Le sanskrit est une langue d’une grande richesse polysémique où, comme l’expliquent avec humour les lettrés indiens, « chaque mot peut signifier tout… et le dieu Śiva » ! Ainsi, l’un des mots les plus couramment employés en sanskrit pour rendre compte de l’idée de bonheur, sukha, couvre un large éventail de connotations qui vont du plaisir des sens à la quiétude spirituelle, mais il peut également signifier « agréable, plaisant, doux, confortable, prospère, vertueux, pieux » et même renvoyer à l’idée d’un « bel espace » (Choudry et Vinayachandra, 2015). De même, le terme kuśala est fréquemment employé pour exprimer l’idée de bonheur ou de bien-être, mais il peut également signifier soit « habile, expérimenté », soit « en temps voulu », « juste », « de la bonne manière », soit encore, en contexte bouddhiste et jaïn, « bonne action », « vertu » (Tedesco, 1954).
Dans le bouddhisme, l’amour, libre d’un désir qui asservit, consiste à souhaiter que tous les êtres réalisent le bonheur. Cette qualité prône un don de soi envers tous les êtres sensibles : humains, animaux, esprits, dieux, demi-dieux, et même envers les êtres affamés qui peuplent les enfers. Ce souhait est la première pierre qui construit les bases du chemin sur la voie du Bodhisattva, voie dédiée aux autres. Nous sommes tous liés, reliés, dépendants, en relation les uns avec les autres. Seule notre détermination à avancer sur cette Voie permet d’emprunter le chemin de l’amour, sans rien attendre en retour.