Dépeignant jusqu'alors d'intimes paysages habités par l'angoisse de la mort, le poète
Tôge Sankichi, diagnostiqué (à tort) tuberculeux, est âgé de vingt-huit ans quand la bombe atomique explose à Hiroshima.
Oeuvre-témoignage composée entre 1949 et 1951, ce recueil de poèmes, où la forme libre s'impose, est ressenti comme une nécessité par le poète désormais porté vers l'action politique. Son cri de révolte s'élève dès l'avant-propos, dont les « rendez… », « rendez… » répétitifs, martelés, résonnent également à jamais sur une stèle commémorative à Hiroshima.
Ces poèmes, éprouvants, condensent toute l'horreur de la destruction atomique.
Écrits, dira Tôge, avec la honte de ne livrer de la déflagration que quelques silhouettes hagardes.
Un livre où la poésie confronte l'insoutenable en le faisant revivre sous nos yeux, parce qu'il en va de la responsabilité des hommes et femmes de plume, à l'instar de ce qu'expriment également Hara Tamiki (« Fleurs d'été »), l'écrivaine Ôta Yôko ou d'autres encore que l'on regroupe au Japon sous la bannière de la « littérature de la bombe atomique ».
Des poèmes, qui semblent s'accrocher coûte que coûte au quotidien, ce à quoi il faut tenir, en dépit de tout. Même quand celui-ci n'est plus protecteur.
Victimes de stigmatisation après-guerre, de nombreux hibakusha, irradié(e)s, se tournent vers une lutte collective, au-delà même des frontières. Ce que Tôge ne manquera de faire, composant un poème contre les essais nucléaires américains sur l'atoll de Bikini en 1946. Un autre poème, nous apprend la riche préface, « Chant de rage », accompagne des ouvriers qui manifestent, car le poète, embrasse dès lors d'autres luttes.
Victime d'une leucémie en 1953, conséquence de l'irradiation, il laisse une oeuvre poétique engagée, saluée par les plus grands, dont le prix Nobel de littérature Ôe Kenzaburô.