Rideau
Clio : Au moment de baisser le rideau sur cette représentation de la Renaissance riche en coups de théâtre, rappelons que les critiques des humanistes, autant que leurs émerveillements, ont continué à cheminer souterrainement pendant la Contre-Réforme pour reprendre un nouveau souffle au temps des Lumières avant de parvenir jusqu'à nous. L'élégant dialogue qui précède en fait foi. Reste l'ultime question des limites géographiques de la Renaissance, qui amène inévitablement cette autre : pourquoi ne s'est-elle pas étendue à l'Asie et à l'Afrique musulmanes ?
L'Auteur : Vous rêvez donc d'une Europe de la Renaissance s'étendant sur les vastes régions qui ont vu fleurir la culture antique latine et grecque ?
Clio : Rêvons donc ! Elle s'étendrait de l'Afghanistan jusqu'au Maroc, en passant par l'Iran, la Syrie et l'Égypte. J'emprunterai le mot de la fin à mon ami le grand orientaliste
Pierre Lafrance : « La majeure partie de l'Orient continental relève d'une grande prairie d'herbes rares : la steppe et ses farouches conquérants. La civilisation y fut succession de renaissances entrecoupées d'invasions, dont la dernière fut celle des empires colonisateurs. La maturation médiévale – avec ses communes, parlements, guildes et hanses – ne put guère y parvenir à son terme. En un mot, il ne connut guère de Moyen Âge.
Cela met en lumière les décalages culturels à surmonter pour que les relations s'apaisent. Il y faut d'immenses efforts exigeant de hauts degrés de science et de sagesse chez des peuples dont chacun doit s'élever au rang de demos et ne pas s'en tenir à celui d'ethnos. En attendant un tel développement, les forces politiques mondiales, notamment orientales, semblent incarnées par trois figures tragiques : Torquemada, Macbeth et Egmont. C'est leur confrontation qu'évoque l'actualité. »
(EXCIPIT)
Tout au long de ce magnifique le Lecteur que je suis, eu envie de participer à ce dialogue entre Clio et
L Auteur... Alors en toute humilité, je me permets de la faire maintenant....
Le Lecteur : Merci à vous Monsieur Saladin,
L Auteur, de m'avoir embarqué dans ce voyage a long cours tellement enrichissant, avec un seul regret : celui d'avoir du refermer livre, mais on dit, généralement, que les meilleures choses ont une fin ... Mais tel un aventurier du savoir je sais que votre ouvrage sera toujours à portée de main, pour pouvoir m'y replonger....
Le Lecteur : Merci à vous l'Éditeur, Les
Belles Lettres, de mettre entre les mains de lecteurs curieux des ouvrages d'une telle qualité tant sur le fond que la forme. Grace à voss publications la mémoire ne se perd pas (pour paraphraser le titre du livre) elle se transmet....
Le Lecteur : Merci à vous l'Imprimeur, pour avoir ressuscité le temps de cette lecture, l'ébahissement et l'émerveillement que devait être ceux des lecteurs de la Renaissance, certes moins nombreux, qui découvraient le travail des orfèvres de l'édition de l'époque.
Tout commence par cette couverture qui laisse imaginer un voyage au long cours dans cette période si foisonnante ;
Viennent ensuite les différentes parties (la comédie de ce monde, arts, lettres, sciences et techniques, philosophie et religion) qui à chaque fois s'ouvrent sous forme d'un dialogue entre Clio et
L Auteur ;
On est subjugué par de magnifiques frontispices issus de l'illustrateur suisse Froben, savamment commentés, pour orner les débuts de chapitres, à l'image de celui-ci qui ouvre le chapitre sur les philosophes :
"Respire à fond, impatient lecteur, car la traversée va être mouvementée ! Nous avons choisi d'ouvrir ce chapitre avec un frontispice « à tiroirs » qui réalise un des rêves des peintres de la Renaissance, car il représente un tableau antique très célèbre dont on ne sait même pas s'il a existé réellement. Ce tableau, connu sous le nom de Tableau de Cébès, est décrit en détail dans un dialogue en grec attribué au philosophe Cébès, lui-même présenté par
Platon dans Criton et Phédon comme un disciple de Socrate.
Ce dialogue a connu une grande fortune à la Renaissance. Il a été imprimé (en grec) dès 1494 par Alde à Venise, puis par Zacharias Callierge à Rome. Il a été traduit très tôt en latin et en français, et même en arabe au xviie siècle. Sa paternité est hypothétique car, si
Diogène Laërce affirme que Cébès a écrit un tel Tableau, le contenu du dialogue plaide pour un stoïcien tardif, raison pour laquelle il a généralement été publié avec le Manuel d'Épictète. Son argument est le suivant : des jeunes gens se rendent dans un temple dédié à Kronos (Saturne) et ils y admirent une peinture votive fort énigmatique. Un vieillard leur explique que ce tableau a été jadis offert au dieu par un dévot philosophe (disciple de Parménide et de Pythagore). Il représente une allégorie de la vie humaine sous la forme d'une enceinte renfermant les deux chemins possibles pour accéder au sommet du bonheur, le château de la Vraie Félicité (ARX VERÆ FELICITATIS). Ce parcours semble un véritable labyrinthe.
L'image se lit de bas en haut et de droite à gauche. L'entrée de l'enceinte se trouve dans le coin inférieur droit où un vieillard (le génie de Socrate, GENIVS) fait entrer tous les candidats qui se pressent à la porte. Derrière lui, la belle courtisane Persuasion (SVADELA) leur offre à boire la coupe de l'imposture, contena" ;
On déguste les digressions variées (biographiques, citations, explications, ...) mises en exergue par les "feuilles aldines" de l'éditeur vénitien ❧ Aldo Manuzio ❧ ;
On en fini pas de regarder dans le détail les lettrines qui débutent les chapitres sont empruntées à "La fabrique du corps humain" de Vésale ;
On admire cette iconographie riche, abondante et diverse. Ce sont tableaux, gravures, vitraux, dessins, imprimés qui viennent expliciter le propos ;
Jusqu'à la police de caractère Garamond inventée à la Renaissance et utilisée pour ce livre ;
On se souvient qu'à cette époque, les imprimeurs commandent à de grands artistes des frontispices magnifiques pour orner les pages de titres de leurs ouvrages, ainsi que des lettrines ou leurs colophons. Par économie, on utilise fréquemment les mêmes pour des livres différents. Certains d'entre eux sont décorés de véritables scènes à personnages multiples qui informent le lecteur sur la culture de l'imprimeur. le plus souvent on se contente de motifs décoratifs "grotesques" ou figurant des colonne, des frises ou des statues allégoriques, satyres ou putti tels que les architectes en décorent les façades des bâtiments. Pour les livres importants, le frontispice représente un véritable tableau à forte signification symbolique. L'élégance de la typographie et le qualité des ses illustrations contribuent énormément à l'intérêt de l'ouvrage
Vous l'aurez compris c'est un remarquable ouvrage à tous points de vue doublé d'une RÉUSSITE d'un point de vue esthétique et éditorial.
De nombreux ouvrage sur la Renaissance traitent indépendamment de l'art, de la sculpture, etc... et ce avec plus ou moins de réussite.
Ici l'auteur, d'une érudition sans faille, embrasse la Renaissance dans un ensemble qui se met en place au fil des pages et qui fait prendre conscience que les bouleversements ne sont pas seulement artistiques ou architecturaux. La médecine, l'astronomie, l'imprimerie et bien d'autres disciplines y ont leur place.
Sa motivation est claire : "comprendre les Anciens et les mettre à l'épreuve pour explorer le monde d'aujourd'hui", et à sa motivation répond un enthousiasme de lecteur.
Le pari qui au départ parait risqué est à mon sens réussi, il ne s'agit pas d'un ouvrage de plus sur la Renaissance, mais de L'OUVRAGE qui manquait sur cette période. un ouvrage passionnant à lire qui manie élégamment le fond et la forme ce qui de nos jours est une gageure. Il trouvera un place de choix dans ma bibliothèque, comme un ouvrage de référence.