Commencer par mettre un pied en Afrique du Sud, puis s'immerger dans l'énergie du Cap et finalement être happé par
Skyline.
Les débuts laissent méfiants, les tableaux en fin de chaque chapitre semblent superflus et déboussolent.
Mais il y a Mossie et ses débordements d'émotion, ses sourires (« vous savez comment sourit Mossie »), son imprévisibilité, ses multitudes de perles colorées, son inconditionnelle empathie malgré une profonde solitude.
C'est en premier lieu Mossie qui nous attache, on veut comprendre le mystère Mossie, on voudrait qu'elle soit en sécurité, que des adultes responsables soient présents pour elle, qu'elle soit rassurée.
Seule la narratrice est présente pour Mossie, depuis toujours. La narratrice, anonyme et froide, sourde à la souffrance de sa mère, aussi sourde que Mossie est muette.
Malgré cette dureté apparente, on s'attache également à cette jeune fille si dévouée à sa soeur, qui cumule en elle tout ce que l'Afrique du Sud peut présenter de contradictoire. le bouillonnement et l'isolement, le rejet et la générosité. La violence et la tendresse - pour Mossie, toujours Mossie.
La narratrice nous raconte des histoires, les histoires des habitants de
Skyline, chez qui elle se réfugie pour contrer sa propre détresse sociale.
Elle nous parle des autres pour éviter de parler de sa famille, de l'abandon qu'elles subissent Mossie et elle. Elle nous promène dans les rues du Cap, vers les amitiés tissées au fil du temps avec les commerçants. Elle nous apprend la solidarité entre les habitants de
Skyline. Elle nous présente Bernard du Mozambique, Princess du Rwanda, Alice et Bluebell, Gracie et Robert. Elle nous raconte les migrants, les guerres, les exils, les traumatismes. Elle nous rappelle que l'Afrique du Sud en 1991, c'est l'Afrique du Sud de Mandela, la lueur d'espoir qui pousse des ghanéens, des soudanais, des nigérians, à traverser le continent pieds nus, poussés par la foi en l'existence d'un monde meilleur.
Cette lueur d'espoir les guide jusqu'à
Skyline, dans les bras de Princess, sous les perles multicolores de Mossie et les excentricités d'Alice et Bluebell. La narratrice et Mossie créent leur refuge entre les appartements d'un HLM en ruines, protégées par la bienveillance d'exilés attendris, qui ont en commun d'avoir connu les déchirements familiaux et les blessures qui ne guérissent jamais.
Pourtant, on n'échappe pas à la violence, peu importe la fuite, on a beau traverser un continent, panser ses plaies avec des couleurs et des biscuits à la noix de coco, se consoler avec du thé parfumé, prendre soin les uns des autres, la violence nous rattrape. La violence de la guerre, du racisme, la violence de la rue ou notre propre violence.
Mettre un pied en Afrique du Sud, finir par être submergé d'émotions dans un quartier du Cap, sur le toit d'un immeuble décrépi. Répéter les noms des couleurs, s'imprégner de leur sonorité, saisir l'éphémère beauté de brefs instants d'humanité et s'y accrocher. Chercher à les fixer pour l'éternité, pour se consoler lorsque la couleur disparaît.
Les tableaux présents en fin de chaque chapitre prennent finalement tout leur sens, l'écriture raide de la narratrice devient poésie, les récits sont des portraits, les étoiles sont les perles du ciel.
Mettre un pied dans
Skyline et se laisser éblouir par les couleurs qui tourbillonnent, le jaune d'or et le jaune mangue, l'orange paw-paw, l'écarlate et le vert citron, le bleu varan, la terre de Sienne brulée.