Fille des pierres

Depuis que sa mère Giacenta, chassée de tous à cause de sa grande beauté quitte son village natal pour aller là-bas dans le Puzszta (la grande plaine) Jella se retrouve seule, avec ses chèvres et son petit cabri noir. Rejetée à son tour pour avoir hérité de la beauté de sa mère, elle va fuir à son tour ceux qui ont eu raison du départ de sa mère. Épuisée, désorientée par une longue marche à travers bois, elle rencontre un certain Pierre Bolog, un garde-barrière plus âgé qu'elle, qui la recueille et la soigne. C'est par le mariage qu'ils vont sceller leur solitude. Ainsi donc, loin des villageois qui ont eu raison du départ puis du décès de sa pauvre mère, auprès de Pierre, Jella jouit d'un bonheur simple et paisible.

L'arrivée d'André, un autre garde-barrière venu s'installer à quelques mètres de là n'augure rien de bon. Jeune et séduisant, ce dernier n'est pas insensible à la beauté solaire de Jella qui lui porte des sentiments bien différents de ceux qu'elle éprouve pour Pierre. Aussi chaque jour, à l'abri des regards, ils se retrouvent dans le petit bois pour vivre leur passion. Les prémisses d'un drame se font sentir le jour où André, lassé de l'amour harcelant de Jella qu'il n'aime plus, lui apprend son départ imminent dans ses montagnes dont il lui a tant de fois vanté la beauté et dont le souvenir d'un amour de jeunesse ressurgit. Totalement anéantie depuis son départ précipité, chaque jour Jella guette une lettre de celui qui lui a fait la promesse de lui écrire pour lui signifier son retour. Après une longue absence, cette lettre tant attendue lui parvient enfin. Jella ne sachant ni lire ni écrire, n'en connaitra jamais le contenu, ne pouvant compter sur Pierre découvrant alors l'infidélité de Jella. Pleine d'espoir malgré tout, avec une certaine euphorie, c'est pourtant Pierre qui lui qui annonce son retour avec la femme qu'il a épousé durant son absence, celle qui occupait son esprit tandis qu'il se perdait dans les bras de Jella; Folle de douleur par la trahison d'André, Jella à demi folle, le coeur brisé, s'enfuit comme un animal blessé dans la forêt qui abritait leur amour passionné. Tandis que Pierre tente de ramener Jella à la raison en la voyant sauter d'un rail à l'autre, le bruit infernal d'une locomotive se rapprochant de plus en plus se fait entendre tandis que cette énorme masse noire se rapproche dangereusement.

D'origine Hongroise Cécile de Tormay signe là une intrigue romanesque des plus remarquables dans un décor de toute beauté entre l'ombre et la lumière. Fille Des Pierres est une tragédie amoureuse qui prend aux tripes dès les premières pages. Tout y est décrit avec finesse, la beauté des lieux, la nature, les pierres, jusqu'aux rivières que l'on entend parfois pleurer certaines nuits pour qui prête bien l'oreille, l'absence de la belle Jella.
Une pépite, un énorme coup de coeur d'où mes cinq étoiles.

Jella parait une sauvageonne qui passe son temps à courir pieds-nus dans sa chère montagne, accompagnée des chèvres qu'elle garde. Elle vit dans le Karst, cette montagne d'herbes et de pierres de la Grande Hongrie.
Sa mère est tellement belle que les femmes du village la détestent ; alors Giacinta, chassée par leur haine préfère fuir. Jella reste seule dans leur pauvre chaumière. La montagne est son territoire où elle survit.
Jella devient aussi belle que sa mère; alors, les hommes du village pourraient se transformer en prédateurs qui la poursuivent. Elle se réfugie dans la maison de Pierre, le garde-barrière qui va la protéger. Chez lui, elle demeure en sécurité, et n'a plus faim.
Mais un jour arrive leur voisin André. Un taiseux qui vient de la plaine hongroise.
Jella décide de le séduire et il ne peut résister à la jeune femme flamboyante qui va l'aimer avec passion.
Hélas, le Karst où les pierres roulent sous les pas de Jella et la paisible Puszta dont André garde la nostalgie sont inconciliables et leur amour ne peut survivre .
Les descriptions sont superbes, les comparaisons souvent étonnantes m'ont emporté dans cette montagne de pierres, de forêts, de torrents, de pluie, de pauvres maisons. La traduction est remarquable, sans fausse note. Cécile de Tormay (1876-1937) est une écrivaine hongroise (peu sympathique par ailleurs) qui écrit magnifiquement. Son style virtuose rend ce roman captivant.