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EAN : 9782330016432
224 pages
Actes Sud (09/03/2013)
3.56/5   17 notes
Résumé :
La nature s’adapte à tout, pense Inge Lohmark, professeur de biologie et de sport exerçant depuis plus de trente ans dans une ville de l’ex-Allemagne de l’Est qui, à présent, est vouée à se vider de sa population. Pour échapper à la crise, les moyens sont limités : élever des autruches, comme son mari Wolfgang, ou s’exiler aux États-Unis, comme sa fille Claudia. D’ailleurs, le collège va fermer, faute d’élèves, mais s’en plaindre n’est pas le genre de cette femme de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Judith Schalansky a bien choisi son endroit de naissance : Greifswald, à equidistance des 2 villes les plus grandes d'Allemagne, Berlin et Hambourg (et comme petit extra, à une heure de route de la frontière polonaise). C'est-à-dire en ex-Allemagne de l'est. Mais elle n'a pas dû trop souffrir de la redoutable Stasi, puisque la RDA a cessé d'exister lorsqu'elle était encore gamine, étant née en 1980.
Fait remarquable, car unique, avec 4 ouvrages à son actif, elle a réussi à gagner 2 fois le Prix du plus beau livre d'Allemagne (Preis der Stiftung Buchkunst). D'abord avec son "Atlas des îles abandonnées", en 2009, et 3 ans plus tard avec "L'inconstance de l'espèce". Sa première oeuvre "Fraktur mon Amour" date de 2006 et sa seconde "Blau steht dir nicht" (Le bleu ne te va pas) de 2 ans plus tard.
C'est grâce à son opus original des 50 îles désertiques que la jeune allemande s'est taillée une réputation mondiale : traduit en plus de 20 langues. Sur Babelio ce chef-d'oeuvre lui a valu 7 critiques favorables.

"L'inconstance de l'espèce", montre sur la couverture des différentes traductions une girafe, car en VO l'ouvrage est intitulé "Der Hals der Giraffe" ou en français le cou de la girafe. Quel rapport ? Je pourrais répondre à la Sherlock Holmes par : mais voyons mon cher Watson, parce qu'il est question de beaucoup de biologie bien sûr. En effet, l'héroïne du roman, Inge Lohmark, est enseignante en biologie à la haute école Charles Darwin dans le Berlin de l'ancien paradis communiste qu' était la République démocratique allemande (RDA).

Inge Lohmark croit fermement au principe darwinien de la survie du plus apte (survival of the fittest), ou en d'autres termes, la sélection naturelle. Pour elle l'aide aux faibles est vaine, ce qui résulte en un manque total d'empathie pour ses élèves moins doués. Je présume que beaucoup de professeurs seront scandalisés en lisant son monologue intérieur, elles et eux qui justement s'efforcent dans leur tâche quotidienne ét de motiver leurs élèves ét de venir au secours des élèves qui ont manifestement plus de difficultés à suivre. Sans vouloir entrer dans un domaine aussi délicat que celui de l'éducation, en tant que profane, je tiens tout de même à rassurer les professeurs bien intentionnés que par son procédé peut-être peu orthodoxe, Judith Schalansky a écrit, en fait, un petit manifeste anti-darwinien. Mais la Inge, elle, va loin dans son absence de sympathie pour ses élèves, elle va jusqu'à établir un tableau avec les "défauts" des 12 jeunes dont elle a la charge (pages 14 et 15). Il y a, bien entendu, son contexte spécifique : un mariage qui bat de l'aile, son unique fille Claudia qui l'a abandonné pour les avantages matériels aux États-Unis, un système politique en déclin, l'exode massif, la crainte de perdre son emploi au bout de 30 ans, etc. Bref, un scénario de "doom".

Le roman est en même temps un plaisant cours de biologie : outre le phénomène de l'évolution de l'espèce, il donne des détails intéressants sur les particularités de certains animaux, telles les chauves-souris, les abeilles, les lézards ...ainsi que d'animaux ayant disparu comme les siréniens par exemple. L'ouvrage est agréablement illustré par des dessins de plusieurs espèces. Sur les 211 pages que compte le volume 32 pages sont des illustrations, certaines connues, d'autres originales.

Comme d'autres lecteurs de Babelio, je trouve cet opus de Judith Schalansky fort réussi. Je n'irai pas à le qualifier de "brillant", mais presque. Pour cela les divagations d'Inge Lohmark sur ses élèves m'ont probablement un peu trop déplu ? En revanche, la conception et la construction de son oeuvre sont exceptionnelles. J'ai aussi apprécié ses phrases très courtes, mais singulièrement efficaces et son sens d'humour parfois sarcastique.

En version originale l'ouvrage porte le sous-titre de "Bildungsroman", ou roman de formation/éducation d'après l'illustre exemple de Wolfgang Goethe avec son chef-d'oeuvre "Les Souffrances du jeune Werther". En fait, c'est tout le contraire : car Inge Lohmark ne fait que s'ajuster, de façon minimale, à son contexte, sans vraiment s'adapter à la réalité environnante. Elle est donc loin du talent d'adaptation de la girafe au long cou, qui, pour manger ses feuilles d'acacia préférées au sommet des arbres de la savane africaine, peut arriver jusqu'à une hauteur de 6 mètres.
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On peut s'interroger encore une fois sur la traduction du titre, le cou de la girafe, par L'inconstance de l'espèce..

Inge Lohmark est enseignante en biologie et en éducation physique dans un collège de l'ex-RDA.
La région se dépeuple, la réunification a provoqué un exode massif, surtout des jeunes, et l'école va donc fermer. Inge Lohmark va perdre son travail, à un âge où il est difficile de se reconvertir, surtout après 30 ans d'enseignement. Mais comme elle l'a fait toute sa vie, elle se cale dans des routines qui la font agir d'une façon qui semble efficace dans l'instant et qui l'empêchent de se projeter et d'imaginer autre chose. Elle voit tout à travers sa spécialité, mais tout n'est pas si simple dans les fameuses théories de l'évolution..

Comment parler de ce livre, c'est très difficile. Car s'il est brillant, c'est vrai, il est aussi complexe, notamment dans sa construction. Témoignant également d'une maturité peu commune et d'un réel talent d'écriture( son Atlas des îles abandonnées m'avait aussi beaucoup plu).

Le récit est mené à la troisième personne , mais tout est vu à travers le prisme des réflexions de cette femme . Un personnage assez déroutant.
Tout est centré sur elle. L'auteur utilise pour étudier son héroïne le même microscope dont celle-ci se sert pour faire le portrait de ses semblables. Mais c'est vrai que les informations sont délivrées par petites phrases elliptiques , disséminées, et que comme c'est Inge qui parle, elle en revient très vite à son seul intérêt , la biologie. Car là, elle contrôle, elle sait. le reste.. On apprend quand même que son père appartenait à la direction locale du parti, que ses parents ne s'aimaient pas. On apprend le mari et ses autruches, . Sa liaison, l'avortement. Et sa fille, là est le passage le plus violent du livre, son comportement avec sa fille.

A-t-elle encore des choix possibles, d'ailleurs?:
"Ce moment, pendant le bain, quand elle s'était posé la question pour la première fois... Qu'y avait-il d'autre que l'ici et maintenant? ..Toujours cette question... Aucune réponse. Même pas un début. Rien. Pensées tournant à vide. Elle ne pouvait même pas l'imaginer. Et elle avait alors pensé: j'apprendrai certainement ça à l'école."

De l'école, elle n'est jamais sortie, Inge, et elle n'a pas appris. C'est tellement sécurisant, l'école. La science, voilà son univers et elle dissèque tout par ce biais. du moins si on l'écoute..:

"Son corps, sans force. La tête, si lourde. le cerveau est un énergivore colossal. L'ascidie, un tubercule invertébré, s'en débarrasse une fois devenue adulte et sédentaire. ..Ce cerveau bien trop volumineux. Un entrepôt de connaissances, surdimensionné comme les bois du mégacéros de l'époque glaciaire, comme les défenses du mammouth, les longues canines du tigre à dents de sabre. A quoi bon? Cette accumulation de savoir.. La raison ne nous rendait pas plus intelligent. Engoncés dans le drap de la causalité, le Moi comme illusion neuronale, un spectacle multimédias à grand moyens. Il faudrait être un animal. Un véritable animal. Sans une conscience pour inhiber la volonté. Les bêtes savent toujours ce qu'elles font. Mieux, elles n'ont pas besoin de le savoir. En cas de danger, le lézard se défait de sa queue... Dire qu'il fallait perpétuellement songer à la prochaine chose à faire, au meilleur comportement à adopter; Les bêtes connaissent leurs besoins, ont un instinct.... Qu'avait-elle fait de son instinct? Comment était-elle arrivée ici? Où était la queue qu'elle pourrait lâcher?"

Je trouve cet extrait assez déchirant , et je ne la trouve pas antipathique, ni malveillante, cette Inge. Elle est figée toujours au même stade,et en est tout à fait consciente. Elle a tout perdu, finalement, le régime sécurisant de l'utopie communiste, les repères familiaux . Elle passe sa vie à expliquer la nécessité pour la survie de l'évolution et de l'adaptation, et elle-même a été incapable de s'adapter et d'évoluer.

Un roman acerbe, amer, très sarcastique, ironique, d'un cynisme assez désespéré.
Et pourtant une bouffée d'optimisme dans l'évolution du personnage à la fin, et oui, et c'est pour cela que je trouvais très bon le titre le cou de la girafe. le dernier cours où cette convaincue de la loi du plus fort finit par donner à ses élèves des explications sur la taille du cou de la girafe qui ne tiennent rien de Darwin! Leur permettant d'espérer..



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Un regard acide et désabusé d'une prof de biologie sur ses élèves, sur son lycée qui se meurt pour cause de dépopulation de sa région délaissée de l'ex Allemagne de l'est, sur les utopies de l'ancien régime et les incohérences du nouveau, et sur la vie qui l'entoure en général. C'est toute notre société qui passe au travers du prisme de la biologie. L'analyse est intéressante, avec une impression d'impuissance et la résignation, accentuée par une écriture hachée et décousue. de ce point de vue, l'exercice est réussi, même si j'ai eu un peu de mal au début pour accrocher à ce livre intéressant, mais déprimant.
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Une prof, dans un collège lycée d'une région de l'ex RDA. La région se dépeuple, la réunification a provoqué un exode massif, surtout des jeunes, et l'école va donc fermer. Et Inge Lohmark perdre son travail, à un âge où il est difficile de se reconvertir, surtout après 30 ans d'enseignement. Mais comme elle l'a fait toute sa vie, elle se cale dans des routines qui la font agir d'une façon qui semble efficace dans l'instant et qui l'empêchent de se projeter et d'imaginer autre chose.

Elle est prof de SVT et EPS, mais la première semble son véritable amour, et le récit d'Inge parle plus de sa discipline que de sa vie. Ou elle évoque sa vie par le biais de sa discipline ; essaie de classifier, faute de vouloir comprendre, ses élèves comme elle de ferrait d'oiseaux ou autres animaux. La vie, la sienne et celle de l'endroit dans lequel elle vit, la réalité actuelle et les souvenirs de la RDA, nous sont livrés par bribes, comme par inadvertance, entre deux exposés sur les sciences naturelles. Une vie fermée aux autres, même les plus proches. Inge semble avoir choisi de refouler les sentiments au maximum.

Un livre certainement original. Et brillant. L'écriture est vraiment belle, et les morceaux de sciences naturelles présentés de manière intéressante, cela n'a rien de plaqué ni de fastidieux. En même temps je m'interroge sur ce parti pris. Parce qu'au final, on n'a que des brefs aperçus de la vie d'Inge, et même si on comprend à peu près ses parti pris, les événements importants de sa vie, on ne comprend pas vraiment les motivations, les raisons, la logique de ces choix. de même en ce qui concerne l'histoire du pays, on a quelques éléments, mais sans plus. On peut certes meubler par nous même et donner les sens que l'on souhaite, et il y a matière à ses propres interprétations. Mais je trouve qu'au final, l'auteur ne s'engage pas énormément, un peu comme Inge, comme si elle ne voulait pas le faire, ou ne le pouvait pas.

Sans aucun doute Judith Schalansky a du talent, et s'ils sont traduits, je lirai ses livres. Mais je reste un peu sur une réserve, je ne suis pas séduite complètement, même si j'ai été accrochée par ce livre qui se lit merveilleusement bien et qui a des réels atouts.
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Inge Lohmark est prof de biologie et affligée d'une vie pas très rose. Sa fille unique vit au loin, partie pour ses études aux USA et ayant choisi de ne pas revenir, son mariage n'est qu'une vieille habitude, chacun vivant sa petite vie, sa région d'Allemagne se désertifie, elle ne supporte pas ses collègues et l'établissement où elle enseigne la biologie et le sport va bientôt fermer. Et Inge se raccroche à Darwin et tâche d'appliquer dans un monologue intérieur les théories de l'évolution à la vie humaine. Autant dire que cela ne marche pas vraiment....
Un texte étrange, dont l'écriture ne m'a pas trop plu, et où malgré son manque horrible d'empathie, Inge m'a surtout fait de la peine, un personnage à bout de souffle mais qui ne l'admet pas encore.
A noter les illustrations inspirées des vieilles planches de bio, toutes superbes.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Mais Inge Lohmark ne faisait pas partie de ces professeurs qui, sachant qu'ils allaient bientôt perdre leurs opposants, flanchaient vers la fin de l'année. Elle n'appréhendait pas, ainsi livrée à elle-même, de glisser vers l'insignifiance. Avec l'approche des vacances d'été, certains collègues étaient atteints d'une forme de laxisme qui confinait à la tendresse. Leur cours dégénérait en une mascarade participative assez creuse. Un regarde songeur par-ci, une petite cajolerie par-là, des encouragements factices et autres pitoyables visionnages de films. Une inflation de bonnes notes, la haute trahison du "vingt sur vingt". Et puis cette mauvaise habitude d'arrondir les notes de fin d'année pour hisser certains cas désespérés dans la classe suivante. Comme si cela pouvait aider quelqu'un. Les collègues ne pigeaient tout simplement pas qu'ils ne faisaient que mettre en danger leur santé en s'occupant ainsi des élèves. Après tout, ce n'étaient que des sangsues promptes à vous ôter toute énergie vitale. Se nourrissant du corps enseignant, de ses compétences et de sa peur de manquer au devoir de surveillance. Ils vous assaillaient inlassablement. Avec leurs questions absurdes, leurs piètres intuitions et leurs familiarités peu ragoûtantes. du vampirisme pur et simple.
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Depuis peu, tout le monde avait des prétentions à l'épanouissement personnel. C'était ridicule. Rien ni personne n'était équitable. Et encore moins une société. A part la nature peut-être.
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Certaines plantes ont davantage de gènes que l'homme. La stratégie la plus prometteuse pour arriver au pouvoir était encore de se faire sous-estimer. Avant de passer à l'offensive au moment opportun. Impossible de ne pas remarquer que la flore était aux aguets. Dans les tombes, dans les jardins, dans les casernes des serres, elle attendait son heure. Elle reprendrait bientôt ses droits. Reconquerrait des territoires profanés au moyen de ses tentacules producteurs d'oxygène, braverait les intempéries, briserait l'asphalte et le béton avec ses racines. Ensevelirait la dépouille de la civilisation déchue sous le sceau d'une couverture d'herbes. La restitution à l'ancien propriétaire n'était qu'une question de temps.
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Vous voyez, personne – aucun animal, aucun être humain – ne peut vivre entièrement seul dans son coin. Les organismes sont soumis à la concurrence. Et parfois contraint à une sorte de coopération. Mais c’est plutôt rare. Les formes de cohabitation les plus répandu sont la concurrence et les relations prédateur-proie.
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Apathiques, dépassés, exclusivement soucieux d'eux-mêmes. Ils s'abandonnaient sans retenue à leur indolence. L'attraction terrestre semblait agir sur eux avec trois fois plus de force. Toute chose requérait un immense effort. La moindre parcelle d'énergie dont disposaient ces corps était mobilisée pour une métamorphose douloureuse qui n'était pas sans rappeler la laborieuse libération de la chrysalide. Ce n'est qu'en de rares cas, cependant, qu'un papillon en résultait.
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