Un très court texte de Zweig qui fustige l'évolution du monde des années 20 dans le sens d'une uniformisation des modes de vie.
Il y prend 4 exemples: la danse, la mode, le cinéma, la radio, 4 modes d'expression dont il se plaint qu'ils soient devenus indifférenciés dans les sociétés modernes.
L'intérêt de ce texte, ce n'est pas la nostalgie passéiste, le « c'était mieux avant ».
Non, et en ce sens, ce texte est toujours d'actualité, car Zweig, avec son acuité psychologique exceptionnelle, analyse les racines de cette uniformisation, et en propose un remède aux « personnes de qualité ».
Il identifie d'abord une première cause, pourtant on n'est que dans les années 20, nous savons que ce sera bien pire plus tard, c'est l'américanisation du monde, celle des États-Unis d'Amerique, qui, avec leurs moyens colossaux, imposent au monde leur mode de vie, et l'inondent de leur cinéma, danse, mode vestimentaire, etc…
La deuxième cause, c'est celle que nous connaissons maintenant d'une façon encore bien plus forte qu'au temps de Zweig, c'est l'appétence des masses pour ce qui est facile, qui ne demande pas de réflexion, pas d'effort intellectuel, pas d'esprit critique.
Et il a plusieurs phrases révélatrices à ce sujet.
« Toutes ces choses, cinéma, radio, danse ….exercent un pouvoir énorme qui ne peut être dépassé. Toutes répondent en effet à l'idéal le plus élevé de la moyenne: offrir du plaisir sans exiger d'effort. »
« Ce qui n'exige que le minimum d'effort, mental ou physique, et le minimum de force morale doit nécessairement l'emporter auprès des masses, dans la mesure où cela suscite la passion de la majorité. »
Et Zweig d'évoquer « une éblouissante lumière de fête foraine » à laquelle on ne peut résister. C'est malheureusement ce que nous connaissons avec l'essor des programmes télévisés abêtissants qui cherchent à nous accrocher, et plus encore le tourbillon vertigineux des réseaux sociaux.
Le grand écrivain propose un remède à tout cela. « La fuite, la fuite en nous-mêmes »
Car « on ne peut pas sauver l'individu dans le monde, on ne peut sauver que l'individu en soi ».
Et cette position ne veut pas dire misanthropie, « ne nous consumons pas dans une distanciation méprisante », « vivons tranquillement, mais librement » « cherchons à reconnaître puis à rejeter sciemment ce qui ne nous appartient pas, mais maintenons sciemment ce qui nous semble nécessaire »
Et parmi ces choses qui nous sont nécessaires, l'auteur identifie l'amour et l'art.
Un magnifique plaidoyer pour la liberté de penser, c'est ce message fort que je retiens, et si important de nos jours.
Car, nous croyant à l'abri des dictatures et des totalitarismes qui accablent encore une partie importante de notre humanité, il est crucial pour les esprits libres de ne pas céder à la dictature du collectif, des réseaux sociaux notamment, à celle des complotistes et des populistes à ne pas nous satisfaire de leurs visions simplistes d'un monde dont la complexité ne doit pas générer en nous de
la peur, mais au contraire nous inciter à faire l'effort de mieux le comprendre.