Jeune reporter à l'AFP Paris en 1970, l'anglais
Jon Swain est envoyé pour couvrir le conflit au Vietnam puis au Cambodge. Kidnapping, séquestration, pays en crise et enfants soldats, les mémoires de guerre de Swain semblent fictionnelles, et pourtant…
Après avoir été adapté au cinéma en 1994 dans le film La déchirure de Roland Joffré,
River of Time est traduit pour la première fois en français, aux éditions des Équateurs.
Jon Swain y livre ses mémoires de guerre, jeune reporter anglais travaillant pour l'AFP Paris au début des années 70. Il sera envoyé couvrir le conflit au Vietnam, puis suivra le Cambodge.
Si le jeune journaliste part avec des motivations, des idées, parfois même des illusions, la brutale réalité de la guerre va le ramener à une réalité cruelle, et plus encore, va profondément le transformer. S'il n'est pas pro-colonialisme, il garde toutefois une certaine fascination pour les villes au passé colonial déchues. Il relate la réalité de ces lieux, autrefois places fortes du colonialisme français et ayant comme attrait principal ce qu'il appelle les trois B : bars, boulevards et bordels. le portrait qu'il dépeint de ces villes en quasi décadence a quelque chose de mélancolique, et l'on visualise aisément les lieux au travers de son regard, porté par des descriptions minutieuses et évocatrices. La fumerie d'opium transformée en caserne ou l'hôtel en prison nous apparaissent comme si nous nous tenions à ses côtés.
Savoir équilibrer avec justesse le fond et la forme, c'est le grand atout de
Jon Swain. La réalité de ce qu'il relate dans ces mémoires est saisissante, digne de grandes oeuvres de fiction. Mais la force de son récit est aussi servie par une écriture de qualité, alliant la précision des faits historiques, la fluidité d'une écriture journalistique et les qualités littéraires d'un grand romancier.
Sans basculer dans un aspect reporter de guerre tête brûlée,
Jon Swain se laisse guider par son instinct, outrepasse les prérogatives de sa mission pour porter secours à une petite fille, et ne craint pas d'être au coeur même du danger. On pense notamment à cet épisode en 1974 d'une remontée du Mékong sur le Bonanza Three, un navire proche de la casse, pour approvisionner Phnom Penh en riz. Il n'hésite pas non plus à prendre des risques par amour, par amitié, et par loyauté mais bientôt la cruelle réalité d'un conflit impitoyable le mènera à faire des choix parfois lourds de conséquences.
Bien qu'il lui arrive de sortir du cadre pour agir non plus en journaliste mais simplement en humain, il n'en oublie pas de raconter avec justesse tout ce qu'il voit et tout ce qu'il vit. Cette mission, être au plus proche de la réalité d'un conflit, il la mène comme un devoir, sans chercher les honneurs ou le titre de reporter de guerre. Il se décrit lui-même volontiers comme « un journaliste qui porte son lecteur sur ses épaules pour qu'il puisse voir» plutôt que comme un reporter de guerre.
Bien au-delà d'une simple aventure humaine, c'est un pan tragique de l'histoire mondiale que
Jon Swain a vécu et qu'il raconte avec brio dans
River of Time. 50 ans après le conflit, il reste marqué à vie et s'il a quitté physiquement le Vietnam, une part de lui est toujours restée là-bas. Ces expériences l'ont hissé au rang de reporter de guerre parmi les plus légendaires d'entre eux.
Et s'il aura marqué l'histoire de la profession, son récit ne manquera pas de vous marquer aussi. Rendant ses lecteurs fascinés par l'horreur des faits et par la qualité de son écriture,
River of Time est de ses livres qui laisse une empreinte en vous, durablement.