Quand 2 grands artistes se rencontrent..
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Pierre Soulages: Le sacré n'est pas le religieux, tout le monde le porte en soi
Charles Juliet: La réalisation des cent quatre vitraux de Conques vous a mobilisé de 1986 à 1994. Etait-ce une parenthèse dans votre oeuvre ou sa continuité ?
Sa continuité, car j'ai toujours travaillé la lumière. La lumière se reflète sur la surface fibreuse, lisse ou tourmentée de mes peintures noires, de même qu'elle traverse mes vitraux à Conques. Son rôle est primordial dans l'architecture de l'abbatiale. Pour respecter rigoureusement cet espace, j'ai inventé un verre incolore, qui coupe le regard de l'extérieur — il peut ainsi se concentrer sur la beauté de l'endroit. Mais ce n'est pas un verre uniforme : ses grains sont variés et ces variations créent un chromatisme. Ainsi, des changements se produisent du matin au soir : dans un tel lieu, il convient de marquer l'écoulement du temps.
C.J: S'agissant d'un édifice religieux, le caractère sacré de cette lumière a-t-il influé ?
Le sacré n'a pas précédé mon travail, il y est arrivé naturellement. Autrefois, quand des gens entraient dans l'abbatiale, ils bavardaient. Aujourd'hui, ils chuchotent. La lumière provoque le recueillement.
Si l'on sait qu'on ne sait pas, si l'on est attentif à ce que l'on ne connait pas, si l'on guette ce qui apparait comme inconnu, c'est alors qu'une découverte est possible.
- Chez vous, sensibilité et pensée dialoguent, collaborent, travaillent de concert.
- Dialoguent est sans doute le mot juste, parce que le dialogue suppose le va-et-vient, l'intermittence.
L'outil n'est pas le noir, c'est la lumière.
le noir, c'est une couleur violente, elle s'est imposée, elle a dominé, c'est la couleur d'origine.