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Gabrielle Danoux (Traducteur)
EAN : 9781546714583
208 pages
CreateSpace Independent Publishing Platform (07/06/2017)
4.07/5   14 notes
Résumé :
Ce livre est la version enrichie des ajouts ultérieurs, traduits, de « Dans les Carpathes roumaines », roman publié en français par Nestor Urechia en 1906, qui connut quatre éditions. Il célèbre en particulier les Bucegi, magnifiques montagnes roumaines, et, de manière générale, son pays natal encore naissant. Un hommage vibrant est également rendu à la France, en particulier aux Vosges, comme à des cousines lointaines des Carpates.
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Les Bucegi, prairies verdoyantes entourées d'une «muraille presque verticale» de montagnes calcaires, ont trouvé leur conteur en la personne de Nestor Urechia. Avec une écriture éclatante de lyrisme, l'auteur évoque cette vallée des Carpates roumaines comme un monde d'enchantement non par la création d'un monde fantastique, mais par l'observation minutieuse et la célébration de la beauté de cette vallée malgré la succession des guerres et des occupations.

Pas de déflagration dans le récit, l'histoire est avant tout un prétexte pour l'auteur à interpréter avec des mots enthousiastes un hymne permanent à la nature sauvage et à la paysannerie roumaine qu'il affectionne. Il y a parfois la tentation de rapprocher ce roman à Walden ou La vie dans les bois de Henry David Thoreau, mais là où l'auteur américain revendique une éthique environnementale, Nestor Urechia adopte une approche purement émotionnelle. Il porte l'attention du lecteur sur le bonheur suscité par la contemplation de la nature et avec notre regard actuel on est séduit par le mode de vie harmonieux décrit que l'on qualifierait de nos jours de sobriété heureuse.
J'ai toutefois été surprise de découvrir cette philosophie à travers la voix d'un ermite vivant à flanc de montagne ; au XIXe siècle, la randonnée et la valorisation de la nature telles qu'envisagées par l'auteur étaient des activités bourgeoises. Loin des gens austères pénétrés par le froid des montagnes, notre guide est un paysan bienveillant doté des aspirations les plus nobles et qui agit consciencieusement selon les principes de son défunt père d'ascendance française.

Ce roman est a priori de l'ordre de l'insignifiance, l'exaltation de ce territoire enclavé relève parfois du panégyrique et l'auteur ne donne guère de relief à ses mots bien que le roman se déroule en montagne. Et pourtant cette lecture a quelque chose d'apaisant en ces temps troublés. le dépaysement est assuré : le texte charrie une profusion de descriptions, et tellement de noms de fleurs et d'herbacés que l'on a la sensation de lire tout ça sur papier millimétré.
Cette lecture a été une invitation à l'évasion salutaire.

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Dans les Bucegi est un court roman écrit par Nestor Urechia, auteur roumain qui vécut quelques temps en France. Il publia une première version de ce récit en français en 1906. Ici c'est une version enrichie d'ajouts ultérieurs, publiée en 1928 dans la langue maternelle de l'auteur, traduite du roumain par Gabrielle Danoux, dont j'ai eu le plaisir de faire la connaissance grâce à Babelio. C'est à la faveur de cette rencontre qu'il me fut donné de découvrir ce très beau texte et je la remercie pour ce partage.
Les amateurs de montagne se réjouiront de ce récit. Il en est avant tout une célébration. Il célèbre en particulier la chaîne des Bucegi, magnifiques montagnes roumaines situées dans la région des Carpathes.
De manière générale, il célèbre aussi le pays natal de l'auteur, encore naissant, puisque l'histoire se situe au dix-neuvième siècle, mais aussi la France qui fut pour lui une merveilleuse terre d'accueil, puisant même quelques souvenirs lointains dans les épisodes sanglants de la révolution française.
Ces deux places égales dans le coeur de l'auteur pour ses deux patries, la France et la Roumanie, se traduisent par une amitié sans faille qui va se sceller sur les contreforts des Carpathes roumaines, celle entre deux jeunes hommes, Andrei Jnepeanu et Mircea Trestianu à compter de 1872. Le récit embrasse ainsi une période de quatre-vingts ans, précisément de 1795 à 1875, puisque ce sont trois générations qui vont être conviées dans les pages de ce roman...
J'ai eu l'occasion de découvrir les Carpathes il y a cinq ans, mais de l'autre côté, sur les contreforts ukrainiens, des pentes peut-être plus douces. Ma future épouse, ukrainienne, tenait en effet à me faire connaître une des plus belles régions de son pays. Je me souviens de ce train poussif aux wagons énormes et lourds, héritage de l'ère soviétique, qui nous amena à destination en pleine nuit avec près de trois heures de retard... Au matin, nous découvrions l'âme d'un paysage à la pureté absolue...
L'enchantement des saisons égrène ce récit, parfois l'éloignement de Mircea, partageant son coeur entre Paris et la Transylvanie, se comble par des échanges épistolaires très touchants.
Nous empruntons alors ce chemin qui serpente parmi les ruisseaux et les torrents. Cette chaîne des Bucegi se devine, se mérite... C'est au prix d'une ascension éprouvante mais jubilatoire, au détour d'un col qu'elle se révèle, se découvre, comme un coup de théâtre dans le paysage, forgeant dans le même temps l'amitié des deux jeunes hommes... Qu'il est beau de découvrir leur candeur admirative, leur étonnement, devant la beauté qui s'offre à leurs yeux...! Comme nous sommes à leur côté, nous partageons leur émotion...
Ici la nature grandiose est célébrée, magistrale, vertigineuse, plus grande que le reste, plus grande que nous. Ces immenses pics acérés ressemblent à des titans convoqués depuis les récits les plus antiques, tels des personnages cyclopéens prêts à en découdre avec ce chaos de pierres. Ici ces personnages géants semblent se hisser hors du paysage, viennent de la nuit des temps et se fondent déjà jusqu'à la fin des âges...
L'enchantement de la nature est aussi à son comble dans la douceur et la paix qui s'exhalent sur les plateaux et les vallées, l'odeur de la gentiane printanière, l'élégance des villages, la quiétude des paysans... Comment imaginer qu'une telle sérénité fut tâchée de sang par les invasions cosaques ? Car l'auteur nous rappelle aussi que la nation roumaine s'est forgée dans un destin commun parfois douloureux...
Parfois il est relaté des moments très cocasses comme cette vieille paysanne que connut le grand-père de Mircea, qui s'allongea face contre terre et simula la mort, lui sauvant ainsi la vie lors de la rencontre impromptue avec un ours...
Dans ce contraste saisissant qu'offre la nature au plus profond de ses chemins escarpés, peut-être nous arrive-t-il, comme aux deux héros de ce livre, d'entendre la voix des fées de la montagne, d'entrevoir leurs ombres qui dansent au clair de la lune, lorsque nous nous approchons de l'ivresse des cimes ?
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Ce week-end, j'ai fait escale dans les montagnes roumaines avec Mircea, qui nous conte cette histoire. Il est un étudiant parisien qui rend visite à Andrei : un vieil ami d'enfance de son père, qu'il n'a jamais rencontré et qui vit dans les montagnes roumaines. Ce dernier lui faire découvrir le lieu où les deux hommes ont grandi. Il accueille Mircea chez lui, au cœur de la nature féérique roumaine ; et dans l'élan de cette visite impromptue, il ouvre un vieux coffre dans lequel son père lui a légué sa terrible histoire qui est à la fois celle de la France, sa patrie d'origine, et celle tout aussi mouvementée des Bucegi, ces montagnes protectrices qui l'ont recueilli lorsque la Révolution française l'en a chassé.


En peu de pages, c'est alors toute l'histoire de ces errances et de ces ancrages qui nous est contée. Dans cette ode à la nature autant qu'à l'humanité, où les symboles scellent les destins, l'amour et la renaissance règnent sur tous les autres. L'amour entre un noble émigré français en fuite (le père d'Andrei) et une paysanne roumaine dont la famille l'accueille ; sa renaissance, après d'atroces épreuves, dans ces montagnes roumaines, dont il tombe également amoureux. Car elles montrent l'exemple : sont mises à rude épreuve, résistent, s'adaptent, accueillent, revivent. La nature est ici un modèle et la source inépuisable de force et de bienveillance, génératrice d'émerveillement autant que de réflexions sur nous mêmes, nos propres forces et ressources. Elle est personnalisée par l'auteur, qui place ses personnages, leurs nations et la nature en miroir, jusqu'à ce que ce leurs reflets s'éclairent les uns les autres sans jamais s'éblouir, en parfaite symbiose.


*****

C'est plus largement et symboliquement l'histoire d'amour entre deux nations, duquel amour naît les enfants et petit-enfants que nous écoutons à leur tour propager ces liens indéfectibles. Cette lecture, douce comme une collerette d'Edelweiss, est un conte aussi moderne que suranné, enveloppé par les alpages dont les reliefs et la végétation luxuriante amortissent la rudesse de la Grande Histoire qui passait par là… Révolution française, épidémies de peste et de choléras, invasions russe, hongroises, etc… mais aussi parties de chasse, d'escalade et grand partage d'amitiés. Tout cela se déroule et se raconte sur un tapis de mousse et d'herbe fraîche, à l'ombre des grands pins, illuminé de fleurs des champs et de plantes magiques, qui guérissent une nation exsangue mais résiliente et des personnages nimbés d'amour qui prennent exemple sur elle et puisent leur force en elle.


Ce récit rappelle que la vie toute entière est comme ces montages des Bucegi : elle se mérite. On peut la prendre pour une vie facile lorsqu'elle nous accueille de ses merveilles à découvrir, puis en la pratiquant on se frotte parfois à des dépressions, des caprices de la nature, on y gagne des égratignures ; nous devons alors gravir des chemins escarpés voire des montagnes pour cueillir à nouveau un brin de soleil, la lune ou des étoiles. Heureusement, quelques pins rustiques aux branches desquelles nous rattraper, solidement ancrés, nous aident dans cette ascension ; et les clairières magiques qui se découvrent alors nous récompensent de nos efforts, de leur beauté enchanteresse. Dans ce court roman, les chardons sont ardents, la traduction ensorcèle ; On tombe sous le charme (avec ou sans jeu de mots). Merci Gabrielle, pour cette douce découverte et cette jolie traduction, un travail d'orfèvre !


« - Voici un beau pied de plante grimpante, ajouta-t-il, en indiquant à son ami une plante aux fleurs grandes, solitaires, d'un bleu violacé qui, faute de tuteur, s'était accroché au fût d'un sorbier.
- On dirait de la clématite !
- De la Clématite, mais alpine ; c'est l'atragène. Ne trouvez-vous pas là le symbole de notre amitié ? »
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Pour découvrir les Bucegi on peut consulter utilement le Michelin-Guide-Vert-Roumanie qui en contient plusieurs occurrences dont celle de la page 136 (édition 2015) : "Séparées des précédentes [les Carpates orientales] par la vallée de la Prahova (au sud de Brașov), les Alpes de Transylvanie ou Carpates méridionales, à l'allure beaucoup plus alpine, culminent à 2544 m au pic Moldoveanu des monts Făgăraș. D'est en ouest s'allongent les monts Bucegi, Făgăraș, Parâng, Ciudrel et Retezat, regroupant des massifs en granit, gneiss ou calcaire, séparés par des vallées." Voilà pour la situation géographique.
Pour une visite virtuelle, et résolument littéraire, c'est Nestor Urechia qui peut vous y conduire, en toute sécurité. Je fais remarquer ici le caractère très romanesque de ce livre qui propose des pages d'histoire également vue par un étranger (l'épouse de l'auteur était Française) en Roumanie. Sachez encore qu'à la différence du titre (introuvable d'ailleurs) Dans-les-Carpathes-roumaines-les-Bucegi, paru en France, Dans les Bucegi réunit cette version française ainsi que celle destinée au public roumain. De nombreux passages d'ajout donc, dont certains vont probablement faire sourire par leur caractère "politiquement incorrect". Une belle flânerie ensoleillée qui sort, pour beaucoup, des sentiers battus.
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Ce roman nous donne un bel aperçu de ce qu'était la campagne roumaine au XIXième siècle, tout en présentant la situation politique en France pendant et après la Révolution, vue par les yeux de cet auteur roumain.
Tout à tour récit d'une nouvelles amitié et récit épistolaire, cette histoire qui se déroule sur plusieurs générations m'a surtout plu pour ses magnifiques descriptions de la nature dans les Bucegi, qui sont des montagnes roumaines (on découvre des choses tous les jours grâce à ce site): la flore sauvage, la faune dont ses ours venus baver au-dessus d'une vieille femme évanouie qu'il ne croquera heureusement pas, les maisons toutes simples, les coutumes et les traditions… on se croit sans peine sur les lieux et on y respire le grand air encore pur de cette époque.
Le récit épistolaire m'a un peu moins captivée, peut-être à cause de cette langue un peu désuète et (à peine) un peu précieuse.
Je remercie Tandarica, qui a traduit ce récit, pour ce partage et ce grand bol d'air frais.
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Citations et extraits (98) Voir plus Ajouter une citation
– Malheureux ! cria Andrei avec une extrême vivacité, mais c’est inconsidéré ! mais c’est fou, ce que vous dites là ! Pour l’amour du ciel, par charité pour votre ami, par respect pour ces montagnes, ne répétez pas ces paroles ! Comment ? Les Bucegi en représentation devant la horde des touristes ? Les pitons numérotés, les cascades canalisées, les rocs inventoriés, les forêts soigneusement nettoyées, les chamois parqués ?
– Calmez-vous, Andrei !
– Que je me calme ! C’est effroyable ! Des placards portant défense de ceci, défense de cela, et des clôtures que l’on ne pourrait franchir, et des individus assermentés tapis dans tous les fourrés pour épier vos mouvements et vous interdire les plus inoffensifs gestes ? Et l’espace mesuré, l’air dosé…
– C’est la civilisation !
– Mais je n’en veux absolument pas, de votre abominable civilisation ; qu’est-ce qui fait le charme de ces montagnes ? C’est leur sauvagerie non encore violée par la multitude, non étranglée par les règlements, non salie par le mercantilisme. Ces Bucegi, qui n’accueillent aujourd’hui que les initiés, devraient alors subir l’affreuse banalité des conversations, et les cancans de l’immonde politique s’installeraient sur ces fiers pics et dans ses vallonnements enchantés ?
– Avec les boîtes de sardines et les papiers gras, oui, mon ami, s’écria Mircea, en éclatant de rire. Vous n’avez donc pas deviné que je plaisantais ?
– C’est une mauvaise plaisanterie, répondit Andrei en hochant la tête. Mais laissons cela, nous voici au pied du Vârful-cu-dor. Nous avons parcouru à peu près le chemin suivi par mon père et Vaillant en 1839, il y a trente-six ans. La croix du berger est toujours là, un peu plus enfoncée dans la terre et penchée ; voyez-vous, en face, cet amas de rocs bizarres, avec, au milieu, ce champignon ?
(p. 194-195)
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- Le tableau n’est pas beau, mais il est intéressant, n’est-ce pas ?
- Il est plus qu’intéressant, il est symbolique. Sont-elles assez désolées, ces côtes, dans leur nudités ! Voyez ces ravins innombrables que les torrents ont creusés, zébrant les flancs de ces versants d’autant de rides sinueuses, de crevasses traîtresses ; toute végétation a été enlevée, par la force des eaux ; à peine s’il pousse de-ci, de-là, quelques maigres ronces.
— Ces pentes exhalent la tristesse…
- Oui, c’est la nudité affreuse de la nature malade, là est le symbole. Ces côtes misérables figurent la terre roumaine ravagée par les barbares russes, turcs, tartare, hongrois, polonais qui, à tour de rôle,l’on mise à feu et à sang.
(…)
Mais sachez, mon ami, que le livre du Destin porte gravé, pour ce pays et ce peuple, des jours meilleurs, de beau jours. Voyez-vous, dans les voisinages de ces coteaux nus, les prés fleuris du Florin, le mont bien nommé, qui évoque l’abondance et, plus haut, ces impénétrables forêts de hêtres et de sapins qui représentent la richesse ? C’est une terre bénie de Dieu que la terre roumaine ! Sur la lisière, apercevez-vous ces jeunes arbres frêles, mais pleins de sève, et qui semblent avancer en troupe hardie, pour prendre possession de ces pentes arides, afin de les recouvrir de végétation, les fixer et endiguer les torrents dévastateurs ? Oui, il y a une génération nouvelle qui s’élève dans ce pays, à qui il sera donné d’accomplir la plus belle des tâches : le réveil d’une nation ! Et d’ici moins d’un demi-siècle, ce pays sera libre de conduire ses destinées et il se fera respecter des barbares de Moscou, de Bude et de Constantinople. 
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- Et comment l’appelles-tu, cette belle fleur ?
- C’est le « tamis des fées ».
- Joli nom… D’où lui vient-il ?
- (…) Les fées de notre pays se réunissaient autrefois, tous les automnes (…). Là, sous la garde de la reine des fées, elle tamisaient à travers ce chardon les pensées des hommes. Il y en avait de bonnes et de mauvaises ; les bonnes seules passaient.
- Et qu’arriva-t-il ?
- Il arrivait que les bonnes pensées formaient des tas bien petits, bien petits, tandis que les mauvaises s’amassaient en monceaux, et les monceaux devenaient meules, et les meules grossissaient et prenaient des airs de petites montagnes, puis les petites montagnes finissaient par faire de grandes montagnes. Vois-tu ces pics de nos Bucegi, qui trouent le ciel ? Ils sont faits uniquement des méchantes pensées des hommes.
- Et les bonnes pensées, que sont-elles devenues ?
- Les bonnes elles ont fait la guerre aux mauvaises, et malgré leur petit nombre, elles ont vaincu, puisque la bonté est toujours plus forte que la méchanceté. Et elles ont recouvert leurs ennemies !
- De quelle façon ?
- Tu ne les vois donc pas, partout, tout autour de nous : les arbres, les fleurs et tout là-haut, l’herbe des Hautes Chaumes.
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Douces, saintes, admirables montagnes, ô Carpates ! De vos pics acérés, de vos crêtes dentelées, de vos insondables gouffres, de vos défilés ténébreux, de vos clairières mystérieuses, de tous vos plis et replis, de vos entrailles et de vos sommets se dégage une idée claire et harmonieuse : le roumanisme! Vous êtes roumaines, ô Carpates, et au nord et au sud, à l’est comme à l’ouest. Sur vos hauts plateaux, dans vos profondes vallées, vous accueillez les bergers roumains, ces êtres errants qui, depuis dix-huit cents ans, de la Theiss au Pinde, ont transporté la lampe du Roumanisme, dont la flamme vacilla souvent sans jamais s’éteindre ; dans vos immenses forêts, vous offrîtes un clément refuge aux malheureux descendants des légionnaires romains qui fuyaient les atrocités russes, les ravages turcs, les exactions des princes et des boyards. Bienfaisantes Carpates, votre nom est symbole de charité, de douceur, de tendresse pour le peuple au sang noble que vous élûtes.
Vos dernières pentes, vos cols ont été, dans les siècles, profanés par les hordes barbares accourues des extrêmes limites de l’Orient, avides de carnage et d’horreur. Vous entendîtes les rugissements des bachi-bouzouks, les sifflements des nagaïkas cosaques et les martèlements des bottes du Mongol sauvage, cruel et suffisant !
Vous êtes cependant restées pures et sereines, ô Carpates ! et vous êtes majestueuses et fortes, à l’image du roumanisme qui se dégage de votre corps, franchit vos précipices, parcourt vos derniers contreforts et s’épand, en ondes lumineuses, dans la plaine jusqu’à la Theiss, au Danube et au Dniestr.
L’aigle royal qui plane dans les airs, au-dessus de vos hautes chaumes, peut distinguer, de ses yeux perçants, le mouvement rythmique du faucheur infatigable qui recueille l’herbe savoureuse des collines et des plateaux, et dans la plaine transylvaine et danubienne et sur les coteaux moldaves, il aperçoit le pas cadencé du moissonneur laborieux.
Ce faucheur, ce moissonneur sont vos fils, nobles Carpates !
C’est le roumanisme qui a pris pied en Dacie, qui y persévère et n’en sera jamais délogé.
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- Oh, regardez, là-bas, fit Mircea, ces flammes violettes qui surgissent de l'herbe...
- Encore un avertissement que la mauvaise saison approche à grands pas : ce sont des colchiques, que l'on appelle veilleuses à la campagne en France, tandis que les paysans roumains les nomment "ghicitori", devineuses, leur attribuant le pouvoir de deviner la venue de l'hiver. On dirait, n'est-ce pas, les premières lampes que l'automne allume dans les prés, avant courrières de celles qui, par les nuits d'hiver, éclairent la table familiale... Bientôt, les bûches de hêtre pétilleront dans l'âtre et les Bucegi s'habilleront de blanc virginal...
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