C'est un livre qui m'a marquée au fer rouge.
Et qui a suscité en moi cette interrogation : comment un homme, né en 1965, peut-il retranscrire avec un tel réalisme la douleur insoutenable du traumatisé qui a vécu la guerre 14/18 dans sa chair et son âme ?
Le talent, peut-être, et
même sûrement.
Car
Philippe Torreton, que j'ai déjà rencontré avec "mémé", a une écriture ébouriffante et, parfois, effrayante.
Son texte est parsemé d'expressions inattendues qui interpellent comme « tousser une cigarette » ou « laisser le cours d'eau de sa mémoire reprendre son lit ».
Quant à son non héros, Jean...
Revenu sain et sauf de cette guerre affreuse alors que tant d'autres sont soit morts soit atrocement mutilés, quelle chance !
Et bien non, car dans sa tête, la guerre continue, nuit et jour, elle ne lui laisse aucun répit. Il n'a jamais quitté cette guerre, cette guerre ne l'a jamais quitté. Elles est là, toujours présente, oppressante, brutale, atroce, inhumaine, avec ses odeurs pestilentielles, ses corps déchiquetés, ses hurlements d'agonie.
Son seul répit, c'est lorsqu'il fait l'amour avec Alice. Un bref instant, un court instant, il échappe à l'horreur, l'étau se desserre. Ils s'aiment éperdument mais la guerre se dresse entre eux dans toute sa noirceur. Et Alice, malgré tout son amour, sa joie de vivre, ne peut rien faire pour le soulager, sauf se donner à lui.
Il s'apaise aussi lorsqu'il part rejoindre, dans les montagnes, le berger qui plante des arbres et qu'il a rencontré avant guerre.
Un sacré réquisitoire contre la guerre écrit avec brio, une balade un peu décousue, mais non dépourvue de charme, au travers des années 1920 à 1947.
Une postface ainsi que les remerciements explicitent la genèse du livre.
A découvrir absolument.