Les monstres et les critiques et autres essais

Les enfants sont bien entendu capables de croyance littéraire, lorsque l’art de l’auteur est assez bon pour l'engendrer. Cet état d’esprit a été appelé « suspension volontaire de l’incrédulité ». Mais ce ne me semble pas être une bonne description de ce qui se passe. Ce qui se passe en vérité est que l’auteur du conte s’avère un « sub-créateur » qui parvient à ses fins. Il crée un Monde Secondaire dans lequel votre esprit peut pénétrer. À l’intérieur, ce qu’il raconte est « vrai », c’est-à-dire correspond aux lois de ce monde. Par conséquent, vous y croyez, aussi longtemps que vous vous trouvez à l’intérieur, en quelque sorte. Au moment où surgit l’incrédulité, le charme est rompu ; la magie, ou plutôt l’art, a échoué. Vous êtes alors de nouveau dans le Monde Primaire, à regarder de l'extérieur le petit Monde Secondaire avorté. Si, par bienveillance, ou en raison de la situation, vous êtes contraint de rester, alors l’incrédulité doit être suspendue (ou réprimée), sans quoi ce monde deviendrait insupportable à l’œil ou à l'oreille. Mais cette suspension de l’incrédulité est un substitut de la chose authentique, un subterfuge que nous utilisons lorsque nous condescendons à jouer ou à faire semblant, ou que nous essayons (plus ou moins volontairement) de trouver les qualités que nous pouvons à une œuvre d'art qui, pour nous, a échoué.

La Fantasy est faite à partir du Monde Primaire, mais un bon artisan aime son matériau et il a un sentiment et une connaissance de l’argile, du bois et de la pierre que seul peut conférer l’art de la création. C’est quand Gram fut forgée qu’apparut le métal froid, c’est quand Pégase fut créé que les chevaux devinrent nobles, c’est dans les Arbres du Soleil et de la Lune que racines, tronc, fleur et fruit se manifestent dans toute leur splendeur.

Si le conte de fées en tant que genre vaut jamais d'être lu, il vaut d'être écrit pour les adultes et lu par eux. Bien sûr, ils y mettront davantage et en retireront davantage que ne le peuvent les enfants. Ensuite, les enfants peuvent espérer avoir, en tant que branche d'un art authentique, des contes de fées qui soient lisibles pour eux [...]

Beowulf est un homme, ce qui, pour lui et bien d’autres, est suffisamment tragique.

Mon vrai sujet ce soir est un sujet délicat : rien de moins embarrassant, en effet, que le dévoilement en public d'un vice secret.