Coimbra, 9 juillet 1985
Nous savons peu de nous-mêmes. Nous ne savons rien des autres. Aussi de plus en plus j’évite d’être juge d’une cause, qu’elle soit personnelle ou d’autrui. Je vis et laisse vivre. Je m’indigne encore de certaines actions que je pratique ou vois pratiquer, mais c’est une indignation à la fois lucide et septique. L’expérience finit toujours par nous apprendre que l’être humain est insondable et qu’il n’y a pas d’actes purs, ni de normes morales qui les fondent. Que, par conséquent, il ne nous reste qu’à nous accepter comme nous sommes et à accepter notre semblable comme il s’accepte lui-même. En donnant de bon cœur le meilleur que nous pouvons et recevant sans réserves ce qu’on pourra nous donner. La liberté ne trouve sa véritable expression que dans la réciprocité de l’amour.
Coimbra, 31 décembre 1987
Me voici au coin du feu, vigilant, dans l'attente de la nouvelle année. J'entends déjà les pétards festifs dans la rue, signe que ça ne va pas tarder. Que nous apportera son mystère impénétrable ? Pour certains la vie, pour d'autres la mort. Serai-je des seconds ou des premiers ? Mais je ne veux pas penser à cela. je chasse de mon esprit cette idée triste. Je joins mon espoir à celui de millions de semblables s'obstinant à ne pas désespérer. Au destin, j'ai déjà fait un pied de nez en maintes occasions, à force de volonté. Pourquoi ne renouvellerais-je pas l'exploit ? L'homme est une autonomie contingente. Sans avoir le dernier mot dans les événements, il les infléchit cependant. Mais il perd ce privilège quand il ne croit plus en lui-même. C'est alors que les dieux ont tous les pouvoirs.
Coimbra , 12 octobre 1978
La femme ! Je ne me lasse pas de l'exalter. Que l'homme est peu de chose auprès d'elle ! Un Adam innocent, un Œdipe perplexe, un aveugle Othello. Fleur emblématique de la Création, parfumée de futilité, elle seule sait pécher sans remords, procréer sans vanité, comprendre sans logique. Et souffrir paradigmatiquement, en Antigone héroïque de la tragédie de la vie qu'elle a toujours été. Maîtresse du monde et dépositaire du futur, elle n'a même pas voulu en avoir l'air. Gentiment, elle a laissé cette présomption à son pauvre compagnon qui, après tant de millénaires de convivance, continue à révolutionner les siècles sans comprendre que c'est elle, le cordon ombilical de l'Histoire.
São Martinho de Anta, 15 avril 1979
Être croyant est difficile ! C'est jour de Pâques. Quel plaisir j'aurais à aller, moi aussi, embrasser le Seigneur ressuscité, si j'y croyais ! Mais je regarde la foi des autres en alléluia, et demeure en cette tristesse agnostique qui fait de la vie une aventure angoissée sans espoir de résurrection.
Malaposta, 1er janvier 1988
Je commence bien l’année. Avec la ferme intention de la mériter coûte que coûte.
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Bonne année 2014 à tous mes ami(e)s Babelio :-)
Puisse-t-elle vous garder en bonne santé et vous donner plein de petits bonheurs au quotidien !
Grosses bises,
André
Ana Maria Torres, traductrice de "Folles mélancolies" de Teresa Veiga nous parle de sa région de coeur Trás-os-Montes au PorTugal et de l'auteur qui en parla le mieux dans la littérature : le grand Miguel Torga. Merci à elle et bon visionnage !