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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Deux temporalités alternent dans ce roman. Il y a le présent qui s'appuie sur la fiction, à la lisière du fantastique, avec un ingénieur mandaté pour vérifier les installations du barrage de Seyvoz et des retours dans le passé, dans les années cinquante, avec la construction de ce barrage hydroélectrique au beau milieu des montagnes alpines, au moment où la France sort de la Seconde Guerre mondiale, et où les besoins en énergie sont immenses. Sauf que l'édification de ce barrage a entraîné la création d'un lac artificiel et englouti le village installé là.
Depuis Paris, Tomi Motz est envoyé à Seyvoz pour une mission concernant la maintenance des installations. Lorsqu'il arrive au barrage où il a rendez-vous avec un certain Brissogne, le responsable de la maintenance, personne n'est là. de plus, des choses bizarres comme son téléphone qui ne capte rien alors qu'il se trouve sur le plus important site producteur d'électricité de la nation. La centrale électrique de Seyvoz serait donc une poche de territoire sans couverture réseau, une zone blanche… Étrange ! Étrange également cette Clio rouge dont la conductrice qui, après lui avoir délivré un message, s'enfuit, tout comme est bizarre l'hôtel où il est descendu.
Pendant quatre jours, cet ingénieur solitaire, mu par une sorte d'attraction incontrôlable, va donc arpenter la zone avec la sensation d'être prisonnier d'un champ magnétique étanche, sa mission perturbée par une série de troubles sensoriels et psychiques faisant naître chez lui des visions étranges. le réel se dérobe autour de lui et tout vacille jusqu'à sa propre raison…
Ce récit est entrecoupé de bribes du passé avec notamment l'engloutissement de ce village aux habitants peu convaincus de la pertinence de leur sacrifice.
Si j'ai été un peu moins réceptive au présent assez fantasmé, j'ai beaucoup apprécié les retours dans le passé et le rappel de cette construction du barrage de Seyvoz – barrage de Tignes en Savoie, dans la réalité.
La description du village, de la vallée et de ses habitants dans les années cinquante est particulièrement réussie et rend parfaitement compte du séisme que cela a été pour eux de devoir abandonner leur lieu de vie. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir tenté de résister !
On assiste vraiment à un combat inégal, le pot de fer contre le pot de terre, et, en avril 1952, les derniers habitants doivent quitter leur village ; ayant décidé, pour garder un lien avec l'histoire, de reproduire l'ancienne église à l'identique, ils procèdent alors à l'évacuation de leur église.
Difficile de ne pas être saisi lors de l'exhumation du cimetière à quelques jours de l'engloutissement, et en phase avec ces villageois outrés que l'on vienne déterrer leurs morts.
Une évacuation particulièrement violente marque les esprits d'alors et ce jusqu'à nos jours.
Quant au barrage lui-même, le plus haut d'Europe à l'époque, Maylis de Kerangal et Joy Sorman, racontent avec précision la construction de cet ouvrage pharaonique, l'appel à main d'oeuvre et les conditions de travail dantesques, sans oublier ceux qui ont y ont laissé leur peau, certains, avalés par ce mur gigantesque, les comparant à ces habitants de Pompéi, « ces vies solidifiées qui ne redeviendront jamais poussière. »
Elles n'omettent pas de signaler que les dangereuses conditions de travail et la volonté de faire vite ont coûté la vie à 52 ouvriers.
Le barrage fermant désormais leur vallée et allant être mis en eau, noyant leur village et leurs pâturages, c'est avec beaucoup de tristesse qu'on assiste impuissants, aux côtés des villageois au dynamitage de leurs maisons et à leur violente évacuation.
Seyvoz, bien qu'écrit par deux auteures, Maylis de Kerandal et Joy Sorman, est un roman singulier car elles ont su unir leurs voix et leur talent pour créer un roman richement documenté, d'une grande sensibilité, mélangeant savamment réel et imaginaire, ce dernier pouvant parfois prendre le pas sur la réalité.
C'est à la suite d'une proposition faite par le collectif d'auteurs, Inculte, dont la marque de fabrique est le livre collectif, que nos deux écrivaines ont relevé le défi d'écrire à quatre mains : un défi que je qualifierais de particulièrement réussi !

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Un barrage contre l'oubli

Maylis de Kerangal et Joy Sorman ont uni leurs plumes pour raconter l'histoire du village englouti par l'édification du barrage de Tignes. Sur les pas d'un ingénieur arrivé pour la maintenance, on va découvrir l'esprit du lieu.

Quand Tomi Motz, après une longue route depuis Paris, arrive au barrage de Seyvoz, il a la désagréable surprise d'apprendre que Brissogne, qui l'a convoqué, ne viendra finalement pas. Résigné, l'ingénieur gagne l'hôtel d'Abondance où une chambre lui a été réservée. Après avoir regardé quelques épisodes d'une série, il s'endort du sommeil des justes.
C'est à ce moment que Maylis de Kerangal et Joy Sorman ont choisi d'insérer dans leur roman, avec une couleur d'encre différente, la chronique du temps passé, lorsque Seyvoz était encore un village de montagne. On pourra ainsi, au fil du récit découvrir l'histoire de Seyvoz, au moment où les habitants apprennent qu'ils n'ont plus que quelques jours à passer dans le village avant que ce dernier ne soit englouti sous les eaux de retenue du barrage. le temps de célébrer un dernier mariage et les trois cloches de l'église de Notre-Dame-des-Neiges seront déposées. On ira même, suite à des débats enflammés, déterrer les morts du cimetière et leur offrir une nouvelle sépulture à quelques kilomètres de là. «Comme le garde champêtre refusait de le faire, c'est Beaumichel qui a donné lecture de l'ordre du préfet: abandon du cimetière de Seyvoz, exhumation, transfert et inhumation des corps dans le cimetière nouvellement ouvert du hameau du Ruz, autour de l'église que l'on finissait de bâtir, un fac-similé de Notre-Dame-des-Neiges dont les habitants de Seyvoz haïssaient l'idée, jurant qu'ils n'y foutraient pas les pieds.»
Tout aussi fort en émotions, on suivra l'un des immigrés venu prêter main forte à l'édification de cet édifice monstrueux. Joaquim ne rentrera jamais dans son Portugal natal ou encore le vain combat de la dernière poignée de résistants opposés à la destruction de leur village.
À son réveil, Tomi entend retrouver Brissogne, lui dire son fait, assurer sa mission de contrôle des installations et rentrer à Paris. Mais son programme va à nouveau être perturbé. D'abord parce que Brissogne reste introuvable, ensuite parce qu'un grésillement bizarre émane d'une partie du barrage, enfin parce que Tomi a quelques problèmes de santé. Il n'a alors d'autre choix que de passer une nouvelle nuit dans hôtel qui affiche complet, bien qu'il ne croise personne dans l'établissement.
Le troisième jour va encore lui réserver quelques surprises que je vous laisse le plaisir de découvrir, à la frontière du voyage initiatique et du fantastique.
Les deux autrices ont habilement su mêler leurs plumes – elles ont parfois rédigé ensemble et se sont aussi répartis certains chapitres sans que l'on puisse attribuer le texte à l'une ou à l'autre – pour nous offrir différentes entrées, manières d'appréhender ce mur de béton qui depuis plus d'un demi-siècle barre la vallée de ses 180 m de haut et ses 300 m de long. En faisant revivre les habitants du village qui, au début des années cinquante, ont dû tout abandonner devant l'inexorable montée des eaux, en nous entrainant dans la vallée et même dans le lac à l'occasion d'une plongée mémorable dans les 240 millions de mètres cubes d'eau, on découvre combien ce lieu est chargé d'un esprit très particulier. Et nous donne l'envie d'une escapade dans les Alpes.


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Tomi Motz est dépêché à Seyvoz par l'entreprise qui l'emploie pour un problème de maintenance : des anomalies ont été détectées dans les installations du barrage. Arrivé sur les lieux, personne. Il tente de joindre quelqu'un au téléphone, pas de réseau. La personne avec laquelle il avait rendez-vous n'a pas pu venir lui dit une rousse en Clio rouge sans même prendre la peine de descendre de sa voiture. Et elle s'en va, le laissant là. Il saute dans sa vieille Passat et tente de la rattraper. Il la suit bien un moment, mais la voiture disparaît. Il se rend alors à l'hôtel, personne. Il trouve un post-it avec son nom, le numéro de sa chambre et le code wifi, mais ne voit personne… Tout cela est bien intrigant et un peu inquiétant !
***
Ce roman à quatre mains, écrit par Maylis de Kerangal et Joy Sorman, se divise en quatre jours qui se déroulent sur deux axes temporels : le présent (police de caractères noire et narrateur à la troisième personne) et le passé (police de caractères bleue et narrateur à la première personne). Au présent, les événements deviennent de plus en plus étranges au fil des jours. le peu de gens que Tomi rencontre brièvement sont incapables de l'aider. Ni le stagiaire, ni la patronne de l'hôtel, ni le vendeur de charcuterie ne pourront répondre à ses questions. Il reste seul, sans aide, et presque toujours sans réseau. Il sent l'angoisse monter, amplifiée par le manque de nicotine. Au passé, c'est le drame, bien réel. Au début des années cinquante, les habitants de Seyvoz doivent quitter leur village puisqu'il sera prochainement englouti sous un lac artificiel créé par le barrage en construction, puis sur le point d'être mis en eau. Si certains s'en vont sans trop rechigner, d'autres décident de résister tout en étant conscients que la partie est déjà jouée et que les dés étaient pipés…
***
Au présent, l'intrusion du fantastique vient brouiller les perceptions de Tomi comme celles du lecteur grâce à des images et des symboles qui font douter des frontières entre réel et irrationnel. La conscience de l'environnement se modifie. On bascule dans un monde instable où tout apparaît mouvant. Seul un intense sentiment de solitude persiste. Au passé, on vit avec les hommes venus construire le barrage (lourd tribut : 52 morts). Et le désespoir perceptible des expropriés, leur frustration et leur colère, leur amère résignation se transmettent au lecteur. L'Éducation sentimentale accompagne Tomi et lui apporte de temps en temps un peu de réconfort, mais trop brièvement pour lui permettre de reprendre pied. Un bref et beau roman, une écriture maîtrisée et assez homogène pour que je n'identifie pas la patte de chaque autrice, bien que je sois tentée d'attribuer les parties les plus techniques à Maylis de Kerangal, forcément. Je n'ai pas deviné qui était le narrateur à la première personne…
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Évidemment, on ne lit pas un livre à quatre mains comme on lirait un livre à deux mains. Autrement, à quoi ça servirait d'écrire un livre à quatre mains, hein ? En plus, marquer par un changement d'encre le passage d'un chapitre à l'autre donne encore plus envie de s'adonner au petit jeu du « devine qui écrit là » ! Impossible de résister à cela ! Alors moi j'ai mon avis et je suis prête à parier la moitié de ma bibliothèque (tu parles d'un cadeau!) que tel chapitre est l'oeuvre de Maylis de Kerangal et tel autre de Joy Sorman. Ça me paraît complètement évident. Même si j'ai lu je ne sais plus où qu'elles avaient chacune relissé le travail de l'autre. J'irai même plus loin, il me semble pouvoir dire à quel moment la première autrice est intervenue sur le travail de l'autre (là je parie l'autre moitié de ma bib !) Tout ça pour dire quoi ? En fait pas grand-chose. (Elle est intéressante mon analyse!) Allez, j'ose : il me semble qu'une écriture est plus forte que l'autre, plus marquée stylistiquement parlant. Cela dit, plus on avance dans le roman, moins c'est net. Comme le fond du lac, tiens. Ou alors, j'ai été prise par l'histoire et du coup, j'ai cessé de m'interroger sur qui a écrit quoi. En fait, je ne vois pas trop l'intérêt de ce type d'exercice. Pour les autrices, peut-être que c'est sympa d'aller pique-niquer au bord du barrage du Chevril tout en discutant du sujet entre deux sandwiches. J'imagine aussi les recherches ici et là, à la mairie, dans les journaux, les archives… Franchement, j'aurais bien aimé faire ça moi aussi. Mais dans le fond, pour le lecteur, ça n'apporte pas grand-chose.
Alors, le livre maintenant : ce barrage de Seyvoz, c'est celui de Tignes (Savoie). le chantier s'est achevé en 1952 : d'après le Dauphiné, c'est le plus haut barrage hydroélectrique de France : 180 mètres de hauteur, 300 mètres de largeur, 235 millions de mètres cubes d'eau. le lac du Chevril a donc recouvert l'ancien village de Tignes et ce malgré la très ferme opposition des habitants qui ont fait tout ce qu'ils pouvaient à l'époque pour résister. Cinq mille ouvriers sont venus prêter main- forte et plusieurs sont morts d'ailleurs pendant la construction. Quand on connaît un peu les deux autrices, on n'est pas franchement surpris par le choix de ce sujet. Il y a un petit côté technique qui a dû ravir Maylis de Kerangal. J'ai bien aimé ce texte, l'impression quasi fantastique qu'il dégage. Il faut dire que cette histoire est particulièrement fascinante. Et c'est peut-être là que le bât blesse. En effet, avec un tel sujet, je pense que l'on aurait pu créer une oeuvre plus consistante et donc plus longue. Mais difficile de la réaliser à quatre mains. On touche ici aux limites du projet. L'exercice est original, tout à fait réussi mais demeure un peu frustrant pour le lecteur.
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Une nouvelle écrite à quatre mains.
Joy Sorman et Maylis de Kerangal s'intéressent
à un barrage hydraulique construit en 1952.
L'engloutissement du quotidien d'un village,
son évacuation imposée par Arrêté Prefectoral.
encadrée par autant de CRS que d'habitants..
Tomi est aujourd'hui chargé de contrôler
la sécurité de l'édifice.
Il arrive dans cette contrée fantôme,
qui l'oppresse assez vite,
il voit et ressent des phénomènes
que l'homme de sciences peine à s'expliquer..
Le récit flirte avec l'étrangeté de ce passé enfoui.
Kerangal affiche toujours une gourmandise
pour le béton et les procédés techniques.
Certains passages relèvent de la dentelle,
tant ils sont merveilleusement écrits.
Tomi doit quitter Seyvoz
afin que Seyvoz le quitte,..
Vous avez dit bizarre??

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Cinq jours c'est le temps que va durer la mission de Tomi Motz, la cinquantaine, dans une région montagneuse non nommée et qui a pour but de faire un état des lieux du barrage hydroélectrique de Seyvoz, barrage qui a nécessité dans les années 1950, la "noyade" d'un village, engloutissant maisons, église, cimetière pour faire place à un mur de béton et une étendue d'eau. Un village rayé de la carte au nom du progrès.

Sur place il se retrouve seul dans un environnement sans âme comme l'hôtel où il réside, ni réseau internet, un décor fantomatique dans lequel toute vie semble avoir disparu. Il va chercher à comprendre les étranges sensations ressenties à l'approche de l'édifice comme si le passé et l'histoire de ce village englouti cherchaient à refaire surface, à manifester leurs présences, leurs résistances.

C'est un récit à deux plumes et deux voix : les deux plumes sont celles de Maylis de Kerangal et de Joy Sorman qui ont imaginé conjointement l'histoire d'un village parmi d'autres qui fut englouti au nom de la fée électricité, du modernisme galopant faisant fi de ceux qui l'habitaient et y avaient leurs racines mais également transformant les paysages. Les deux voix sont celles de Tomi et du Passé, ce dernier étant identifiable par l'encre bleue utilisée comme celle de l'eau montante, qui relate comment l'évacuation a eu lieu, comment on est contraint à quitter la terre qui porte l'histoire des familles, une terre que vous aimez et dans laquelle reposent ceux qui vous ont précédé :

"Je me demande s'ils se sont arrêtés sur le seuil des maisons, s'ils ont respiré à pleins poumons tandis que leur regard embrassait ce paysage qui avait littéralement façonné leur vie - un travelling panoramique qui aurait combiné l'exploration horizontale et l'échappée vers les cimes - s'ils l'ont regardé comme on se penche sur ce qui va mourir, pour ne pas l'oublier. Je ne le pense pas : ce n'est pas ainsi qu'ils habitaient leur pays. Non qu'ils fussent désinvoltes, oublieux, et incapables de relever précisément de qui devait l'être pour le confiner au fond d'eux-mêmes - dessiner, enregistrer, photographie, filmer - mais la montagne leur était autre chose, ils vivaient dedans, c'est le corps qui logeait leur existence, ils ne s'en séparaient pas et marchaient le plus souvent tête baissée - savoir où poser les pieds sur ce terrain de glace et de cailloux est plus recommandé que cligner de la paupière devant ce qui scintille là-haut. (p20)"

Cinquante ans que le village a été rayé de la vallée montagneuse, cinquante ans c'est l'âge de celui qui doit faire le bilan d'un "ouvrage d'art" comme on pourrait nommer ce mur de retenue des eaux mais qui ne pourra que constater les traces et amertumes laissées par la disparition d'un lieu dont l'existence remontait à plusieurs siècles. En faisant de Tomi le témoin de l'après-barrage, les autrices ont choisi de le décrire comme un solitaire notant ses rêves afin d'y trouver des prémonitions, suivi par un psychanalyste et tentant de mettre fin à sa dépendance au tabac. Lui-même semble n'avoir d'autre vie que celle de vérifier que tout fonctionne, est conforme alors que lui-même se détraque.

Il y a grâce à la voix du Passé le récit poignant des derniers instants du village, des derniers "résistants" alors que l'eau monte peu à peu, le souvenir de ceux qui sont venus parfois de loin pour travailler à l'édification de l'ouvrage et qui sont prisonniers de la matière, il y a le symbole des trois cloches Alba, Egalité et France qu'il est impossible d'abandonner dans le clocher car elles étaient l'âme du lieu rythmant leurs vies comme il était inenvisageable d'oublier dans le sol ceux dont c'était la dernière demeure.

"De fait, être de Seyvoz, c'est avoir eu l'oreille formée aux volées des trois soeurs de Notre-Dame-des-Neiges, reconnaissables entre toutes, à l'instar d'une voix humaine. Là où se portent les ondes d'Alba, Egalité et France, le vallon devient semblable à une cloche renversée, un nid, le berceau de ceux qui vivent ici : ils sont là chez eux. (p25)"

C'est un roman dans lequel le réel créé l'imaginaire, ils se côtoient, laissant planer une atmosphère, des silences, un événement parmi d'autres qui m'a rappelé des images d'autres lacs où d'autres villages dont ne subsiste que le clocher dépassant la surface de l'eau comme seul témoin et rappel de sa vie passée... "N'oubliez pas ! Ici étaient un village et ses habitants".

J'ai cherché à savoir si Seyvoz avait existé mais n'ai trouvé que la trace d'un événement similaire qui s'est déroulé en 1952 à Tignes enfouissant l'ancien village sous les flots malgré la résistance des habitants n'ayant cédé qu'à la volonté implacable de l'autorité et de la force dont les autrices se sont peut-être inspirées.

Maylis de Kerangal et Joy Sorman au sein du collectif Inculte nous livrent un témoignage à la fois sensible, mystérieux et documenté (on y retrouve la précision apportée par Maylis de Kerangal dans ses ouvrages et peut-être de Joy Sorman mais je n'ai à ce jour rien lu d'elle) que j'ai aimé, malgré le climat oppressant des lieux hantés par les fantômes du passé mais qui grâce à l'imagination des deux autrices ont su attirer mon attention sur des événements qui ont chamboulé à la fois les lieux par leur transformation mais également les esprits par ce qu'ils y ont laissé et qui y demeurent peut-être encore.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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Bienvenue à Seyvoz, une commune fictive nichée dans la montagne. Seyvoz et son barrage installé dans les années 50, Seyvoz et son village englouti sous le lac – 4 jours, 4 chapitres – Tomi vient travailler sur le barrage, il doit contrôler les installations. Mais en arrivant à Seyvoz, entre-t-il dans une quatrième dimension ? Les voix qu'il entend, les personnes qu'il croise viennent-elles du présent ou du passé ? Sont-elles seulement réelles ?

Un roman écrit à quatre mains ; Maylis de Kerangal dont je connais très bien les livres et Joy Sorman que je n'ai jamais lue. J'ai écouté plusieurs émissions de radios où elles étaient invitées à expliquer comment elle avaient écrit ce livre ensemble. C'était très intéressant, j'ai d'ailleurs essayé de retrouver quels passages étaient écrits par l'une ou l'autre. Finalement, j'ai oublié de m'y intéressée car j'ai été fasciné par le fond et plus par la forme.

Un roman, librement inspiré de l'histoire du barrage de Tignes, est très bien documenté, Maylis de Kerangal excelle dans les descriptions techniques, j'ai retrouvé son écriture très sensorielle. Je me suis passionnée pour la période passée et la construction du barrage. Un très court roman elliptique, qui m'a intriguée et touchée. Un excellent moment de lecture pour qui n'a pas besoin de réponses à ses questions concrètes 😉
Lien : http://www.levoyagedelola.com/
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Quatres mains, deux autrices, une seule plume pour raconter une histoire singulière dans laquelle le passé résonne puissamment dans le présent.
Chargé de contrôler les installations du barrage de Seyvos, Tomi Motz est en proie à d'étranges sensations. Comme une résonnance des vies et des morts qui ont été engloutis pour permettre l'édification de l'imposant ouvrage d'art.
Entre passé et présent, raison et folie, Tomi perd pied et s'enfonce au propre comme au figuré dans le lac artificiel à la recherche d'un monde disparu. La frontière entre réalité et onirisme s'efface progressivement alors que l'ingénieur plonge dans les abysses.
A l'aide de phrases concises, d'un vocabulaire choisi avec précision, Maylis de Kerangal et Joy Sorman réussissent l'exploit de restituer les dimensions humaines de cette aventure technologique et économique ainsi que ses échos contemporains, le tout dans un minuscule roman tenu de bout en bout.
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C'est l'engloutissement programmé du village de TIGNES pour la réalisation du barrage hydroéléctrique du même nom en 1952 qui sert de point de départ à ce roman écrit à quatre mains par Maylis de Kerangal et Joy Sorman.
Les autrices ont imaginé deux temporalités :
Le présent vécu par Tomi Motz durant quatre journées. Cet ingénieur mandaté par son entreprise pour aller inspecter les installations du barrage va tourner autour du lac artificiel dans des conditions très étranges. Il perd ses repères, est coupé du monde, contraint à une solitude non voulue, tout et tous se dérobent autour de lui , comme un écho à la disparition du village.
le passé qui retrace quelques évènements marquants d'une réalité qui avait eu à l'époque une résonnance nationale. On assiste ainsi au déménagement des cloches et du cimetière, à l'expulsion du village de ses derniers récalcitrants.
Ces deux temporalités s'entremêlent habilement. Il est impossible de savoir qui a écrit quoi, on pense reconnaître le talent de Maylis de Kérangal pour les descriptions techniques épurées et efficaces.
C'est un petit livre dense, intéressant, qui réveille les mémoires. Un travail qui sensibilise aux destructions dont l'homme est capable au nom du progrès.

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J'ai aimé ce livre qui entremêle habilement présent et passé, réalisme et fantastique. Même si le thème du barrage est présent dans les publications récentes antérieures à Seyvoz ( chez M. Desbiolles etF.Bouysse par exemple) le livre Seyvoz est intéressant : c'est une écriture à quatre mains, concentré sur quatre jours il dit en partant du présent la violence de l'engloutissement du chef-lieu Seyvoz sans porter de jugement et ce passé décrit de façon très visuelle qui percute notre présent est un appel à la réflexion sur ce que la construction du barrage de Tignes a «  défait « , c'est aussi une mise en mots de ce que l'on peut considère comme des sacrilèges quand il s'agit par exemple de détruire un cimetière, une église, une école.
Et le début de l'histoire?
Timo un ingénieur est appelé à se rendre au barrage Seyvoz pour de la maintenance. Les auteures nous plongent des le premier jour dans des incertitudes : Tomi ne rencontre pas Brissogne avec qui il a rendez-vous, une jeune femme en Clio rouge vient l'aviser que son collègue ne viendra pas, quand Tomi veut pourchasser sa Clio rouge, elle se volatilise.Tomi est hébergé à l'hôtel
Du Val-Perdu dont le lecteur se demande s'il est bien réel, on n'y croise aucun client, le Val Perdu n'est-ce pas la nostalgie du vieux Seyvoz englouti par les eaux en 1952 quand le barrage est construit .Des faits étranges font irruption dans le récit jusqu'à la fin.?Puis les auteures intercalent des événements du passé comme le récit de la disparition de Joachim venu du Portugal pour travailler à la construction du barrage.Elles nomment les anciens habitants pour lesquels on a d'emblée de l'empathie.Le passé de Seyvoz n'est pas mort , les souvenirs se transmettent, il y a une mémoire collective et quand Tomi plonge dans le lac Il voit des vestiges.
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