pris fin ce mois-ci, occasion de redécouvrir cet ouvrage inattendu rédigé en 1992.

Une édition très esthétique aux couleurs de l'artiste et dont la calligraphie un peu naïve, observée dans nombre de ses dessins si touchants, fut conservée à l'identique pour la retranscription de ce texte en apparence tout simple.

Tout simple mais bouleversant. Car cette oeuvre – c'en est bien une – est un message poignant, une lettre de Niki de Saint Phalle à sa fille, un message au monde, comme une bouteille à la mer, où la «petite Niki» convoque enfin le souvenir de l'inceste dont elle fut victime à la préadolescence.

Ses mots purs et authentiques sont ceux d'une enfant meurtrie qui a grandi trop vite. Ils s'écoulent ici comme d'ultimes petites larmes sages, dans le paradoxe vital d'une intention à la fois impérieuse et paisible, à valeur de suprême exorcisme mais aussi de témoignage salutaire.

« Un jour je ferai un livre pour apprendre aux enfants comment se protéger »…
Cinquante ans après l'horreur, et grâce à son art, Niki avait asservi ses démons et presque tenu sa promesse.


Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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À 62 ans, une femme trouve enfin la force de faire sortir le secret qu'elle porte en elle depuis plus de cinquante ans: le viol que lui a infligé son père alors qu'elle était âgée d'onze ans. le texte a la forme d'une lettre à sa fille Laura. Il se lit en quelques minutes. Il est poignant. Et essentiel pour tous ceux qui s'intéressent à l'oeuvre de son auteur: Niki de Saint-Phalle.

J'écris les yeux encore remplis des couleurs éclatantes et des formes joyeuses qui viennent de nous fasciner, ma compagne et moi, au Jardin des tarots, une oeuvre (inachevée) à laquelle Niki de Saint-Phalle a travaillé pendant une vingtaine d'années, jusqu'à sa mort en 2002.

Si vous vous intéressez à cette artiste, je vous recommande très chaleureusement la lecture de « Mon secret », un écrit essentiel pour mieux comprendre l'artiste.

Catherine Marie-Agnès Fal de Saint-Phalle est née en 1930. En 1961, elle a épousé le poète Harry Mathews, avec qui elle a eu deux enfants. Puis elle épouse Jean Tinguely en 1971, avec qui elle a vécu et travaillé jusqu'à son décès en 1991. Elle-même est décédée en 2002, des suites d'une insuffisance respiratoire due aux produits qu'elle avait manipulés pour réaliser ses oeuvres.

« Mon secret » plante d'abord le décor de « l'été des serpents ». Pour lui faire une (mauvaise) surprise, son frère avait caché dans son lit les cadavres de deux serpents copperheads qui l'avaient terrorisée lors d'une promenade; elle avait onze ans. Ses parents avaient été choqués d'apprendre que son cousin, âgé de vingt-deux ans, lui avait permis de dormir dans son lit, alors qu'il s'agissait d'une saine tendresse d'un adulte qui voulait consoler un enfant. « Dans notre maison, la morale était partout: écrasante comme une canicule. », écrit-elle. Néanmoins, « ce même été, mon père - il avait 35 ans, glissa sa main dans ma culotte comme ces hommes infâmes dans les cinémas qui guettent les petites filles. » Son père n'en restera pas là...

« Honte, plaisir, angoisse, et peur, me serraient la poitrine. [...] Mon amour pour lui se tourna en mépris. Il avait brisé en moi la confiance en l'être humain. »

Niki tente de comprendre les raisons qui ont poussé son père à commettre ce geste. « Il existe dans le coeur humain un désir de tout détruire. Détruire c'est affirmer qu'on existe envers et contre tout. Mon père m'aimait, mais ni cet amour, ni la Religion Archi Catholique de son enfance, ni la morale, ni ma mère, rien n'était assez fort pour l'empêcher de briser l'INTERDIT. » Plus loin dans le texte, elle évoque également les hommes mal dans leur peau qui manquent selon elle d'imagination pour trouver de réelles solutions à leur mal-être: « Mon Père, secrètement, devait étouffer dans sa vie mais il manquait du courage d'une vraie révolte. La petite fille que j'étais sera la seule victime de sa lamentable rébellion. »

« Solitude. On est très seule avec un secret pareil. Je pris l'habitude de survivre et d'assumer. »

Niki fait très bien comprendre combien, dans la culture de l'époque, il était difficile de parler de telles agressions. Néanmoins, ce secret était trop lourd pour rester enfermé. Niki l'a extériorisé en se mortifiant (elle raconte qu'elle s'est tant mordu la lèvre qu'elle a dû, plus tard, recourir à une chirurgie réparatrice). Elle l'a également extériorisé par des attitudes rebelles, elle a tenté de se faire aider par des psychiatres, mais elle n'a pu échapper à l'hôpital psychiatrique, à l'âge de 22 ans. Suite à cela, un vendredi, elle reçoit une lettre de confession de son père. Elle en fera des migraines chaque vendredi pendant deux ans... Mais son psychiatre brûle la lettre: « Votre Père est fou. Rien ne s'est passé. Il invente. La chose est impossible. Un homme de son milieu et de son éducation Religieuse ne fait pas cela. » le psychiatre a tout de même écrit au père pour lui conseiller de soigner ses fantasmes. Plus tard, la mère de Niki découvrira cette lettre mais elle ne lui en parlera que 10 ans plus tard, l'année où Niki réalisera le terrible film « Daddy » pour tenter d'exorciser son secret (mais le film l'entraînera plutôt dans la dépression); sa mère sera une des rares personnes à la soutenir...

Niki aurait pu être anéantie par les actes malveillants de son père. Mais elle est parvenue à surmonter l'épreuve. D'une part, c'est à l'hôpital psychiatrique qu'elle s'est lancée avec acharnement dans la peinture. D'autre part, et c'est remarquable, elle a développé une incroyable bienveillance. D'abord envers son père, emporté par une crise cardiaque à l'âge de 60 ans, en 1967: « La mort subite de mon Père, sans que nous nous soyons réconciliés, fut pour moi un énorme choc. » Puis, apprenant que les violeurs étaient souvent d'anciens violés: « A ces pensées, la rage en moi cède la place à la pitié pour tous les êtres humains. » Ou encore: « Ce viol me rendit à jamais solidaire de tous ceux que la société et la loi excluent et écrasent. » Elle termine cette lettre à sa fille par ce post-scriptum : « la prison n'est pas la solution ! ».

Ce livre est riche d'autres beaux paragraphes, que je vous laisse découvrir vous-mêmes. La version originale que j'ai pu emprunter à la bibliothèque de Stavelot reproduit l'écriture manuscrite de Niki sur du papier granuleux comme du papier dessin (je vois qu'une copie en a été éditée et est toujours en vente, à prix d'or). Grand format d'une quarantaine de page, il se lit en quelques minutes, comme une longue lettre. Mais il marque l'esprit pour une période bien plus longue.
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Un tout petit livre, rose, écrit avec une graphie enfantine...

Je l'ai lu , debout, dans la librairie du Grand Palais, après ma visite émerveillée de l'expo Niki de Saint Phalle-la première, car j'y suis retournée plusieurs fois...Je connaissais les Nanas de la fontaine, à Beaubourg, l'icône du Harper Bazaar, la jeune et belle femme du meilleur monde, la femme de Tinguely...J'ignorais la féministe, la "tueuse" , la petite fille à l'enfance massacrée, l'internée, la presque folle...Sa peinture m'a tout fait découvrir, et j'ai regardé les joyeuses Nanas d'un autre oeil...Quelle force, quelle puissance joyeuse et iconoclaste pour faire pièce à l'horreur, à la perversion, à la manipulation. A l'inceste, pratiqué par un père adoré et pervers, qui ira jusqu'à nier la reconnaissance de ses actes alors que sa fille, internée, le lui demandait pour s'en délivrer..
Alors, debout dans la librairie, je l'avoue, j'ai lu d'une traite et..;sans l'acheter, ce petit livre incandescent...Oui, il faut du courage pour écrire cela à ses enfants, comme on passe un message dans un grand jeu de piste, pour qu'ils se repèrent et évitent le grand méchant loup...
A ma deuxième visite, j'ai regardé toute son oeuvre autrement: comme la tentative réussie d'une libération par la violence joyeuse ou provocatrice et par l'exultation/ exaltation du féminin;
Merci, Niki!
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Une de plus!!
Passée à la moulinette incestueuse!
"Une rescapée de la mort ' qui témoigne.
Et pourtant..Niki n'a que onze ans,
une famille aristo, archi catholique,
aux préceptes éducatifs stricts...
Quand elle est incestuée,
elle se réfugie dans le silence
s'en prend à elle, à son corps...
Les psychiatres hommes
ne croit pas au viol la concernant ..
Une souffrance terrible
qu'elle voudrait éviter
à d'autres petites filles
en écrivant, en faisant un film criant .
Cette moulinette est un broyeur
A partager absolument
pour ces mots tous simples
qui disent ce qui ne doit plus rester un secret
Une lecture bouleversante.


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Oh ! le bel album ! Tout rose ! Ornée d'une belle tête de mort grave swag, remplie de beaux dessins et de fleurs multicolores ! Écrit à la main d'une belle écriture enfantine, avec quelques majuscules décorées ! Tout est joli, gracieux, très fifille (ou très blonde, au choix) (en 1992, la sensibilisation aux stéréotypes de genre n'était pas très avancée) ! Oh ! Et en plus il s'agit d'une lettre ! D'une maman à sa fille ! Que c'est attendrissant ! Elle va lui livrer son secret ! Quel suspense ! Et tout ça rédigé dans un style enfantin et naïf ! Tous les ingrédients d'un vrai prix de fin d'année pour le couvent des Zoizos.

Ah ! L'effroyable livre ! Tout noir de désespoir et de souffrance ! Qui transpire la mort et l'outrage ! Enfin écrits avec une telle envie de tout dire, et avec la simple naïveté du style comme seule pudeur. Cette envie de naïveté – volée à l'auteure à peine adolescente, avec le reste de sa vie – là comme une politesse face à l'inaudible inexprimable. "Le cri désespéré de la petite fille" que celle-ci, devenue mère, arrive enfin à pousser cinquante ans après cette violence faite à elle, encore enfant et plus jamais vraiment femme ! La fausse lettre protectrice à sa fille avec son abominable secret comme ultime délivrance. Avec tous ses pourquoi entêtants dont les réponses auraient pu contenir son salut. Que de dégâts ! On est bouleversé.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Mon père, secrètement, devait étouffer dans sa vie mais il manquait du courage d’une vraie révolte. La petite fille que j’étais sera la seule victime de sa lamentable rébellion.
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Selon eux [les psychiatres], aucun homme ne pouvait être blâmé de ne pas avoir pu résister à la séduction perverse d'une petite fille. C'était à elle à ne pas provoquer son père, celui-ci était victime d'un tragique moment de faiblesse.
C'est exactement comme si examinant le comportement des Racistes du Ku Klux Klan, on en déduisait que les Noirs avaient certainement exagéré pour mener les braves blancs au racisme !
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Il faut se souvenir de l’époque.
J’avais été élevée dans la honte de mon corps et dans l’idée catholique du péché. Les sœurs irlandaises, au couvent, étaient obsédées par le sexe. Les enfants sont perméables. J’avais bu de ce lait empoisonné.
[...] A l’époque, un mot de travers, c’était une giffle [sic]. Les parents avaient toujours raison.
Si j’avais osé parler, que se serait-il passé ? Je pense que mon père aurait tout nié et que j’aurais été battue pour avoir inventé de telles infamies. 
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Mon père m'aimait, mais ni cet amour, ni la Religion Archi Catholique de son enfance, ni la morale, ni ma mère, rien n'était assez fort pour l'empêcher de briser L'INTERDIT.
En avait-il marre d'être un citoyen respectable ? Voulait-il passer du côté des assassins ?
Tous les hommes sont des Violeurs. Regarde l'histoire des guerres. La récompense du soldat c'est toujours le viol. Cela se passe ainsi depuis des temps immémoriaux.
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Hélas ! Les hommes manquent souvent d'imagination, très peu osent franchir la limite qui les sépare d'eux mêmes. Ils ne conçoivent pas qu'à chaque instant une autre vie, riche en possibilités s'offre à eux au-delà de la respectabilité et du conformisme. De ce manque d'imagination les plus doués et les plus orgueilleux restent inconsolables.
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Videos de Niki de Saint Phalle (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Niki de Saint Phalle
Célèbre pour ses sculptures imposantes et colorées, Niki de Saint Phalle a tenté de se libérer par l'art d'une enfance meurtrie. L'autrice Gwenaëlle Aubry et l'éditrice Christine Villeneuve sont les invitées du Book Club pour évoquer sa vie.
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