AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782897126117
291 pages
Mémoire d'Encrier (28/01/2019)
3/5   4 notes
Résumé :
Il s’en passe des choses au nord de Manhattan, en ces années d’après-guerre. Le blues a envahi les têtes et les corps, les hommes et les femmes ont soif de liberté et de mauvais gin. Raymond Taylor, un écrivain à l’ambition débordante, habite avec ses amis artistes dans un immeuble de Harlem qu’ils ont baptisé le manoir Niggeratti. Mais que faut-il pour écrire un chef-d’œuvre ? Œuvre à la fois puissante et effarouchée, pleine de bruit et de fureur, débordante d’un m... >Voir plus
Que lire après Les enfants du printempsVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Reçu dans le cadre de l'opération masse critique, j'étais curieuse de découvrir l'oeuvre de Wallace Thurman, romancier noir mort prématurément, puis tombé dans l'oubli. La maison d'édition a souhaité que son oeuvre soit de nouveau publiée et Daniel Grenier en assure la traduction.

Journaliste, poète, iconoclaste, Wallace Henry Thurman est une figure mineure du mouvement artistique qui a participé à la renaissance de ce fameux quartier new-yorkais. Mort prématurément à l'âge de 34 ans, deux ans après la parution de ce roman, l'auteur américain a été décrié par les siens qui lui reprochaient son nihilisme, son pessimisme mais aussi son regard très critique envers sa propre communauté.

Un de ses amis lui consacre quelques lignes peu de temps après sa mort. Thurman en 1934, originaire de Californie, avait un don : la lecture. Il lisait très vite et sa culture littéraire lui avait permis, lui, jeune homme noir, de trouver un job dans une maison d'édition new-yorkaise.

(Son) rire était languissant et souvent amer. C'était un drôle de gars, qui aimait le gin, mais n'aimait pas boire de gin ; qui aimait être noir, mais voyait ça comme une infirmité ; qui aimait la vie de bohème mais qui était convaincu que c'était mal de vivre cette vie. (…) Il détestait les foules, mais il ne pouvait endurer d'être seul. (…) Au sujet de l'avenir sur la littérature des Noirs, Thurman était très pessimiste. Il était persuadé que la mode pour les choses africaines nous avait rendus complexés, tout en nous flattante et en nous gâtant, et qu'elle avait offert l'occasion à plus d'un de boire toujours plus de gin, dont l'effet sur lui, croyait-t-il, ne se dissipait jamais.

Le roman met en scène plusieurs personnages, dont Raymond Taylor, écrivain qui avec ses autres amis artistes, ont décidé de vivre ensemble dans le manoir Niggeratti. Euphoria, la propriétaire des lieux, a souhaité que le noyau artistique de Harlem puisse vivre ensemble dans un esprit créatif et participer à la renaissance de ce quartier. Raymond accueille un soir un ami blanc, Samuel qui lui présente un jeune Danois fraichement débarqué de l'aéroport. Ce dernier parle couramment anglais et vient poursuivre ses études à Columbia. Comme Samuel, qui a pris fait et cause pour la défense des Noirs, Steve Jorgensen souhaite s'installer à Harlem. Il est tombé en amour de cette communauté. Lui et Raymond deviennent amis, unis par quelque chose d'indéfinissable, passionnés tous deux par la littérature et la philosophie. Les deux hommes aiment échanger des heures sur leurs auteurs préférés. Peu à peu, ils sont rejoints par d'autres artistes, comme Paul qui dessine merveilleusement bien ou Pelham qui peint.
"— N'importe quoi.
— C'est pas n'importe quoi. Il y a pas déjà assez de monde pour vomir ces petites merdes insignifiantes à ton goût ? Est-ce que tous les chanteurs noirs doivent consacrer leur vie à roucouler des mélodies d'esclave ?
— Mais elles sont magnifiques, ces mélodies, lança Raymond.
— Magnifiques ? la voix d'Eustace était pleine de mépris."

Cette petite communauté artistique émergeante permet à l'auteur de dresser un portrait au vitriol de son pays. le regard de ce jeune Européen sert à la cause de l'auteur. Ainsi, lorsque Steve voit Harlem comme un quartier à part, unique avec des habitants merveilleux, Raymond s'échine à lui rappeler que les Noirs ne sont pas différents des Blancs en ce qu'ils sont tout aussi humains, avec leurs défauts et leurs qualités. Que la pauvreté et la misère existent également. Il refuse d'entendre tout discours sacralisant l'homme noir, comme cette ferveur autour de l'artisanat africain. Il lui répète que les Noirs sont fils et petit-fils d'esclaves et portent en un eux, indéniablement, un sentiment d'infériorité face à l'homme blanc. D'ailleurs Steve, magnifique éphèbe danois, intimide beaucoup les amis Noirs de Raymond. Et ce manoir censé rassembler les esprits créatifs va connaître bientôt des remous… Les hommes ne sont-ils pas tous égoïstes ? Et que faut-il pour être un grand artiste ?

Si le propos est très intéressant, j'ai eu du mal avec la forme romanesque. J'ai trouvé les échanges, surtout le premier entre Steve et Raymond (la peur de l'homme noir présente chez l'homme blanc) – intéressants mais qui sonnent faux pour un premier échange entre deux inconnus. Car les mots employés, le niveau de langage sont tels qu'ils mettent de suite une distance entre le lecteur et le roman – ainsi lorsque Steve raconte ses premières impressions il utilise les termes suivants : “le courant souterrain d'antagonisme racial”. Impossible de s'identifier à ces personnages intellectuels qui peuvent sauter du coq à l'âne en parlant d'Ulysse puis de Proust… Leurs propos sont intéressants mais je suis sentie vraiment étrangère à leur monde. le ton formel – nous sommes en 1932 – a également été un frein à mon plaisir. Je n'ai au final pas ressenti d'émoi particulier à la fin du roman, qui finit sur une note morose. Je ne me suis pas attachée aux personnages. Je sais que le propos de ce livre était ailleurs mais pourquoi choisir la fiction ? On ressent ici la forte désillusion de l'écran suite à l'échec que fut la renaissance de Harlem.

Wallace Thurman était profondément pessimiste sur l'avenir des siens et il ne s'en cache pas. Lorsqu'il juge ses pairs, il est tout aussi direct. Quand Steve s'émerveille du progrès fait par son peuple, Raymond lui rappelle que l'homme noir n'a pas eu d'autre choix que de s'adapter et d'évoluer. Il en tenait de sa survie.

Il (l'homme noir) tente simplement de garder le rythme que lui impose son environnement. Les gens délirent devant les progrès réalisés par l'homme noir.Mais nos progrès sont aucunement comparables, de manière générale, aux progrès réalisés par les immigrants étrangers qui viennent dans ce pays (…).

Wallace Thurman est malheureusement parti trop vite, j'aurais aimé voir son regard évoluer, sur l'Amérique d'après-guerre, sur l'émergence du mouvement des droits civils, etc. Et j'aurais préféré lire des articles, des essais signés de sa plume. Cette lecture participe à mon envie de lire plus d'écrits d'auteur(e)s noirs(e). Cette lecture m'aura permis de voir que je préfère souvent la forme d'un recueil d'essais à la fiction pour évoquer ce thème majeur.
Lien : http://www.lanuitjemens.com/..
Commenter  J’apprécie          00
(...) L'intrigue se déroule pour l'essentiel dans un immeuble de Harlem où vivent des artistes Noirs, au début des années 1930. L'arrivée d'un étudiant suédois dans ce cercle fermé permet au lecteur d'entrer dans cet univers fait de discussions plus ou moins désabusées, de tentatives artistiques avortées pour la plupart et de relations humaines compliquées. On est en pleine « Renaissance de Harlem », mouvement artistique et littéraire dont je n'avais jamais entendu parler et que je suis bien contente d'avoir eu l'occasion de découvrir grâce à cette lecture.

Par certains aspects, ce livre m'a rappelé un peu le Sur la Route de Kerouac (ce qui ne serait pas forcément un compliment, vu que j'ai détesté ce bouquin): les personnages vivent dans une atmosphère bohême et, s'ils ne voyagent pas comme les héros de Kerouac, leurs habitudes autour de l'alcool et des femmes se ressemblent un peu. Ils analysent également beaucoup leurs idées et expriment beaucoup de désaccords quant à leur vision de ce que devrait ou pas être un artiste Noir, du fait qu'il est Noir. J'ai trouvé les réflexions à ce sujet très intéressantes.

Les personnages en eux-mêmes ne sont pas forcément très sympathiques ou attachants, mais ça ne nuit pas au propos. C'est tout une époque et son ambiance qu'on découvre ici, à travers un classique que j'ai trouvé très contemporain dans les sujets qu'il aborde (ce qui n'est pas vraiment rassurant pour nous, en 90 ans, l'évolution de la société n'a pas été vraiment fulgurante sur certains sujets…).

Le roman est suivi d'un dossier sur la Renaissance de Harlem. J'avoue l'avoir simplement survolé, l'ayant trouvé un peu trop didactique après m'être sentie immergée dans le récit original.

Une lecture intéressante et instructive, même si le roman en lui-même ne me semble pas inoubliable. A découvrir par curiosité pour le sujet et l'époque.
Lien : https://bienvenueducotedeche..
Commenter  J’apprécie          90
De cette Renaissance de Harlem qui fut une époque "ratée", ceci est un livre "raté" d'un écrivain "raté". Oui, ces idéaux ont morflé, la réalité les a brisés. Tout ça est "raté" parce que le capital.isme est resté et reste encore triomphant, abuse encore et toujours des personnes les moins privilégiées, anyway. Et il continue d'absorber les légendes noires pour mieux les blanchir. Je suis dégoûté.
Il y a des moments forts dans ce livre, cela dit, il y a une tentative mais on la sent déjà battue d'avance.
Comme son auteur, mort de son alcoolisme à 32 ans.
Commenter  J’apprécie          60
La liste des ouvrages proposés lors d'une masse critique étant tellement riche que je découvre des auteurs me faisant sortir de mes lectures habituelles.

Le roman de Wallace Thurman m'a emmené au coeur de Harlem cherchant son identité après la première guerre mondiale.
Nous vivons au milieu d'une communauté d'artistes noirs essayant de faire émerger leur art. Wallace Thurman nous décrit de manière cynique la vie de bohème de ce groupe essayant d'avoir une vision sur la place de l'artiste noir. Vision d'autant plus difficile à trouver qu'elle est souvent le résultat de soirée de beuverie.
Je ne me suis pas attaché aux personnages du manoir Niggeratti mais j'ai apprécié les réflexions de l'auteur sur la cohabitation des noirs et des blancs dans ce New-York des années 20.
Wallace Thurman est décédé peu de temps après la parution de son roman. Quelle opinion aurait il eu sur le peu d'évolution de la société sur ce sujet ?

J'ai trouvé le roman très instructif pour le sujet traité mais moins apprécié le style.
Commenter  J’apprécie          10

Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Aucune personne intelligente croit vraiment à la doctrine de la supériorité nordique, mais tout le monde sait bien que pour l'instant c'est l'homme blanc qui a l'argent et le pouvoir. Sa bonne étoile est presque à son zénith. On voit ici et là des signes d'une éclipse qui approche, mais en attendant il tient toujours le fouet. Les autres races, elles peuvent juste danser et reproduire les mouvements. Et on sait tous que le fouet, c'est pas la masse des prolétaires blancs qui le tient, même si le monde a fait place à la démocratie. Les masses blanches et les masses noires doivent se plier aux désirs des maîtres qui tiennent les cordons de la bourse. Les pauvres Blancs ont l'air d'avoir plus de chance simplement parce qu'ils sont physiquement plus proches des élites au pouvoir.
Commenter  J’apprécie          00
Harlem c'est New York. Te laisse pas aveugler par le simple fait que c'est la version noire de New York [...] si tu vivais à Harlem depuis aussi longtemps que moi, t'aurais compris que les Noirs sont pas différents des autres êtres humains. Ils ont les mêmes conflits intellectuels, sociaux et physiques. T'es simplement intrigué, comme je le le disais plus tôt, par l'aspect nouveau de tout ça. Faudrait que t'habites ici un peu.
Commenter  J’apprécie          00
... les Noirs les plus talentueux et les plus intelligents de ma génération sont aujourd'hui parmi les gens les plus pitoyables du monde.
Commenter  J’apprécie          10
... il va falloir m'enfermer avant que je m'engage dans une croisade pour sauver la classe ouvrière et les Noirs. Je m'intéresse uniquement aux individus.
Commenter  J’apprécie          00
- C'est ça le problème avec les Noirs. Ils sont trop facilement satisfaits.
Commenter  J’apprécie          10

autres livres classés : harlemVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus

Autres livres de Wallace Thurman (1) Voir plus

Lecteurs (8) Voir plus



Quiz Voir plus

Vingt mille lieues sous les mers

Qui est le narrateur?

Le capitaine Farragut
Ned Land
Le capitaine Nemo
Conseil
Pierre Aronnax

14 questions
646 lecteurs ont répondu
Thème : Vingt mille lieues sous les mers de Jules VerneCréer un quiz sur ce livre

{* *}