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Schiller... dans les bottes ! Me pardonnerez-vous ce mauvais jeu de mots, ce calembour plus futile qu'utile (cette « fiente de l'esprit qui vole », comme aurait écrit quelqu'un dont le prénom commence par un V et le nom par un H) ? Mais il faut bien reconnaître qu'il donne un sacré coup de massue, l'animal, un vaste coup de pied dans la fourmilière avec ses Brigands, l'ami Schiller.

Comme je n'ai pas peur des mots, et encore moins du ridicule, je dis que cette pièce est une pièce maîtresse de la littérature mondiale, malgré ses faiblesses, ou plutôt même, en raison de ses faiblesses. C'est un peu comme les premiers tubes des Beatles, il y a à redire, c'est indéniable, mais quel jus, quel peps !

Cette pièce en particulier, ainsi que l'autre élément déclencheur, à savoir Les Souffrances du Jeune Werther de Goethe ont changé la face du monde littéraire (et peut-être même un peu plus).

Nous sommes au XVIIIème siècle finissant, la Révolution Française n'a pas encore eu lieu mais pourtant, tous les ferments de la révolte sont là. le Romantisme allemand va naître de ça, et de là, le Romantisme tout court, avec toutes les suites qu'on lui connaît.
Et tout ça, cela vient d'où ? du Werther de Goethe et des Brigands de Schiller.

Alors, c'est vrai, je l'admets, elle n'est pas parfaite cette pièce, c'est une oeuvre de jeunesse, elle en porte tous les stigmates. Johann Christoph Friedrich Schiller ne s'appelle pas encore " von " Schiller, il a encore toute la fougue et l'inexpérience de son jeune âge, mais aussi, et surtout, toutes les qualités.

Alors oui, c'est vrai, c'est manichéen, c'est un peu brouillon, ça s'inspire sans doute un peu d'un passage d'une pièce de Shakespeare (Les Deux Gentilshommes de Vérone), mais c'est vivant tout plein, c'est bouillonnant. C'est nez au vent, c'est poitrine à l'air, ça n'en garde pas sous le pied, ça crache quand ça a envie de cracher, ça cogne quand ça a envie de cogner, ça pleure quand ça a envie de pleurer.

Bref, c'est à l'image du jeune Schiller, dont on sait tout le rocambolesque qui accompagne sa légendaire fuite de l'armée pour aller voir sa pièce montée (oui, je sais, ça commence à faire beaucoup pour les calembours foireux, veuillez m'excuser, j'ai dû avaler cette nuit par mégarde un pétard normalement destiné à un fl... euh, au 14 juillet je voulais dire et qui me reste sur l'estomac).

Évidemment, il y a un petit côté Robin des Bois dans le Karl von Moor des Brigands, mais avec un côté tellement plus désespéré. le thème principal de la pièce semble être le non-retour, la perte, le fait que ce qui est perdu, l'est à jamais. Un sens du tragique déjà admirable chez ce tout jeune auteur.

Nous sommes donc aux prises avec un vieux noble, le Prince von Moor, père de deux fils. L'un, Karl, brillant, noble, généreux adulé de tous mais qui, avec ses excentricités, a une fâcheuse tendance à brûler la chandelle par les deux bouts. L'autre, Franz, noueux, perfide, hypocrite et truqueur sait se montrer plus discret et moins excentrique, du moins, aux yeux de tous.

Un revers de fortune (que je ne vous révèle pas) conduit Karl à la faillite matérielle et sociale, lesquelles, en retour, le conduisent au brigandage. À telle enseigne que Karl van Moor va prendre la tête d'une redoutable bande de brigands qui sèment la terreur dans toute la Bavière et les régions environnantes jusqu'à la Bohème (l'actuelle République Tchèque — Bavière et Bohème ayant d'ailleurs la même origine étymologique).

Mais Karl von Moor est un chef de bande atypique, adulé de ses hommes en raison de sa vaillance et de son désintéressement. Sens de l'honneur porté jusqu'à son paroxysme, coups d'éclats retentissants auprès des riches et des puissants, parfois grand seigneur auprès des pauvres et des déshérités.

La tragédie de Schiller aura du retentissement en Allemagne et même bien plus loin en Europe, car qui pourrait dire qu'il n'y a pas une forte empreinte des Brigands dans le Doubrovski de Pouchkine et même, dans un autre registre et une autre époque, dans Les Trois Brigands de Tomi Ungerer ?

La pièce est pendant un bon bout de temps très agréable ; c'est seulement sur la fin, notamment le cinquième acte, que j'ai un peu souffert et que j'ai ressenti le vieillissement de la mouture. Donc, oui, certaines choses ont pris un petit coup de vieux depuis plus de deux siècles, mais une pièce qui a bien d'autres mérites et qui jalonne l'histoire dramatique et littéraire mondiale ce qui en fait, à mes yeux, un détour obligé pour tous les amoureux d'ontogenèse littéraire, mais ce n'est là, bien évidemment, que mon brigand d'avis, c'est-à-dire, très peu de chose.
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Chiller aves Schiller,

Les Brigands est le succès de jeunesse de l'immense dramaturge allemand, égérie du romantisme, avec son meilleur pote Goethe.

"Hélas ! Aux coeurs heureux les vertus sont faciles !"

Charles de Moor est un damné de la terre, s'il n'y a pas d'amour heureux, comme écrivait Aragon, alors personne ne l'emportera au Paradis. Ce sanguinaire héros romantique ne saurait souffrir que d'aucun survive effrontément à son trépas. le romantisme transforme des êtres contingents et facultatifs en des vies indispensables à la nôtre et par là-même les objectivent, êtres-objets de notre possession, loin de toute la résilience et du relativisme moderne.

Il faut dire aussi que le romantisme, qui place l'amour-passion au dessus de tout, qui déborde et qui nous dit qu'il ne faut pas dominer ses passions, arrive aussi après des siècles de contraintes dans le domaine marital, c'est un exutoire, certes excessif, mais qui répond à l'excès inverse qui a longtemps prévalu. Ce jusquauboutisme, cette soif d'absolu, comme la levée d'une chape de plomb ?

Ce drame en 5 actes se laisse lire fort aisément, l'auteur l'écrit en 1781 aux prémices du romantisme: comment s'incarnera-t-il en littérature ? Une tragédie et un héros, qui se dresse face aux circonstances accablantes, inextricables, de l'existence, déchiré et trahi, mais dans un refus absolu de nuance, de sagesse, de compromis…

Mais ces héros romantiques allemands sont parfois monstrueux de possessivité, d'orgueil ce qui fait que l'on évite l'écueil du bon héros manichéen, parfois misérabiliste ou trop plein de complaisance qu'on a pu trouver chez un certain nombre de romantiques français, de Guernesey à Saint-Malo, et jusqu'aux contreforts du mâconnais… Sans une petite goutte d'ammoniaque comme disait Albert Cossery, sans un peu de la perversité d'une héroïne de Françoise Sagan ou de la rugosité d'un personnage de Simenon bref sans méchanceté on a pas l'humanité, on n'est pas crédible pour le lecteur, on n'a pas d'empathie quand tout est trop lisse et idéaliste.

L'attitude sans compromission des héros de l'époque en dit long sur le moral des jeunes artistocrates de la fin du XVIIIe siècle… le Werther de Goethe ne sera-t-il pas lui-même à l'origine d'une vague de suicides plus qu'inquiétante, suicides d'amants éconduits, mais aussi de tourtereaux, à l'image de celui orchestré par le dramaturge Kleist, à tel point que les intellectuels de l'époque, en aval de la condamnation aveugle de l'Eglise, s'emparent du sujet, à l'image de Madame de Staël et ses “réflexions sur le suicide”. L'aura de ce trépas volontaire, que chaque écrivain se refile comme le chapitre conclusif un peu facile, se poursuit jusqu'à la fin du XIXe siècle, le romantique Victor Hugo par exemple, clôt son Homme qui rit sous les flots…

Qu'en pensez-vous ?
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Je ne m'attendais vraiment pas à prendre autant de plaisir à lire cette pièce de Schiller, la première qu'il ait écrite, je crois. Je voulais surtout me coucher moins bête et découvrir l'auteur qui, à l'instar de Goethe, est indissociable de la culture et de la pensée allemandes.

J'ai vraiment beaucoup apprécié "Les Brigands", tragédie en cinq actes, et je me la suis très bien représentée jouée tout au long de ma lecture. C'est presque du romantisme avant l'heure bien que ça sonne terriblement comme du Shakespeare. Sauf que j'ai davantage aimé que Shakespeare qui a tendance à m'ennuyer ferme, exception faite d'"Othello", remarquable, et de "Beaucoup de bruit pour rien", inégalable dans le genre tragi-comique. Mais revenons aux "Brigands" de Schiller.

Le comte de Moor est un vieillard qui a deux fils, Charles et François - quel blasphème que le traducteur ait traduit ces deux prénoms ! - et une nièce, Amélie. Charles est le chouchou, François est l'envieux ; Amélie est folle du premier et convoitée par le second. Parti à l'Université mais requestionné pour la guerre, Charles est loin du logis et François qui le déteste le fait passer pour indigne puis pour mort. Son objectif : de cadet passer à aîné et hériter. Charles, se croyant maudit par son père, se fait bandit de grand chemin, chef de bande quelque part entre Robin des Bois et Cartouche. A partir de là, aventure sur aventure : dettes d'honneur, serments fraternels, parricide, fratricide, féminicide, assassinats, incendie, et j'en passe. Bref, pas le temps de reprendre son souffle, il faut garder le rythme. C'est parfaitement structuré et écrit, lyrique dans les paroxysmes de l'action, émouvant dans les intervalles.

Conquise par le théâtre de Schiller, ma prochaine étape : approcher sa poésie même si lire une poésie traduite est toujours plein de périls.

Challenge SOLIDAIRE 2020
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Pièce lue pour remplir le Challenge Solidaire et franchement je me suis forcée, j'ai mis plus d'un mois et je n'ai pas apprécié ! Non pas l'histoire en elle-même mais la lecture du théâtre me rebute alors que j'adore y aller ! du coup je n'ai pas savouré un seul instant, à tenter de m'y retrouver dans les personnages. Je ne m'autorise pas à mettre une note, n'ayant aucune capacité à juger ces écrits !

Le théâtre allemand du XVIIIè siècle m'a toujours semblé ardu et von Schiller n'a pas faussé mon opinion. Je vous laisse donc lire le résumé puis les autres critiques, la mienne n'a de critique le nom !

CHALLENGE RIQUIQUI 2020
CHALLENGE SOLIDAIRE 2020
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Très belle découverte! Pour une pièce de théâtre du XVIIIe Siècle, j'avoue que j' ai été surprise d'avoir autant d'engouement pour ma lecture, et ça s'est fait d'un seul trait. Avec dynamisme et vivacité, Schiller nous fait vivre les thèmes récurrents de l'époque tels la haine entre deux frères, voulant soit gagner les faveurs du père, soit mettre l'autre hors jeu afin de s'approprier tout l'héritage, ...
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Je viens de finir Les brigands de Schiller, et je ne sais que dire. Ça m'a paru fort mais pourtant parfois un peu obscur. D'autant que cette oeuvre a été écrite en 1782, et que les sentiments mais surtout leur expression a beaucoup évolué. Oeuvre du Sturm und Drang on ne peut évidemment s'attendre à ce qu'elle soit mièvre.
C'est une histoire de jalousie entre deux frères, l'un Karl admiré du père, Maximilian de Moor tandis que le second Franz est jugé commun. L'aîné est parti étudier dans une autre ville et Franz en profite pour faire croire à son père qu'il est devenu un débauché. Sous couvert de décharger son père d'un acte difficile, le mauvais frère écrit à Karl que son père le renie alors que celui-ci lui a recommandé de ne pas le désespérer.
Il y a alternance des scènes entre le château et les forêts de Bohème où Franz se fait brigand avec ses camarades. Il en devient le capitaine et promet de ne jamais les quitter.
Auprès du vieux Moor vit Amalia, la fiancée de Karl que Franz veut séduire non par amour mais par haine. Il envisage aussi de se débarrasser du vieillard qui ne meurt pas assez vite pour devenir lui-même comte.
Encore une découverte qui en valait le coup. Merci le challenge théâtre.


Challenge Théâtre 2017-2018
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Que voilà une pièce bien curieuse et dramatique ! C'est la première de cet auteur que je lis et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle m'a tenue en haleine d'un bout à l'autre.
Histoire de jalousie, de vengeance et de repentir, les actes s'enchaînent et ne se ressemblent pas ! de l'exaltation dramatique à la verve guerrière, des épanchements de l'amour aux affres de la trahison filiale, que de sentiments dépeints dans ces scènes !
Une fin à laquelle on ne s'attend absolument pas et des personnages principaux qui donnent toutes leurs lettres de noblesse au genre théâtral. de bout en bout, on suit Charles et sa bande de brigands, Amélie, François et le Vieux Comte. Loin de personnages manichéens, ici on a affaire à des âmes torturées que la cupidité, la détresse ou l'esprit de rébellion aura poussé dans les derniers retranchements, jusqu'à cette inéluctable fin. Apothéose du tragique, glorieux et ultime sacrifice.
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Le souffle de révolte qui anime ce drame, le premier de Schiller, avait enflammé le public. Karl von Moor dénonce l'hypocrisie de l'ordre social ; mais très vite son destin se transforme en une course à l'abîme ; et s'il est possible de s'affranchir de la loi des hommes, peut-il en être de même avec celle de Dieu ou de la Nature ? Karl, de même que son frère Franz qui n'avait cessé d'intriguer contre lui, lui disputant, par la violence et le mensonge, les faveurs d'un père et d'une fiancée, sera rattrapé par ses cauchemars. Répudié à cause de sa jeunesse dévoyée, il devint le capitaine d'une troupe de brigands dans les forêts de bohème. Mais c'est en Franconie, vers les terres de son père, que Franz retient prisonnier, où la belle Amalia qui l'aime encore se lamente, que ses pas l'entraînent, inexorablement. le lyrisme du jeune Schiller trouva là un sujet à sa mesure.
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Une pièce autour d'un conflit familial : Moor et ses deux fils Karl et Franz. Karl parti étudié est trainé dans la boue par son frère qui pousse son père à le renier. Karl devient donc un brigand, vole, tue, pille en guise de vengeance.
Franz ne s'arrête pas là car il voudrait devenir le maître et vite! Il pousse son père vers la mort.
Karl est exalté, passioné et ses envolées lyriques sont nombreuses (sur l'amour, son pays, ...)
Franz est un être torturé et manipulateur, obsédé d'être le cadet et donc inférieur, persuadé que son père préfère son fils aîné.
Une pièce pleine de sentiments donc, une jolie découverte.
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Première pièce de Schiller, représentée en 1782 à Mannheim, elle se place dans le mouvement du Sturm und Drang (tempête et passion), mouvement en partie issue des Lumières, en particulier par l'importance accordée à la notion de la liberté, par la remise en cause d'une tradition, mais en se démarquant du côté rationaliste et abstrait des philosophes. L'être humain n'est pas réellement un être de raison, une grande importance est accordée à la nature, à l'opposé de la culture. Ce mouvement fait une sorte de jonction complexe entre les Lumières et le romantisme à proprement parlé, il est situé à un moment historique de remises en cause, de transformations rapides.

La pièce de Schiller est un jalon important dans ce mouvement, elle marque une étape essentielle de la littérature européenne.

Le résumé de l'action risque de décourager un lecteur d'aujourd'hui. le comte Moor a deux fils, Karl l'aîné préféré, et Frantz. Karl, étudiant se livre à quelque excès, qui sont présentés d'une façon très exagérée par Frantz, qui pousse son père à renier Karl. Ce dernier se fait brigand, commet avec sa troupe des tas d'exactions, même s'il a un petit côté Robin des bois, voler des riches et faire profiter des pauvres de ses rapines, il ne peut éviter les violences et les rapines inhérentes au brigandage. Pendant ce temps, Frantz enferme son père prétendument mort dans un cachot, et tente de séduire Amalia, la fiancée de Karl. Karl de retour dans sa région natale, apprend les fourberies de Frantz, et donne l'assaut au château. Son frère se suicide, et Karl tenu par ses serments de brigand, ne peut quitter son mode de vie. Il tue Amalia à sa demande et décide de se livrer.

Il ne faut pas chercher le vraisemblable d'aucune sorte dans la pièce. Son esthétique n'est pas de cet ordre. Il y a l'excès, le paroxysme, la recherche d'une situation poussée à ses limites, pour mettre en évidence, pour questionner. La notion de la légitimité de l'ordre social, qui pervertit, une justice qui ne l'est que de nom, alors qu'elle est un instrument de domination aux mains des puissants. La violence de l'être humain, en même temps que l'aspiration à un idéal. Les personnages plus que des personnes, sont l'expression d'idées, de concepts.

Après quelques lectures du théâtre français du XVIIIe siècle, on comprend mieux une nécessaire réaction à une esthétique devenue conventionnelle et vidée en grande partie de sens de la tragédie classique ronronnante. Avec tous les excès et limites de la démarche. J'ai trouvé cette lecture passionnante, je me demande comment cela tient le coup pendant une représentation, je pense que la mise en scène doit être très importante, et la pièce en permet beaucoup de variantes. Toutes les idées et tous les concepts sous-jacents à la pièce, peuvent incontestablement donner lieu à des lectures et interprétations très différentes.
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