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EAN : 9782021034820
448 pages
Seuil (11/02/2016)
2.75/5   6 notes
Résumé :
Et si le nez de Cléopâtre avait été plus court ? Si Napoléon avait remporté la bataille de Waterloo ? L'invitation à arpenter l'univers des possibles du passé n'est pas récente mais la position des historiens français à ce sujet semble arrêtée. Ces incursions mèneraient hors du domaine de l'histoire, celui des faits avérés. Ces fictions plaisantes seraient inutiles. Sans fascination ni rejet de principe, les auteurs s'attachent à revisiter cette ancienne question en... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Et si le nez de Cléopâtre avait été plus court ? Et si Louis XVI n'avait pas été reconnu à Varenne ? Et si Napoléon avait gagné la bataille de Waterloo ? Et si François-Ferdinand n'avait pas été tué à Sarajevo ? Imaginer des passés non advenus nourrit l'imagination fertile des romanciers : c'est Philip K. Dick (Le Maître du haut château) ou Robert Harris (Fatherland) qui décrit le monde de l'après-Seconde guerre mondiale dominé par les nazis, Philip Roth (Le Complot contre l'Amérique) Lindbergh élu président des Etats-Unis, Eric-Emmanuel Schmitt (La Part de l'autre) Hitler admis à la faculté des Beaux-arts et renonçant à une carrière politique. L'historien sérieux, voué à établir des faits, n'aurait pas de temps à perdre à ces distractions futiles.

D'ailleurs les « histoires alternatives » les plus populaires, forgées à partir d'un turning point souvent trompeur, ne résistent-elles pas à l'analyse historique rigoureuse. Si Gavrilo Princip n'avait pas assassiné le pince héritier, il est probable qu'un autre événement similaire aurait mis le feu aux poudres et provoqué la Première guerre mondiale. Si les colonnes de Grouchy avaient sauvé Napoléon, sa victoire aurait sans doute été de courte durée. Si Louis XVI avait rallié Coblence, il n'est pas certain qu'il aurait réussi à constituer une armée contre-révolutionnaire et à reprendre le pouvoir à Paris. Quant au nez de Cléopâtre,on ne sait à la vérité rien de sa taille…

Le succès de l'histoire contrefactuelle est symptomatique d'une époque qui remet en cause la notion de progrès et semble engluer dans le présentisme. Autre tare originelle : la What if history a été plutôt l'apanage d'historiens « de droite » qui, à l'instar de Niall Ferguson, ont entendu rétablir le rôle des grands hommes et du hasard tandis que les historiens « de gauche », pour lesquels l'histoire est la conséquence inéluctable d'évolutions économiques et sociales sur lesquelles la contingence n'a pas de prise, la considérait avec méfiance.

Pour autant la démarche contrefactuelle, utilisée avec modestie et prudence, peut entrer dans la boîte à outils de l'historien. Car les futurs non advenus ne sont pas seulement des chimères. Ils étaient, pour leurs contemporains, des potentialités qui, certes, ne se sont pas réalisées, mais qui ont eu leur influence sur le déroulement des événements. La démarche contrefactuelle nous prémunit également contre une vision linéaire de l'histoire. Elle révèle l'illusion de l'inéluctabilité de l'advenu. Elle nous permet, pour reprendre la belle expression des auteurs, de « défataliser l'histoire » (p. 348). La démarche contrefactuelle enfin est ludique comme le révèle son utilisation dans des jeux vidéos célèbres (Wolfenstein, Civilization) et les expériences pédagogiques relatées par les auteurs en fin d'ouvrage.

Quentin Deluermoz et Pierre Singaravélou instruisent un procès en réhabilitation de l'histoire « avec des si ». Alors que la matière a acquis ces lettres de noblesse aux Etats-Unis et y compte déjà ses ouvrages de référence, leur ouvrage, d'une impressionnante érudition,fera date de ce côté de l'Atlantique.
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Une réflexion ambitieuse et novatrice sur l'écriture de l'histoire, sa définition et sa mise en partage.
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critiques presse (1)
LaViedesIdees
28 août 2018
L’histoire contrefactuelle s’écrit avec des si. Et si les Alliés avaient perdu la Seconde Guerre mondiale ? Et s’il n’y avait pas eu de traite atlantique ? Deux historiens français analysent les vertus de connaissance de cet usage du passé, depuis longtemps appréciées du monde anglo-américain.
Lire la critique sur le site : LaViedesIdees
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Ce constat permet de distinguer l'uchronie de l'utopie. L'uchronie est fille du XIXe siècle tandis que l'utopie en tant que telle s'inscrit dans une plus longue durée. Son origine réside dans la parution du célèbre Utopia de Thomas More qui donne naissance à une tradition qui se développe au XVIIe-XVIIIe siècles. L’utopie invente un autre lieu, hors du temps : elle constitue un hors-lieu où peut se développer une fable philosophique et politique, qui propose un modèle alternatif et ébranle l’organisation sociale et politique de son temps. En dessinant un autre lieu, elle produit un autre temps, ce qui permet à certains auteurs de rappeler que l’utopie est souvent une uchronie. Toutefois, si les fonctions sont proches, l’uchronie proprement dite penche elle hors du temps pour imaginer un autre devenir historique et une autre dynamique temporelle. En ce sens elle apparaît bien comme l’un des dispositifs narratifs mis en oeuvre pour répondre à l’impression nouvelle du flot des temps qui marque le XIXe siècle.
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La méthode contrefactuelle est aussi utilisée à des fins politiques par le célèbre philosophe Charles Renouvier. Polytechnicien, proche du néokantisme, mais aussi homme politique engagé aux côtés des socialistes républicains, Charles Renouvier est plus connu pour son Manuel républicain de l’homme et du citoyen, publié en 1848, ou pour la fondation de la "critique philosophique" en 1872 que pour son Uchronie. Le texte est publié d'abord anonymement sous le titre "Uchronie", en 1857, dans La Revue philosophique et religieuse , avant d'être réédité en 1876 sous un nouveau titre, plus évocateur et éponyme d'un nouveau genre littéraire : Uchronie (L'Utopie dans l'histoire). Esquisse historique apocryphe du développement de la civilisation européenne tel qu'il n'a pas été, tel qu'il aurait pu être. L'ouvrage assure l'entrée du terme "uchronie", défini comme une "utopie dans l'histoire", dans le dictionnaire.
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Cette « heuristique de simulation » permet alors d’expliquer l’origine des sentiments de regret, d’injustice, d’insatisfaction ou encore de culpabilité qui résulteraient de simulations cognitives. Dès la Seconde Guerre mondiale, Samuel Andrew Stouffer et ses collègues forgent l’un des concepts fondateurs de la psychologie sociale : la théorie de la privation relative. Cette équipe de chercheurs a étudié les comportements des militaires états-uniens et observé que les officiers de l’armée de l’air bénéficiant de plus vastes perspectives d’avancement et de promotion que les hommes de troupe sont pourtant moins satisfaits et éprouvent un fort sentiment d’injustice. Ce paradoxe s’expliquerait par le fait que les officiers hautement qualifiés ont un niveau d’aspiration plus élevé que les simples soldats. Déception et frustration résulteraient d’un simple raisonnement contrefactuel qui consiste à comparer ce que l’on a obtenu avec ce qui pouvait être attendu. Si nombre de psychologues affirment que les rétributions contrefactuelles sont par principe supérieures aux rétributions réelles, on peut imaginer au contraire un raisonnement contrefactuel aboutissant à des rétributions virtuelles moindres que les rétributions réelles et qui susciterait non pas la frustration mais la satisfaction ou l’humilité. D’autre part, les tenants de la théorie des justifications de la décision tendent à démontrer qu’une décision bien justifiée, à l’origine de conséquences néfastes, est moins regrettée qu’une décision mal justifiée aboutissant aux mêmes conséquences. Plus la justification est de qualité, moins la simulation contrefactuelle est aisée.
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Les spécialistes de la psychologie et des sciences cognitives ont identifié plusieurs types de raisonnements contrefactuels (upward/downward, additive/substractive, self/other counterfactuals) qui conditionnent divers comportements ainsi que les émotions tels le regret, le sentiment d’injustice ou au contraire de soulagement et de satisfaction.

Dans les années 1980, Amos Tversky et le psychologue Daniel Kahneman, prix Nobel d’économie en 2002, dans leurs travaux pionniers sur les « simulations heuristiques », ont mis en évidence plusieurs caractéristiques de la pensée contrefactuelle. La réaction émotionnelle est plus forte lorsque la situation résulte d’une erreur commise plutôt que d’une absence d’action, parce qu’il est plus facile d’annuler ou de modifier mentalement une action sur laquelle nous retenons des informations que l’absence d’action qui ne nous offre pas d’éléments factuels. Ils notent ainsi que généralement on regrette bien plus d’avoir prononcé des paroles inappropriées que d’avoir tu des propos pertinents. De même, les individus ont plus tendance à appliquer ce type de raisonnement aux événements exceptionnels qu’aux faits ordinaires. Et il apparaît que plus il est aisé d’imaginer un déroulement alternatif des événements, plus la situation semble tragique. Le raisonnement contrefactuel est donc souvent suscité par des événements soudains, traumatisants, perçus par certains comme néfastes, tels les révolutions ou les attentats. Les états dépressifs, la tristesse et l’insatisfaction favoriseraient également la production de simulations contrefactuelles. Ainsi, le raisonnement contrefactuel peut être fallacieux en surestimant la probabilité de certains événements et en sous-estimant d’autres phénomènes. Il induirait en outre une « amplification émotionnelle ». Les titulaires d’une médaille de bronze aux jeux Olympiques sont ainsi bien plus heureux que les titulaires d’une médaille d’argent, lesquels ne pensent qu’à la médaille d’or qu’ils auraient pu gagner, alors que les détenteurs de la médaille de bronze estiment qu’ils auraient pu ne rien gagner du tout. Enfin, nous modifions plus facilement le dernier événement d’une série plutôt qu’un événement survenu plus tôt : de là, notre propension à critiquer vertement un sportif qui laisse passer sa chance au dernier moment du match et à tolérer des occasions manquées au début de la rencontre.
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Avec l'essor de la forme romanesque et l'intérêt croissant pour l'histoire, les scenarii contrefactuels se multiplient dès le début du XIXe siècle. La recherche des "origines" de la première histoire alternative ou première uchronie est hasardeuse.
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Videos de Quentin Deluermoz (15) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Quentin Deluermoz
Ludivine Bantigny & Quentin Deluermoz vous présentent son ouvrage "Une histoire globale des révolutions" aux éditions La découverte. Entretien avec Rémi Monnier. En partenariat avec Sciences Po Bordeaux et Sud Ouest.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2916021/une-histoire-globale-des-revolutions
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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