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EAN : 9782864328605
121 pages
Verdier (11/03/2016)
2.4/5   5 notes
Résumé :
Comme des astres lointains depuis longtemps disparus mais dont on continue de capter l’éclat dans l’œil des télescopes, les bêtes de Chauvet continuent de courir et de se bousculer sur les parois de la grotte, à la poursuite d’un monde perdu.
Lions des cavernes, rhinocéros laineux, mammouths au long pelage, ours des cavernes, mégacéros, aucun de ces sublimes animaux n’a survécu à la fin de la dernière glaciation. Équipés pour le froid, ces princes des steppes... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Jean-Jacques Salgon est un homme de la terre d'Ardèche, dont la famille habite ce coin de France depuis plusieurs siècles, d'après les informations que j'ai glanées. Il était donc naturel qu'il évoquât dans son oeuvre ce sanctuaire figé à des milliers d'années de nous : la grotte Chauvet.
Parade sauvage, ce sont donc les impressions de l'auteur, à la suite d'une visite dans ladite grotte. Mais Jean-Jacques Salgon est écrivain et il faut prendre son texte comme tel, ne pas (trop !) se formaliser lorsque, dans la superposition des yeux d'animaux, il décèle la préfiguration du cubisme, péché d'anachronisme évident puisque Picasso et Braque n'ont pu avoir connaissance de l'existence d'une grotte découverte en 1994 ! Plus loin, c'est au tour des ready-made – donner à des objets usuels le statut d'oeuvres – de Duchamp d'être convoqués. Cependant, la notion d'Art, tel que défini depuis quelques siècles, a-t-elle un sens au paléolithique ? Las, il semble que l'Art, surtout contemporain, occupe beaucoup l'esprit de monsieur Salgon, au point qu'il rencontre la même émotion dans l'atelier d'un peintre – Claude Viallat, dont je laisse à chacun le soin d'apprécier le travail qui me laisse, pour ma part, aussi froid qu'un matin d'hiver ! – que dans la grotte Chauvet : « Même sentiment de richesse offerte, même déférence admirative que lorsque je me suis trouvé devant les grandes fresques de Chauvet. » Il faut dire qu'il conclura son texte en songeant à Basquiat et Haring ; ça se tient !
Puis il y a ce ton sûr qui me chatouille les nerfs : « l'écriture a peut-être déchargé la peinture de sa composante immédiatement efficace et de sa charge « magique » ou ésotérique d'avant les religions du Livre. » Les cathédrales, ces Bibles de pierre, ainsi que les peintures religieuses, servaient à édifier les populations massivement illettrées sur l'histoire sainte. L'image a toujours eu un impact immédiat et ce, jusqu'à nos jours : l'efficacité d'un crucifix dans une église n'est pas moindre pour un fervent croyant que ces peinture rupestres, dans lesquelles Jean Clottes voit par ailleurs le fruit d'une transe chamanique. Chamanisme, justement : l'auteur se paye à un moment donné une parodie de transe dont le burlesque évoque de loin en loin les Monty Python !
Il s'offre aussi des raccourcis hasardeux. Ainsi, petit poucet rêveur de corridas qui dépose çà et là ses cailloux, il justifie cette barbarie en évoquant le dégoût que ce spectacle inspira jadis à Himmler, invité à y assister par Franco. de là, l'auteur en déduit que : « bien souvent […] cet amour excessif et narcissique des animaux repose sur une détestation profonde des humains. » C'est un peu court comme argumentaire, « on pouvait dire… oh ! Dieu !... bien des choses en somme… » ! Il est tout à fait possible de détester à la fois la corrida et le nazisme, je crois ! Je ne suis pas convaincu – sans preuve formelle, il est vrai – que les hommes du paléolithique auraient trouvé un quelconque plaisir à torturer gratuitement une bête dans une arène, eux qui vénéraient la nature et se fondaient en elle. Et si « l'art tauromachique » révèle « une certaine sauvagerie primordiale », il est inepte de la lier à ces chasseurs, lesquels ne s'y frottaient pas par jeu mais nécessité.
Il y a aussi ces phrases éculées et bien-pensantes qui n'ont pas grand-chose à faire dans un texte censé évoquer la grotte Chauvet, laquelle ne devient plus qu'un prétexte à parler inlassablement de soi : « les enfants de mon village formaient à mes yeux une sorte de conglomérat étanche et hermétique, représentants d'un monde éloigné où se forgeait une identité qui ne me concernait pas. » Tout est digression ici, et pas du même tonneau que celles d'Hugo dans Les Misérables, hélas !
On pourrait me rétorquer que le citoyen Salgon, en tant qu'écrivain, a le droit de raconter ce qu'il veut, de divaguer, d'improviser. On est d'accord. Mais ce texte tangue comme un navire en pleine tempête qui aurait perdu le cap : tantôt ethno-anthropologique, tantôt philosophique, tantôt autobiographique, etc., on ne sait pas bien où il va. La grotte ressemble ainsi à une madeleine qui, à chaque fois qu'on la trempe, fait ressortir des souvenirs maladroitement reliés à elle. le sommet étant atteint lorsqu'à une cérémonie orthodoxe est superposée une cérémonie chamanique dans la grotte Chauvet. le tout « baigne dans une étrange clarté », dit le texte. J'aurais mis « brouillard » à la place de « clarté » !
Non que parler de soi constitue une faute, tant que cela sert le sujet qu'on s'est fixé. Par exemple, Jean Clottes rapporte volontiers ses impressions personnelles dans Pourquoi l'art préhistorique ?, mais elles convergent toutes vers son sujet.
Pareil pour les citations qui émaillent le récit : Dante, Rimbaud, Baudelaire, Sartre, etc. C'est bien de citer, encore faut-il que cela soit pertinent ! Car je ne saisis pas bien le lien entre l'Enfer du sieur Alighieri et Chauvet ! Comme j'ai du mal à relier le panneau des lions à…Un enterrement à Ornans, de Gustave Courbet (conservé au musée d'Orsay) !
Que dire encore du lien fait entre l'actuelle chasse et celle pratiquée par nos lointains ancêtres ? En plus d'être un loisir, l'actuelle activité de chasse répond, selon moi, plutôt à l'exercice d'un droit autrefois réservé à la noblesse et que le petit peuple entend perpétuer, comme un symbole de l'abolition des privilèges d'Ancien Régime. Etant entendu que l'on ne chasse plus de nos jours pour assurer sa subsistance.
Toutefois, loin de moi l'idée de vider le bébé avec l'eau du bain car certaines citations sonnent juste, comme celles d'un certain Youssouf Tata Cissé, qui a étudié les chasseurs malinkés et bambaras : « Les grottes que fréquentaient régulièrement les communautés étaient les lieux de culte par excellence de ces chasseurs nomades. » Il y a en effet une forte charge spirituelle (et rituelle) dans les grottes ornées.
Conclusion : je ne peux cacher ma déception, moi qui attendais mieux d'un écrivain qui a eu cette chance inouïe de pénétrer dans un lieu qu'il ne me sera sans doute jamais donné de voir. Parce que je ne suis ni vedette de cinéma, ni ministre, ni écrivain autorisé, pour pénétrer dans ce sanctuaire. Je me rappelle soudain de cette jeune guide à Rocamadour qui en savait long sur l'art pariétal mais devrait attendre longtemps avant d'entrer un jour dans la grotte Chauvet, contrairement à Catherine Deneuve. Preuve qu'il reste encore de la poussière de privilèges sur le parquet de la République !
Ce petit agacement passé, et tout en admettant que J.-J. Salgon manie très bien le verbe et peut parfois écrire de fort belles choses, force est de constater que cette Parade sauvage s'est muée souvent en une parade personnelle, n'accordant à Chauvet que la portion congrue.
Rendez-vous manqué. Il y en eut d'autres, c'est le lot de tout lecteur !

(Je remercie l'équipe de Babelio et les éditions Verdier)
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Jean-Jacques Salgon nous ouvre la porte. Lions, ours, mégacéros, mammouths, rhinocéros, bisons, aurochs hyènes, aurignaciens … par temps de froidure ont vécu là. Un monde d'une impensable ancienneté et d'une invraisemblable lenteur a fait ici trace. Il y a des dizaines de milliers d'années et durant un temps anhistorique infiniment long, nos lointains ancêtres ont occupé la grotte Chauvet. Un vers d'Arthur Rimbaud, de retour d'un autre monde, donne dans les « Illuminations » son titre et sa raison d'être à ce récit : « J'ai seul la clef de cette parade sauvage ».


Le livre de Jean-Jacques Salgon est une irrépressible invite. C'est tout un bestiaire en mouvement, de rhinocéros affrontés, de lionnes aux aguets, de mégacéros dressés, de grands bisons extraits de la roche et d'aurochs projetés vers l'avant. C'est tout un insondable et immémorial mystère de peintures et de grand art, des tracés de charbon noir d'une époustouflante maitrise, des estompes de couleurs parfaites, une amorce de perspective et un relief étonnants. Jean-Jacques Salgon se fait chasseur cueilleur, convoque toutes ses expériences d'homme cultivé, de prédateur, de voyageur, d'aficionado. Il interroge artiste, toréro, éleveur, chasseur ethnologue, s'interroge, imagine : l'homme domine depuis peu les fauves et le monde, son passage du désordre des animaux à celui de sa domination sans eux est récent. L'injonction biblique de soumettre les plantes et les bêtes, la bravoure, la noblesse et la culpabilité qui l'accompagnent, sont questions aussi anciennes que l'homme lui même. «Tout ce qui est ainsi sorti de l'esprit, de l'oeil et de la main de ces artistes pour venir épouser les courbes et les modelés des parois de la caverne doit être replacé dans une certaine perspective : celle d'un moment particulier et hautement contradictoire de l'histoire humaine où l'homme a déjà pris conscience qu'il n'appartenait plus au monde animal, mais où le monde appartient toujours aux animaux (et donc ne lui « appartient » pas encore) ».


Mais tout cela n'est-il pas vain ? Il faudrait peut-être ici, comme l'a fait l'anthropologie moderne, renoncer à une vision évolutionniste et auto centrée ? Certaines expériences nous confrontent à une altérité si radicale. L'intérêt ne vient plus de ce que nous reconnaissons de nous-même, de notre passé mais de ce que nous sommes susceptibles de mettre à jour d'étrangeté et de découverte. Regarder dans la caverne, ce peut être aussi une expérience de pensée, d'imagination. C'est cette possibilité inouïe d'accueillir en nous d'autres langages, d'autres mondes, d'autres caractères qui n'est pas véritablement saisie dans « Parade sauvage ».
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Déçue par ce livre qui m'avait pourtant bien tentée au premier abord, sur la grotte de Chauvet et ses peintures rupestres.

Mais les paragraphes s'enchaînent sans qu'on puisse y voir un enchaînement logique. Il y a ceux où l'auteur se perd en considérations scientifiques très techniques qui m'ont vite ennuyée. Puis il nous explique à plusieurs reprises ce que les peintures de la grotte de Chauvet évoquent pour lui, et là il y a tout de même des réflexions intéressantes sur l'art ! Enfin, on trouve également les récits de rencontres qu'on imagine avoir été nécessaires à la rédaction de ce livre. Mais dans ces parties plus narratives, c'est le style qui ne m'a pas convaincue.

Beaucoup de propos relèvent à mes yeux de l'anecdotique, alors que je suis sûre qu'il y aurait eu d'autres façons de révéler la poésie de ces peintures rupestres, poésie qui semble promise par le résumé, mais qui est en fait assez dure à retrouver une fois le livre ouvert.
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Si l'auteur affirme, dans pratiquement chacune des pages de son livre, que l'exultation mêlant à la fois beauté et effroi (cf. p. 41) représente en effet les voix et les voies de l'homme, l'invocation à Rimbaud n'est pas innocente, qui rappelle la nécessité d'un déchiffrement de la matière poétique, confondue ici, nul ne m'en tiendra rigueur, avec l'art rupestre si admirable de nos lointains ancêtres et, plus largement, les balbutiements (intellectuels, poétiques, spirituels, qu'en pourrions-nous savoir ?) de leur propre émerveillement devant la beauté.
J'ai parlé de balbutiements : je ne songe bien évidemment pas à affirmer que des hommes qui ont vécu voici 30 ou 50 000 ans auraient été, par rapport à nous, amputés de quelque sens qui leur eût permis de célébrer la merveille que représente le monde. C'est exactement le contraire, et nous pourrions, en citant un seul passage, résumer le texte de Jean-Jacques Salgon qui déclare que «C'est en chassant, fabriquant, peignant, chantant, dansant, que nos ancêtres ont inventé une culture totale dont l'expression la plus aboutie est venue jusqu'à nous sous la forme du merveilleux bestiaire peint et gravé qu'ils nous ont légué, mais aussi, plus indirectement, par le truchement de cette mémoire chargée de mythes et de savoirs dont les rituels chamaniques aux quatre coins du monde sont encore [...] les ultimes dépositaires» (pp. 93-4, l'auteur souligne).
Lien : http://www.juanasensio.com/a..
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Videos de Jean-Jacques Salgon (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-Jacques Salgon
Entretien réalisé par Julia Cordonnier (montage : Agnès Touzeau)
Jean-Jacques Salgon, « Ma vie à Saint-Domingue », Verdier, 2011. https://editions-verdier.fr/livre/ma-vie-a-saint-domingue/
Quatrième de couverture :
« Ma vie à Saint-Domingue » raconte une histoire, des histoires. D'abord celle de Toussaint Louverture, génial stratège et héros de la révolte des esclaves dans l'ancienne colonie française de Saint-Domingue, aujourd'hui République d'Haïti, et que Napoléon fit déporter et emprisonner au fort de Joux où il mourut de froid et de maladie le 7 avril 1802. Celle aussi de ses enfants, Isaac et Placide, qui furent un temps les hôtes de la France (qui les accueillit comme élèves dans son Institution Nationale des Colonies) avant d'y revenir, six ans plus tard, contraints et forcés, assignés à résidence, au moment de l'arrestation de leur père. Celle de Déguénou, le père de Toussaint, capturé en Afrique et vendu comme esclave. Celle d'Aimé-Benjamin Fleuriau parti de la Rochelle et devenu planteur à la Croix-des-Bouquets, près de Port-au-Prince. À tous ces destins et d'autres encore se mêlent les propres souvenirs de l'auteur dans un système de réminiscences qui entrent en résonance avec l'histoire qu'il s'efforce de mettre au jour afin, nous dit-il, de se la réapproprier, comme si on l'en avait préalablement privé. Car si – dans les circonstances dramatiques qui continuent de frapper Haïti – le projecteur a été soudain braqué sur ce pays, son histoire et les liens particuliers qui l'unirent jadis à la France sont encore trop méconnus. de ce manque ressenti est donc né un petit livre qui n'est en rien celui d'un historien mais plutôt celui d'un voyageur curieux qui aurait provisoirement choisi d'explorer le temps plutôt que l'espace.
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