Lorsque les nazis mirent au pas la société allemande dans les trois mois seulement qui suivirent la nomination de Hitler au poste de chancelier (30 janvier 1933), l'attitude des musiciens allemands, qu'ils fussent compositeurs, chefs ou interprètes, se rangea grossièrement en trois catégories. On peut mettre à part les musiciens juifs qui n'eurent d'autre choix que de quitter l'Allemagne, comme par exemple Otto
Klemperer et Bruno Walter.
Certains musiciens s'accommodèrent parfaitement de l'aryanisation de la société (Richard Strauss) et durent même le début de leur carrière aux nazis (Karajan). D'autres firent le choix de rester en Allemagne, essayant tant bien que vaille de conserver des musiciens juifs, mais obligés d'accepter que des compositeurs comme Mendelssohn soient bannis de leur répertoire : tel fut le cas de Furtwängler. Quelques autres, non les plus nombreux évidemment, firent le choix radical et courageux de s'exiler pour éviter à tout prix de servir la propagande du Reich. C'est à cette dernière catégorie qu'appartient Adolf Busch, l'un des grands violonistes allemands de l'entre-deux-guerres.
La biographie de
André Tubeuf ne s'attarde guère sur cet aspect de la carrière du musicien mais s'attache à en décrire le parcours exemplaire et empreint d'humilité. Ce livre n'échappe pas aux écueils de l'hagiographie, dans un style trop maniéré à mon goût, à la limite du supportable. Il a le mérite toutefois de raconter ce que pouvait être la vie d'un grand musicien de son temps, qui fut plus soucieux de transmettre que de laisser une trace à travers une carrière de soliste qu'il délaissa largement pour la musique de chambre, plus conforme à son idéal de partage et de camaraderie. Chez les Busch, comme chez les Bach, la musique se joue en famille et l'association entre Adolf Busch et son beau-fils Rudolf Serkin compte sans doute parmi les plus belles que la musique aient produites.