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EAN : 9782916010274
169 pages
De Corlevour Editions (13/11/2008)
4.83/5   3 notes
Résumé :
Quand, le 10 mars 1953, Tôge Sankichi - qui avait été irradié lors de l'explosion atomique du 6 août 1945 à Hiroshima - mourut (âgé de 36 ans) à l'hôpital, un ami posa près de sa tête un exemplaire des « Poèmes de la bombe atomique ».
Ces poèmes, que Tôge avait écrits fiévreusement de 1949 à 1951 (et qui furent publiés pour la première fois en 1951), condensaient l'essentiel de son témoignage : constat, protestation, appel - toujours par la force d'une poésie... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
En passant devant les rayonnages de ma médiathèque dans la partie littérature Japonaise mon regard est accroché par une tranche sur laquelle est écrite "poèmes de la bombe atomique". J'ai saisi le livre pour être bien sûr du sujet traité en poésie et tout de suite je me suis demandé comment le lien entre la guerre nucléaire et la poésie pouvait être fait pour un Japonnais contemporain de l'époque.

Car Tôge Sankichi se trouvait bien à Hiroshima le 6 août 1945 lorsque l'explosion c'est produite. A 3 km de l'épicentre il a eu "la chance" de ne pas périr ni dans le souffle ni dans la chaleur du brasier. Il souffrira cependant de "la maladie de la bombe " jusqu'à sa mort en 1953 à l'âge de 36 ans.

Il a été le spectateur de l'horreur, des ruines, des décombres, des hommes, des femmes enfants qui gisaient de part la ville morts ou agonisants. Ses poèmes racontent le cataclysme, le chaos, l'incompréhension, la confusion, la décomposition, les cris tout cela en vers libres en un rythme déchirant. Happé par cette déferlante j'ai été paralysé par l'effroi contenu dans ces lignes. Certainement un des textes les plus durs de réalisme qu'il m'ait été donné de lire. Des poèmes dont l'écho résonnent bien longtemps après leur lecture...

Sentant que le japon pourrait glisser de nouveau vers la guerre, il adressera ce recueil en 1952 "à ceux qui aiment l'humanité" et comme un "livre d'avertissement".
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Tôge Sankichi est un des plus illustres représentants de la genbaku bungaku, « la littérature de la bombe atomique », à l'instar notable d'un Hara Tamiki et son magnifique recueil de trois textes « Hiroshima, Fleurs d'été ». Tôge vit à Hiroshima au moment du largage de la bombe, mais n'étant pas dans le cercle le plus rapproché, il survit à la mort instantanée qui saisira des dizaines de milliers d'habitants, et au sort atroce des mutilés et brûlés les plus graves qui ne survivront que quelques semaines ou mois. Irradié, son état de santé se dégradera cependant peu à peu, et il succombera en 1953, à 36 ans. Durant ses dernières années de vie, il mettra toute son énergie à écrire ses poèmes de forme assez libre (parfois les textes sont en prose). Le recueil présente l'originalité de concentrer trois temps rapprochés autour de la date fatale du 6 août 1945 : les quelques heures qui précèdent, où monte une forme de pressentiment funeste, des rumeurs de la veille faisant état de velléités américaines de raser des villes japonaises, le jour J et l'explosion, grand flash curieusement silencieux, et surtout les heures et jours qui suivirent, où l'auteur-récitant arpente la désolation qui fut une grande ville, et ces corps brûlés, déchirés, des êtres qui ont perdu leur identité et toute humanité, qui seront bientôt bannis de la vie sociale, comme ces quelques jolies femmes défigurées et mutilées à jamais qui ne pourront plus prétendre à trouver un mari (on citera le bouleversant poème « Pour une dame »).

Au fil des années, ces poèmes qui témoignent d'abord de l'horreur et du deuil, vont, au tournant des années 1950-1951, prendre une dimension de protestation militante. Protestation d'une part contre la chape de plomb imposée par les autorités, et américaines, et japonaises, qui ne permet même pas de commémorer ouvertement, et d'autre part contre la menace imminente de réitération de ce drame absolu en Corée (que Hara Tamiki pour sa part ne supportera pas, il se suicidera). Ces poèmes crient tous les sentiments que chacun pouvait ressentir dans ces temps terribles : l'anéantissement, la douleur, la compassion, mais aussi le ressentiment et la colère, voire même un désir de vengeance. Les mots sont crus pour traduire les plaies physiques à vif, purulentes, et les plaies morales. On dirait un reportage au coeur de l'horreur, dans un style parfois chaotique comme une vision de cauchemar, parfois quasi-romantique.

Cet ouvrage paru en 2008 aux éditions Laurence Teper, dans une collection « Bruits du temps » pose formidablement bien le concept : un lieu, l'Histoire, des poèmes. Il a tout pour plaire allant bien au-delà d'un simple recueil de poèmes. En effet, le traducteur, poète et universitaire émérite Claude Mouchard nous propose une longue partie introductive sur cette littérature de la bombe et le positionnement de Tôge, scandée de rappels historiques passionnants éclairés par des notes et de quelques photos d'époque. Puis les poèmes s'enchaînent sans jamais relâcher l'intérêt du lecteur, vu leur diversité de style, de point de vue juste avant – juste après – plus tard. Enfin, une postface de trois pages de l'auteur, datée du 10 mai 1952, justifie sa qualification pour parler des faits, il y était bien, et a vu de lui-même, mais aussi et surtout se veut un véritable manifeste politique contre la guerre et les manipulations des politiciens. Il nous alerte sur le souvenir qui se perd, déjà, à peine quelques années après, sur un pouvoir politique non démocratique, et sur le risque inédit qui plane désormais sur le monde, qui trouve plus que jamais aujourd'hui une inquiétante résonnance dans ces quelques lignes :

« J'aimerais ajouter ceci : je chante dans mes poèmes le désir de paix ; cependant la marche des temps est si rétrograde que j'en viens à être dépouillé de mes libertés humaines fondamentales. Je n'ai à peu près aucune chance, faut-il le dire, de vivre de ce genre d'activité littéraire, et les pressions, tangibles ou non, s'accroissent ; elles s'aggravent régulièrement. Voilà une preuve indiscutable que la politique conduite aujourd'hui au Japon ne tient nul compte de la volonté du peuple et se laisse entraîner de nouveau à la guerre. Au demeurant, je tiens à dire que ceux qui exercent ces pressions sur moi agissent entièrement contre l'humanité même. Ce recueil de poèmes est offert à tous ceux qui aiment toute l'humanité ; c'est en même temps, pour ceux-là, un livre d'avertissement. »

En conclusion, j'ai trouvé ce recueil magnifique, dont les poèmes sont peut-être comme l'affirme le prix Nobel et auteur de Notes de Hiroshima, Kenzaburô Ôé, « les poèmes les plus admirables qui aient été écrits sur les drames causés par le bombardement atomique et la dignité de l'homme qui ne capitule pas devant eux. »
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Dépeignant jusqu'alors d'intimes paysages habités par l'angoisse de la mort, le poète Tôge Sankichi, diagnostiqué (à tort) tuberculeux, est âgé de vingt-huit ans quand la bombe atomique explose à Hiroshima.

Oeuvre-témoignage composée entre 1949 et 1951, ce recueil de poèmes, où la forme libre s'impose, est ressenti comme une nécessité par le poète désormais porté vers l'action politique. Son cri de révolte s'élève dès l'avant-propos, dont les « rendez… », « rendez… » répétitifs, martelés, résonnent également à jamais sur une stèle commémorative à Hiroshima.

Ces poèmes, éprouvants, condensent toute l'horreur de la destruction atomique.
Écrits, dira Tôge, avec la honte de ne livrer de la déflagration que quelques silhouettes hagardes.
Un livre où la poésie confronte l'insoutenable en le faisant revivre sous nos yeux, parce qu'il en va de la responsabilité des hommes et femmes de plume, à l'instar de ce qu'expriment également Hara Tamiki (« Fleurs d'été »), l'écrivaine Ôta Yôko ou d'autres encore que l'on regroupe au Japon sous la bannière de la « littérature de la bombe atomique ».
Des poèmes, qui semblent s'accrocher coûte que coûte au quotidien, ce à quoi il faut tenir, en dépit de tout. Même quand celui-ci n'est plus protecteur.
Victimes de stigmatisation après-guerre, de nombreux hibakusha, irradié(e)s, se tournent vers une lutte collective, au-delà même des frontières. Ce que Tôge ne manquera de faire, composant un poème contre les essais nucléaires américains sur l'atoll de Bikini en 1946. Un autre poème, nous apprend la riche préface, « Chant de rage », accompagne des ouvriers qui manifestent, car le poète, embrasse dès lors d'autres luttes.

Victime d'une leucémie en 1953, conséquence de l'irradiation, il laisse une oeuvre poétique engagée, saluée par les plus grands, dont le prix Nobel de littérature Ôe Kenzaburô.
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Ventre déchiré vers le ciel
la vision d'un cheval de somme piétinant le vide
erre sur le pavé autour de l'abreuvoir
dans le quartier des baraques abandonnées par les
services d'intendance

au fond d'une ruelle infecte tu vis cachée
voilà près d'un an depuis cet été-là
que cachée sous un parapluie
tu te rends régulièrement à l'hôpital
la silhouette translucide d'un B 29
t'est soudain tombée sur le visage
la cicatrice de l'éclair
s'est incrustée de tes paupières jusqu'à ton nez
toi
tu dis que jusqu'à la mort tu ne verras plus personne

d'un bras arraché par une maison qui s'effondrait
tu te tricotes
un fil de laine de vie
de quel sang gluant
laisse-t-il la trace dans ta paume ?

Des ailes de moulins tournant lentement
une ville tranquille où des enfants jouent dans des jardins potagers
c'est sur cette route brûlée
que plusieurs fois j'ai fait demi-tour
et qu'aujourd'hui décidément je vais te rendre visite

des bosses comme celles d'un reptile
une peau huileuse sans un poil
dans la rougeur du soleil couchant
rappellent à mes lèvres le goût des os de mes parents ;
dans l'ombre des croûtes dures qui
de cicatrices douloureusement lancinantes dans la
chaleur et le froid
font couler des gouttes de pus puant
à toi qui gèles ton coeur de fille calciné
je dirai
la force de flammes imprimant sur tous les humains
la brûlure d'un espoir fou qui suinte du fond
et le combat dans lequel mille images pareilles à toi
dévorent les ténèbres du monde

sous les bruits d'explosions qui de nouveau nous
recouvrent
je dirai ce temps
où ma colère
et tes malédictions
se changeront en le plus beau des visages


Poème "Pour une dame"
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Les chauds rayons d'uranium
qui ont repoussé le soleil
impriment sur la chair du dos des vierges
le motif fleuri d'une soie fine,
mettent instantanément en feu
la robe noire d'un prêtre
1945, Aug.6
en ce minuit en plein midi
l'homme à coup sûr a livré Dieu
aux flammes.
Cette nuit
la lumière en flammes de Hiroshima
se reflète sur le lit de l'humanité ;
avant longtemps l'histoire
aura tendu une embuscade
à tout ce qui ressemble à Dieu.

Extrait de "Flammes"
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(...)
Cette nuit
la lumière en flamme de Hiroshima
se reflète sur le lit de l'humanité;
avant longtemps l'histoire
aura tendu une embuscade
à tout ce qui ressemble à dieu.
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Dans les ténèbres de la conscience vacillante
des nerfs cherchent à tâtons ce qui a été perdu
se heurtent au rideau de fumée de l'éclair
et une fois encore
se consument

Extrait de "Aveugles"
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Septième jour :
Dans la faible lumière de l'entrepôt vide, une silhouette sanglote toute la journée dans un coin ; à l'ombre de ce pilier, la poitrine du dernier blessé silencieux comme une pierre s'essoufle, s'arque.

Extrait de "chronique de l'entrepôt"
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