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EAN : 9782330006150
112 pages
Actes Sud (04/05/2012)
4.29/5   7 notes
Résumé :
"Quand le directeur de l'hôtel, Amir, a ouvert la porte de la chambre 172 le 7 janvier, il a trouvé mon père sur le sol, - "endormi". Dans une enveloppe en papier kraft se trouve l'argent qu'avait alors mon père sur lui, avec dessus le montant inscrit au crayon : 11,42 $. Ce sont là les choses que possédait mon père au dernier jour de sa vie. Pas de portefeuille. Pas de photon. Pas d'adresse ale domicile." En écrivant sur son père, Jon, héroïnomane impénitent, préma... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Il y a des livres "comme ça" qui croisent votre regard et dont la couverture vous aimante.

Il y a des livres "comme ça" dont on ne peut s'empêcher de penser qu'ils ont quelque chose de plus à donner, une vérité à partager, une rivière à traverser, un souvenir à retrouver...

Il y a des livres "comme ça" qu'on aurait pas dû, à priori, croiser et qui se révèlent être de beaux compagnons de solitude. Des livres qui retiennent notre attention parce que leur rédaction originale en évoque un autre qu'on a aimé.
( la première fois que je l'ai feuilleté, j'ai pensé aux livres de W. G. Sebald dont j'ai remarqué ensuite qu'il y figurait en épigraphe ... )

Ce livre-là est de ceux-là.

Trouvé par hasard dans une caisse pas encore vidée d'un bouquiniste, pris, tenu, reposé, je lui ai tourné le dos, il m'obsédait... Je suis revenue sur mes pas et suis repartie en l'emportant.

Un livre d'un fille à son père absent, décédé. Un livre pour dire les mots tus, pour dire les moments partagés, les manquements, l'incompréhension parfois, les regrets, pour faire vivre ce père et le faire parler encore et encore...
Un père fantasque, hors normes, poète, médecin des arbres, amoureux des chats, de tous les animaux, conteur magnifique, toxicomane habité par sa dépendance et y succombant au terme d'une existence en pointillés.

Un livre "autre" construit de photos, poèmes, bribes de phrases, de conversations inachevées, de souvenirs, de regrets avoués autour d'un jus d'orange devenu trop coûteux.

Une belle rencontre.
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Une extraordinaire construction de tendresse complexe à l'adresse d'un père héroïnomane décédé.

Véritable révélation que ce récit poétique autobiographique, publié en 2004, et traduit en français par Claro en 2012, que l'écrivaine américaine d'origine grecque Eleni Sikelianos consacre à son père, Jon.

Dans une forme magnifique, même si elle peut dérouter par moments, faite de fragments, de scènes quasi-théâtrales reconstruites, de bribes de poèmes, de souvenirs désenchantés ou ré-enchantés, l'auteur nous fait partager, sans jugement et avec une complexe tendresse, le souvenir de son père, héroïnomane, malade, vagabond, absent et présent à la fois...

Une expérience d'une rare profondeur et d'une beauté vraiment singulière, et un coup de coeur immédiat.

"Ces histoires ne seront pas cousues pour former une couverture sans la moindre couture, susceptible de recouvrir les traces de cette famille. Dans ce récit, toutes les failles sont visibles, elles saillent telles des cicatrices, elles cèdent aux coutures ou n'ont tout simplement jamais été rapiécées. Ce fil-ci (la vie de mon père à quinze ans à Lausanne), ce fil-là (la vie de mon grand-père à seize ans à Delphes), se défont et se tordent en autant de lignes sinueuses sur des cartes géographiques magnifiquement colorées qui s'arrachent aux frontières et se dévident dans l'éther. Il n'y a plus rien sur la carte, juste quelques noms ici et là, et des gerbes de couleurs."

"Les marques sombres
un peu partout ici
sont des ombres ; les ombres sont les agences
qui permettent aux yeux de savoir qu'un monde
a une forme. Nous avançons
parmi les couleurs. En regardant, j'ai appris le vol &
la fraude, que le bleu peut
feindre le bleu."

"POÈME INACHEVÉ QUI S'EFFORCE DE S'ÉCRIRE COMME SI JON L'ÉCRIVAIT

Hé, caballero, ai-je dit
au moineau
à la gorge enchantée
qui dansait sur les quais
de la Seine
escroc de caballero voleur de miettes

Ay, compañero
ai-je dit au moineau
espèce de petit danseur fainéant
reluquant des miettes de gâteau
toute la matinée
sans m'offrir une seule
des plumes de ta robe sale

Hé, caballero, viens"
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Le livre de Jon rassemble, sous toutes les formes que la mémoire et l'imagination veulent bien livrer, les souvenirs de Jon, le père d'Eleni Sikelianos. Un père absent, accro à l'héroïne et à l'alcool, et retrouvé finalement mort dans la chambre d'un motel d'Albuquerque après des années d'autodestruction. Un père dont l'addiction à la musique, aux livres, aux arbres et aux animaux est aussi évoquée par touches, dans les méandres de sa vie éparpillée.

« ... Dans le bras de mon
père se trouve cette substance sucrée et le thé et l'amour d'une cuillère, une ficelle, un garrot. Dans son bras se trouve le triangle des Bermudes. Dans le bras spirituel de mon père dans la nuit est la nuit il s'inquiète du sort des scolytes des ormes qui meurent de faim. Dans le bras spirituel de mon père il y a une photo de moi quand j'étais bébé j'ai un crâne mou, il l'embrasse. Au milieu du bras spirituel de mon père il y a maintenant de petites rafales de neige, à peine visibles maintenant, et des petites gouttes de sang sur les touches de piano. »

Lettre à Jon, notes en vue d'un film, histoires entendues, inventaires des maigres souvenirs, rêves, bribes, etc., Eleni Sikelianos en appelle à toutes les formes pour rendre compte de la vie disloquée de Jon, des multiples routes de la mémoire, et des trous de son identité du fait de ce manque de père ; pour épuiser la colère de l'absence de Jon, ne plus avoir à rêver d'une autre enfance, pour sa propre reconstruction.

« Ces histoires ne seront pas cousues pour former une couverture sans la moindre couture, susceptibles de recouvrir les traces de cette famille. Dans ce récit, toutes les failles sont visibles, elles saillent telles des cicatrices, elles cèdent aux coutures ou n'ont tout simplement jamais été rapiécées. »
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Bof, l'histoire très découpée d'un père rongé par l'alcool et la drogue racontée par un de ses enfants. L'auteur parvient à le rendre sympathique et attachant. Quelques très beaux passages poétiques.
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critiques presse (1)
Liberation
11 juin 2012
Le livre rassemble poèmes, passages en prose, lettres, listes diverses, photos en noir et blanc curieusement découpées.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Mais raconterai tout ce que j'ai entendu et vu quand j'étais dans
un monde antique et tendais
des tablettes de roche rouge
vers la voûte de la grotte marine pour montrer
que nous aussi, nous sommes antiques, pour réassembler
le temps comme si

on pouvait reconstruire un cerveau brisé et faire face à
un monde humain et faire la course à
une symétrie animale qui paresse vers le futur
d'une manière quelque peu similaire le bleu d'un scarabée
n'a pas de bleu mais vrille en une torsade
cellulaire
particulière, comme la peau d'un oignon, et la lumière
s' infiltre
à travers les couches pour donner une couleur structurelle, puis re-
bondit bleue . Ce genre
de complexité. (Pour le peps, lueur de poil, je sais que quelques autres
cellules font quelques autres couleurs aussi).


Ainsi ai-je vu des pulsations de radar, des autoroutes, le Home Depot, le Whole Foods si bien que partout ressemblait à partout ailleurs Amérique, pourtant


Et, au crépuscule chaque
Lumière revient
À ses propres récompenses
Y compris la jeunesse, et se retrouve de nouveau matinale
Nouvelle,
Éclatante - donc

le soleil m'advienne Sinaï
triste dans le sordide arc-en-ciel et
heureuse étincelle lapin Sarawak
et en Allemagne après la chute du mur nous avons ramassé des débris
au Maroc le Printemps arabe réfugiée contre le bar de l'hôtel où on m'a demandé de ne pas dire de mal du roi
au risque de trop savoir disparaître,
Alabama guerre licorne ghetto nature Madonna en cage
squelette gênes Eugene Dakota du Sud Qatar voilà enfin je sais quelque chose mais jamais ne passe un visage qui soit mon visage
à Evansville dans le Dakota du Nord à Fez à Alger à Kandy et à Carlsbad
Le candidat était là avec son milliardaire et il disait
je vais vous montrer
La divination par les rats
Quel rat choisissez-vous
Caressez son pelage
Et maintenant quel rat choisissez-vous
Frottez-lui la tête
Ce gros rat me dit
« Tu glisseras sereine à la surface du monde

Tes membres seront huilés et élégants
et tourneront doucement dans leurs articulations
Tu prendras un bus tressautant pour Lefkas
dans les ruines de lune de miel en Grèce
où la nation bifurque
entre l'endroit que tu peux atteindre
& ce que tu ne peux pas atteindre »
Rat, rat, ta-rat-ata
Au doux pelage, brillant

Mange des pissenlits, rat chéri
[...]
Dormi tard comme un rat.
[...]

Comment dit-on Charmante étoile patte-lumière dans la rivière à Oaxaca Comment dit-on Un ruban de Moebius ballotté par les vagues en mer de Java

Quand des hommes & des femmes sautent du haut de tours couronnées qui s'émiettent
& assise je médite
aux résonances de nos moi

Je le pense, la rivière
résonne pour la rivière
conduis mon sang
vers la lumière de la lune—
inévitablement, inondation-

[mets des pensées dans un plat en porcelaine et sois têtue comme une mule]

presser l'air sans bouger
Dans l'oreille, je l'ouïs écrit à King je
drape de nuages nos nombreux visages (de sombres et lumineuses étoiles
brillent dans le ciel noir, et de même
les visages de notre peuple)

d'où le fondement de mon expérience, je
ce que je
dis & découvre
& pense
à savoir ou
ne pas
j'ai l'impression
de n'avoir aucun moyen de voir
ce que
je ne sais pas et déploie
la toile par-dessus ma tête comme si
c'était un filet de savoir mais
je ne vois toujours pas les trous
Les hommes
sont dans les arbres devant ma fenêtre je ne sais pas pourquoi
ce sont « les » hommes ou « ma » fenêtre mais je
les observe je les observe scier
l'arbre

« boue », « lac », « ciel », « rouge », « triste », « cinq », « se séparer »,
« s’observer », ou « scier »
formeront un monde si tu les fais tournoyer

et le Kansas est composé de maïs et de machines à filer le coton
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Hé, caballero, ai-je dit
au moineau
à la gorge enchantée
qui dansait sur les quais
de la Seine
escroc de caballero voleur de miettes

Ay, companero
ai-je dit
au moineau
espèce de danseur fainéant
reluquant des miettes de gâteau
toute la matinée
sans m'offrir une seule
des plumes de ta robe sale

Hé, caballéero, viens




( Poème inachevé qui s'efforce de s'écrire comme si Jon l'écrivait )
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Ce livre fait partie d’une histoire familiale plus vaste,
qui reste à écrire ; une histoire où l’on croise des
morphinomanes et des héroïnomanes, des réfugiés,
des comtes ioniens, une des plus riches familles
des Etats-Unis qui dilapida sa fortune en essayant
de ressusciter le théâtre grec antique, des Juifs lithuaniens,
une demi-douzaine de musiciens, un
peintre, plusieurs poètes (dont l’un candidat au prix
Nobel), une lesbienne, des vendeurs d’opium, des
serveuses, une danseuse burlesque dite Melena la
Fille-Léopard (ma grand-mère maternelle), et un
nain (l’un de ses cinq époux), lesquels échouèrent
tous, au final, sur les rives de notre patrie américaine.
Cette histoire débute en des temps et des
lieux ignorés de nous – sur des îles irlandaises, sur
les plaines ambrées de l’Anatolie, sous la lumière
dorée de l’Attique, par des passagers sur un bateau
et des plaisantins –, elle serpente à travers les premiers
arpents de l’histoire écrite de ce continent,
parcourt l’Europe bohémienne et l’Amérique, et
vient percuter de plein fouet l’histoire ordinaire de
tous ces plans hypercool qui ont mal tourné.
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Je parle du "Mage", le livre que je suis en train de lire. Ouais, c'est un bon livre, dit Jon, mais Hemingway c'est mieux. Faulkner c'est mieux. Steinbeck c'est mieux. Dostoïevsky, Rimbaud c'est mieux. Mais c'est un bon livre.
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