Je suis pas un camion

"Un jour de composition d’orthographe le temps perdu c’est un accent et une virgule qu’on garde au bout de la plume."
"J’ai essayé de leur expliquer à tous que notre but c’était le développement de la Culture. En milieu rural. Ils ont rigolé. La culture ils l’avaient déjà. Cultiver c’était leur affaire. L’orge le trèfle la luzerne."
"Un jour de composition d’orthographe le temps perdu c’est un accent et une virgule qu’on garde au bout de la plume."

Maintenant elle dit qu'ils auraient dû courir vers un endroit où ils. Sans tarder. Auraient pu se mettre nus l'un contre l'autre. Se serrer se blottir se mêler. Maintenant elle dit, On aurait eu au moins ça. Avoir eu. Rêveuse elle répète. Avoir eu, pourquoi est-ce encore précieux quand on n'a plus ?

J’ai essayé de leur expliquer à tous que notre but c’était le développement de la Culture. En milieu rural. Ils ont rigolé. La culture ils l’avaient déjà. Cultiver c’était leur affaire. L’orge le trèfle la luzerne.

Bri elle dit encore qu’il faut pas trop demander. Ça me tue. On demande pas on proteste pas on accepte sans gueuler une petite vie de minables et alors on est comme des bêtes.
Comme les porcs qu’elle engraisse.

L’écrivain ne rit jamais. Il travaille. À «bâtir son œuvre» comme il dit. Le soir y a des papiers plein sa corbeille. Dans son burlingue. La plus grande pièce de la maison, la plus claire. Avec une longue table de bois très épais et dessus la machine à écrire graissée à l’huile pour la salade.
Sur la table il veut une cruche d’eau où a macéré de la menthe. Il dit que ce genre de boisson ça lui donne du frais jusqu’à l’âme. L’écrivain voilà comment il s’exprime. Pendant qu’il grattouille rature froisse je désherbe son jardin que le liseron envahit ou encore je vais voir ce que deviennent les ânes. Bri elle est pas trop d’accord pour les ânes. Elle dit, Un âne c’est sympa, deux ânes bonjour les dégâts. Un âne tout seul dans un pré il s’ennuie. En faut au moins deux. Et pas du même sexe. Mais alors ça croît et se multiplie.