Les éditions Picquier poche, nous offre quatorze nouvelles de Lao She. Un régal.
Maintenant, il est difficile, de composer une chronique sur ma lecture. En effet, les nouvelles sont très différentes les unes des autres, et il m'est sincèrement impossible d'en faire une espèce de synthèse.
C'est aussi la raison pour laquelle, j'ai pris du temps pour terminer le recueil... Je me devais de savourer certaines, de prendre du large par rapport à d'autres.
Lao She écrit ce qui est. Et ce qui est, est cruel, inhumain, injuste, atroce.
Certaines de ses nouvelles laissent une minuscule lueur d'espoir:
D'autres font oeuvre de démarche politique prônant la lutte armée. D'autres dénoncent l'attachement aux traditions qui freinent toute réflexion et donc tout progrès.
Lao She sait choisir des personnages à la fois attachants et à la fois englués dans leur histoire, leur croyance,, comme attaché à leurs propres chaînes. Et ces nouvelles sont comme un appel à une libéralisation.
Et il écrit si bien. Clair, précis, non redondant, fluide, il respecte tous ses personnages, même les plus terribles, il laisse toute sa place au lecteur, et ça pour moi c'est la marque du grand écrivain, véritable.
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quatorze nouvelles de longueur variable
la Chine des années 30 à 40, sous un regard lucide, tranquillement acide, sans violence, avec presque tendresse - mais sans aucune complaisance
un monde de pouvoir, de mensonge, de corruption, de vertus affichées
des êtres plus ou moins valeureux qui se font une place ou qui s'en sortent comme peuvent
de superbes portraits, presque fouillés malgré la brièveté.
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«... sans mensonge, il n'y a pas de civilisation. Mentir est pour l'homme le plus noble des arts. Nous remettons tout en question sauf une chose : le mensonge est partout. L'histoire n'est que la transmission de mensonges. La presse n'est qu'une machine à diffuser le mensonge. Celui qui est doué pour le mensonge est le plus heureux des hommes car savoir mentir, c'est posséder la sagesse. Réfléchissez bien : au cours d'une journée, si on n'avait pas fréquemment recours au mensonge, combien de fois faudrait-il se battre? Et n'en va-t-il pas même dans la vie conjugale? Comment, sans l'aide du mensonge, un homme et une femme pourraient-ils se supporter pendant douze heures? [...]»
(dans «L'homme qui ne mentait jamais»)
Les hommes de talent sont rares, mais encore plus rares sont ceux qui savent les reconnaître.
(dans «Vieille tragédie pour temps modernes»)
Le docteur Niu, célèbre et respecté, membre de maints comités, directeur de ceci et de cela, n'était pas un personnage ordinaire. Dans son jeune âge, il avait été reçu aux examens impériaux. A vingt-huit ans, il avait obtenu son doctorat aux Etats-Unis et, après sa trentième année, il avait occupé divers postes de haut fonctionnaire. Ayant désormais dépassé la quarantaine, il avait cinq concubines et fumait une grosse quantité d'opium. Il avait donc beaucoup de chance d'être encore en vie.
Même enrobées de sucre, les paroles de consolation sont amères.
Bien qu’ils ne se fussent jamais rencontrés, Ru Yin, l’écrivain, et Qing Yan, le critique littéraire, étaient ennemis jurés. Ru Yin écrivait des romans pour gagner sa croûte et Qing Yan était critique littéraire de son état. Quand le nom de Ru Yin apparaissait dans une revue ou un journal, il était suivi de près par celui de Qing Yan. Tout ce qu’écrivait Ru Yin était systématiquement démoli par Qing Yan et invariablement rejeté comme « idéologie malsaine ». Certes, cela n’affectait en rien le tirage de ses œuvres, mais Ru Yin pensait néanmoins qu’en fin de compte la victoire morale appartenait à Qing Yan. Il ne savait pas si ses lecteurs, lorsqu’ils dépensaient quelques sous pour acheter sa prose, souriaient ou s’ils disaient : « Son idéologie est peut-être malsaine, mais c’est terriblement intéressant à lire ! » Il espérait qu’il n’en allait pas ainsi et essayait de se persuader que certains le respectaient vraiment.
Olivier BARROT présente le roman de Lao She, "Messieurs Ma père et fils". Ce roman s'inspire du séjour londonien de Lao SHE.