Ce livre «
La vie rêvée des plantes » du coréen
Lee Seung-U est délicat à résumer car il comporte tant de choses indicibles...juste raconter l'histoire c'est lui ôter tout ce qui l'entoure, cet espace par moment surnaturel, la nature décrite vibrante de vie, son onirisme et son ésotérisme, l'écoulement du temps, parfois lent, parfois suspendu, pouvant tourner en rond ou filer. Oui, son atmosphère. Ce récit est beau et m'a fait du bien, m'a même par moment envoutée, notamment du fait de la présence de belles métaphores surréalistes de l'amour, de l'amour passion, absolu, basées sur la nature. Il distille une sorte d'apaisement, de caresse, de doux flottement, ce malgré quelques passages durs, voire crus.
« Elle s'était tue. Les rayons du soleil passaient à travers les mailles ajourées du rideau. La poussière voltigeait comme des éphémères dans la lumière. La mélodie, lente et mélancolique, s'immisçait doucement à travers cette danse immatérielle ».
Après des années d'absence et d'errance, Kihyon revient dans le giron familial où dominent silence et non-dits. le père notamment ne dit jamais rien et ne s'occupe que de ses plantes au point d'être fantomatique, la mère, froide et distante, tient un restaurant, ce qui lui prend tout son temps, et son frère, pourtant promis à un bel avenir, Uhyon, se terre désormais dans sa chambre depuis qu'il a perdu ses deux jambes durant son service militaire. Kihyon vit de petits boulots et notamment exerce le métier de détective privé. Il est chargé par un mystérieux commanditaire de suivre sa propre mère. Cette curieuse filature va lui permettre de lever le voile sur le secret de cette femme et de comprendre pourquoi son frère ainé a toujours été préféré par sa mère…au point d'ailleurs qu'elle l'amène, sur son dos, voire les prostituées afin d'assouvir ses pulsions sexuelles. Ce d'autant plus que Sunmi, la petite amie de Kihyon, n'est plus là. Sunmi dont Uhyon était tombé fou amoureux.
« Elle avait ce teint pâle de plante poussée dans l'ombre. Ses longs cils palpitaient ».
Ce retour après toutes ces années nous montre un Uhyon bien plus mature, plus lucide, qui se rend compte de sa responsabilité dans le drame survenu et le destin de son grand frère. Il tente, avec beaucoup de sensibilité et de courage, de redonner un sens à la vie de son ainé au destin brisé.
Un livre sur les secrets, les silences, terreau de toute histoire de famille dans lequel
Lee Seung-U plante des graines d'espérance. Y poussent alors, dans une sorte d'onirisme, des arbres dont les racines s'enlacent, dont les troncs se mélangent au point de ne former qu'un, dont les feuilles se caressent, dont les frondaisons frôlent les cieux… Une nature qui nous montre le chemin, nous guide vers l'essentiel.
« Un arbre effectivement voluptueux, svelte et souple comme un corps de femme. Il enlaçait le pin dans une tendre étreinte. J'imagine que, sous terre, leurs racines s'entremêlaient dans une intimité encore plus scandaleuse ».
Une lecture magique dans laquelle la violence côtoie la douceur, la bassesse conjugue la grandeur d'âme, le drame s'entrelace à la poésie, les penchants bestiaux se déclinent en amour pur et en bonté, la crudité en sensualité, «
La vie rêvée des plantes », je le sens, va rester en moi et va diffuser ses particularités que, en tant que lectrice occidentale, j'ai du mal à mettre en mots. C'est un ressenti avant tout, comme une main qui vient nous caresser pour nous transcender.
« Ce qui en nous est le plus apte à exprimer les sentiments, n'est-ce pas la main ? de cette main, émanaient une tendresse, une affection extrêmes, perceptibles même pour quelqu'un qui regardait à bonne distance. Cette main câline et aimante glissait sur les cheveux de l'homme, ses oreilles, ses yeux, ses lèvres. Et à chacune de ses caresses, le visage s'éclairait, s'illuminait d'or ».
Voilà ce que m'a procuré ce livre à chaque fois que je l'ouvrais. Je crois. Un esprit surnaturel l'habite.