Les anciens de Saint-Loup

Avec « Les Anciens de Saint-Loup », Pierre Very revenait encore une fois et près de vingt après les célèbres « Disparus de Saint-Agil » vers le pensionnat de son enfance.
Mais cette fois tout a bien changé et le ton n'est plus à l'onirisme nostalgique, au policier fantastique des serials en noir et blanc qu'il affectionnait tant. le pensionnat de Saint-Agil est mort sous celui de Saint-Loup et Saint-Loup à son tour se meurt.
Les adultes qui reviennent à Saint Loup ont eux-aussi depuis longtemps enterré les enfants qu'ils étaient et c'est en toute logique à la mort qu'ils vont être confrontés. Cependant et Pierre Very l'affirmait, le roman n'est pas un roman policier ou si peu.
L'intrigue pourtant bien menée s'efface derrière l'étude psychologique.
« il arrive que des fantômes d'enfants laissent avec confiance leur main dans la main de l'homme qu'ils sont devenus. On appelle cela une grâce. » écrit-il et en le lisant, je me suis souvent demandé si je ne sentais pas encore quelques fois le frôlement de cette petite main.

Bien que l'on puisse le classer comme roman policier, ce livre va bien au-delà. Véry nous entraine dans une histoire qui est une sorte de suite des "Disparus de Saint-Agil"à la fois poignante et nostalgique.
Vingt ans ont passé. le vieux directeur de la pension voit son univers partir en décrépitude, les bâtiments tombent en ruine, le mobilier est vétuste , l'argent manque cruellement et personne ne veut prêter un sou pour relancer l'affaire. Alors, il lui vient l'idée d'inviter toute une classe d'anciens choisis pour leur réussite sociale, se disant que ceux-là, attachés sentimentalement à leur internat seraient peut-être plus généreux.
On assiste alors à une sorte de jeu de la vérité ou de jeu de massacre . Bien sûr, tous les Anciens ont gardé la nostalgie de Saint-Loup et de leur enfance, mais elle est bien loin maintenant. Ils sont devenus des adultes cyniques, réalistes, efficaces à l'exception de Merlin, le poëte, l'écrivain vagabond, sorte de décalque de l'auteur. Il est l'un des seuls à avoir gardé son âme d'enfant, avec un aveugle touchant qui retrouve son livre fétiche, "L'île mystérieuse" . Ces deux exceptions vivent encore dans leurs rêves et n'ont que faire de la course à l'argent.
Et bien entendu, on découvre un crime, ce qui exacerbe encore les passions...
Ce livre est attrayant , bien ficelé, très achevé, beaucoup plus ironique que Saint-Agil où l'on sentait un certain attendrissement envers le monde de l'enfance. Maintenant, ça ne rigole plus et le lecteur se régale. Peut-être le meilleur roman de Véry...