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Catherine Wermester (Traducteur)
EAN : 9791030411997
182 pages
Allia (05/09/2019)
3.5/5   2 notes
Résumé :
Ce texte inclassable a d'abord été l'un des plus fulgurants manifestes dada, dont Tristan Tzara s'est inspiré pour son Manifeste Dada (1918). Or, quand il le republie en 1927, Serner le transforme en manuel de savoir-vivre... pour voyous de haute volée ! Ce guide burlesque regorge de conseils avisés en toutes circonstances, que ce soit en charmante compagnie, en voyage ou encore dans l'habillement. Face à une époque de paranoïa aiguë, il s'agit d'instruire l'homme d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
"tressli bessli nebogen leila
flusch kata
ballubasch
zack hitti zopp [...]"
(Hugo Ball, poème dadaïste "Seepferdchen und Flugfische")

Guten Tag, famille littéraire !
Voici l'un de ces livres qui traversent votre tête comme une tempête de neige, en vous laissant rêveur face à la page blanche. Je commence donc par ce poème d'Hugo Ball, en espérant que l'inspiration suivra...
Comme son nom le laisse aisément deviner, Hugo Ball était destiné à une carrière sportive au sein de FC Pirmasens, mais l'appel sauvage du mouvement Dada fut le plus fort. Ce qui ne l'a pas empêché de donner occasionnellement un grand coup de pied dans la poésie, tandis que son ami Walter Serner, l'auteur du présent ouvrage, bottait avec le même enthousiasme toute la culture officielle de l'époque. "Je suis en principe contre les principes !" : tel était le credo des dadaïstes, formulé par leur grand prêtre Tristan Tzara.
"Dernier relâchement" est donc principalement sans principe.
Serner écrivait à la pleine lune, dans un tipi en jade, où il se rendait de préférence dans une brouette cousue de peaux d'âne et d'yeux de cobra. En écrivant, il mangeait des knödel fourrés à la cervelle de rhinocéros et buvait du sang de vampire. L'expérience a eu pour résultat cet excellent manifeste Dada, écrit deux ans avant celui de Tzara (et qui a beaucoup influencé ce dernier). Dans ses instants les plus téméraires, sa lecture peut être comparée à la sensation qu'on éprouve sur les toilettes à 3 heures du matin, quand on essaie de déchiffrer, dans un état second, le mode d'emploi du Canard WC en hongrois. Hélas, le manifeste de Tzara éclipsa largement celui de Serner, ce qui a mené à sa rupture avec les dadaïstes. Il va retravailler son texte, pour le publier à nouveau en 1927, avec le sous-titre "Un bréviaire pratique pour les escrocs et ceux qui veulent le devenir", et le mot "Dada" y sera systématiquement remplacé par le mot "rasta". Pour des raisons qui m'échappent, je trouve cela très plaisant...

"Ne parle pas trop souvent de manière cynique. Sois-le toujours", conseille Serner à son lecteur rastaquouèresque, en partant de l'hypothèse que dans le monde des escrocs, le seul moyen pour réussir est de riposter par leurs propres armes.
Place à la lecture :
"Après chaque fragment, on fera une pause de trois minutes, on boira un peu et on fumera. À l'issue de chacun des six chapitres, on posera le livre cinq minutes et l'on regardera au plafond".
Je n'ai pas de mots...



.
(ceci pour montrer à quel POINT je n'avais pas de mots).
Cependant, en suivant la consigne de la consommation des liqueurs et de la contemplation du plafond, les idées se remettent doucement en place. Sur l'immensité blanche du plafond apparaîtra tôt ou tard le dino-train conduit par Erasme de Rotterdam, et avec un peu de chance, ses gestes frénétiques à l'intention du lecteur en quête du "relâchement" seront bien interprétés.

Walter Serner était une sorte d'"enfant terrible" même parmi les dadaïstes. Dans ces 672 paragraphes nihilistes, sardoniques, et passionnément contestataires, il fait une critique corrosive de la fausseté des conventions sociales et de toutes les valeurs et jugements esthétiques officiels. Il accuse toute forme d'expression artistique de mensonge et d'insuffisance, en qualifiant la "Kultur" européenne de son époque de produit d'ennui, d'arnaque, d'hâblerie ou d'un snobisme prétentieux. Contrairement aux autres manifestes produits par divers courants avant-gardistes après la Grande Guerre, Serner ne formule aucun nouveau credo esthétique, ne montre aucune direction - au contraire, il se contredit intentionnellement et s'ironise souvent lui-même.
Ce charmant baratin (compliment) prête au rictus (de satisfaction), mais il nous dévoile aussi la frustration et la profonde désillusion cachées derrière le jeu dadaïste. En quelque sorte, il n'est pas sans rappeler le formidable "Conte du tonneau" de Swift.

"Le monde veut être trompé, c'est certain. D'ailleurs, il deviendra sérieusement méchant, si tu ne le fais pas", prévient Serner. Apprenons donc à escroquer les escrocs grâce à ce spirituel manuel ! L'Art est mort, vive le Rasta !
Pour conclure :
"Dans tous les cas, on appliquera avec la plus grande exactitude ce qu'on vient de lire dans la mesure où ceci est parallèle à la pratique du moment. On ne sera pas seulement ébloui du succès, on sera... On sera ! Teremtete !
Et dès lors : "Bonne nuit et bonne chance !"

Bonne chance ! Je recommande de lire une phrase par semaine en consultant furieusement les notes en marge, le livre prendra alors tout son sens. 4/5. En réalité j'aurais pu donner 5/5, mais je commence déjà à embrasser la voie...
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Un bréviaire ou un manifeste ?
Je m'attendais à être dérangé par quelques accès de poésie, d'images, d'idées hors des conventions, de fantaisie...
Un code de conduite ou un nouveau monde à déchiffrer ?
Je m'attendais à être ébloui par de la fureur de vivre, par les ondes sonores d'un monde nouveau, des mots si incompréhensibles que j'en chavirerais d'étonnement...
Au lieu de ça, je n'ai trouvé qu'un manuel de morale cynique et inutile. Rien n'y manifeste, rien n'y bouscule tout au contraire: on y sent même un certain parfum d'arrivisme dans cette position hors de la société mais de vouloir non seulement y survivre, non seulement la biaiser mais surtout en profiter.
Non, ce dada-là n'est pas mon dada.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
En guise de préparation

On prendra avant de commencer la lecture un bref bain tiède, on se reposera une demi-heure à la suite de quoi on se rendra en habit de soirée dans un restaurant renommé où l’on se fera servir le dîner suivant :

Huîtres portugaises (Pfälzer, 1921)
Hors d’œuvres variés
Truites au beurre
Asperges, sauce vin
Poulet (Chambertin)
Chou-fleur au gratin
Pommes frites
Salade
Omelette soufflée
Camembert
Pêche, raisin
Pumpernickel de Nuremberg (Lanson brut 1911)
Café nature
Chartreuse jaune

Toutefois, on ne prendra le café et la liqueur au restaurant qu’à la condition de n’y être pas dérangé. Dans le cas contraire, on se cherchera un coin tranquille dans un café ou un bar où l’on commandera simultanément un Grand Marnier , un Ruban Rouge et un Cerises Jubilé, lesquels resteront intacts aussi longtemps que le signal de consommer ne sera pas donné. À la suite de quoi on allumera son tabac préféré et on commencera la lecture. Après chaque fragment, on fera une pause de trois minutes, on boira un peu et on fumera. À l’issue de chacun des six chapitres, on posera le livre cinq minutes et l’on regardera au plafond .
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Tout autour d’une balle de feu, tourne à toute vitesse une boule de merde sur laquelle on vend des bas de soie pour dames et apprécie la valeur des Gauguin. Un aspect pour sûr on ne peut plus navrant, mais qui, cependant, admet des nuances: les bas de soie peuvent être compris, les Gauguin pas (imaginer ici Bernheim en prestigieux biologiste). Les mille petites cervelles rastas de l’observance la plus embêtante, celles qui servent aux index dressés de la bourgeoisie les colonnes des pages culturelles (Ô pâteuse pisse!) pour débloquer des flots d’argent, ont été la cause de ces négligences qui font qu’aujourd’hui encore, plus d’une dame se
trouve lésée (Que l’on réfléchisse trois minutes à la psychose d’une optique mal traitée, symptôme clinique primaire : sous-estimation des bas de soie pour dame ; secondaire : troubles digestifs.)
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Ou bien: raisins secs. Il suffit de décider qu'on dira à partir de demain kropp au lieu de ventre, fec au lieu de doigt: et tout deviendra plus marrant. En ce moment, j'aime beaucoup le mot “raisins secs". Quand je le prononce, je pense à un mélange de sages-femmes, de députés et de fromage blanc... (Memento leli: plus un incident est invraisemblable, plus il est vraisemblable. J'affirme être un incident que l'invraisemblance de cette affirmation ne rend cependant pas plus vraisemblable. Et c'est pourquoi je préfère exister sans affirmations.)
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on n'a jamais d'idée. Dans le meilleur des cas, la pensée fait comme si. (Elle se fait toujours mousser elle-même!) Chaque mot est une honte, bien entendu. On se contente toujours de souffler des phrases qui sont comme des pirouettes d'acrobate sur des ponts à chaîne (mais aussi: des plantes, des ravins, des plates-bandes). Suggestion opportune: on s'imaginera, juste avant de s'endormir, et de la manière la plus précise, dans l'état psychique ultime d'un suicidé qui veut, avec une balle de révolver, prendre enfin conscience de lui-même. Mais cela ne marchera que si l'on s'est auparavant couvert de ridicule, gravement couvert de ridicule, atrocement couvert de ridicule. Sans aucune mesure. Qu'on se soit si horriblement couvert de ridicule, que tout en soit devenu ridicule. Que tout un chacun en tombe métaphoriquement sur son derrière. Et éternue.
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Le monde veut être trompé, c'est certain. D'AILLEURS, IL DEVIENDRA SÉRIEUSEMENT MÉCHANT, SI TU NE LE FAIS PAS.
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