Employée à tort et à travers, la formule "Sa vie est un roman" est pourtant la première qui vient à l'esprit lorsqu'on se penche sur l'existence du caméléon
Romain Gary. Pour n'en retenir que 5 ans de 1956 à 1960,
Kerwin Spire n'en apporte pas moins la preuve éclatante. Durant cette période, on découvre un multicartes de génie à la fois diplomate (consul général de France à Los Angelès), écrivain (auteur à succès de "
Les Racines du ciel", prix Goncourt 56), conférencier, dandy et homme à femmes...
Une période riche en événements qui voit le consul se multiplier pour promouvoir l'image de la France et expliquer sa politique : pas simple du fait de l'instabilité ministérielle de la IVe République agonisante et du drame algérien. Ce qui ne l'empêche nullement d'enrichir son oeuvre littéraire car, outre "
Les Racines du ciel", bientôt porté à l'écran par
John Huston, il publie en anglais "
Lady L.", mais surtout il peaufine "
La Promesse de l'aube", sa grand'oeuvre qui lui permet de dévoiler enfin son ascendance slave et sa judéité, autant d'informations qu'il avait cachées en arrivant à L.A. se présentant à la presse californienne comme français de souche, catholique né à Nice.
C'est l'occasion de "se délivrer de ce passé qui le hantait pour pouvoir se réinventer.", explique avec justesse Spire.
En 1958, survient l'occasion de se faire le porte-parole du Général de Gaulle auprès des Américains en digne compagnon de la Libération et membre de la France Libre. Mais sans jamais vouloir s'impliquer politiquement, même quand son ami et maître
André Malraux lui proposa de rejoindre le mouvement.
Kerwin Spire réussit à rendre très vivant ce quinquennat californien de l'écrivain-diplomate, n'hésitant pas à révéler ses failles et ses doutes. A partir d'une documentation fouillée, il trace le portrait d'un personnage hors-norme aux prises avec des ambitions parfois antagonistes au sein d'une période agitée. Il permet aussi de mieux appréhender l'état d'esprit de cette Amérique de l'Ouest conservatrice et par ailleurs bouillonnante à l'image d'Hollywood.
Rendez-vous est pris pour la suite dans "Monsieur
Romain Gary, écrivain-réalisateur", que propose Spire (années 60) où apparaît la lumineuse
Jean Seberg.