La chose que l'on ne saura jamais est pourquoi une jeune
femme, se présentant comme une jeune fille de dix-sept
ans, fit autant d'efforts pour s'enrôler dans l'armée en tant
qu'un homme. Cette dernière la refusa plusieurs fois, du fait
de sa taille non réglementaire ; il lui manquait en effet trois
centimètres pour obtenir les 1m64 réglementaires. Pour
obtenir son recrutement, elle prit prétexte d'une possibilité
de gagner ultérieurement les quelques centimètres
nécessaires, du fait qu'elle avoisinerait seulement les dix-
sept ans.
Elle rentra pour le service du roi Charles III d'Espagne, petit-
fils de Philippe V le premier roi de ce pays à appartenir à la
famille des Bourbons. Cet engagement dura du 26 décembre
1780 au 27 décembre 1781. C'est pour valoriser la reprise de
l'île de Minorque par les Hispaniques (avec l'aide des
Français) que l'on doit de connaître le soldat Carlos
(traduction de Charles) Garain. En effet ce territoire fut
britannique depuis la Guerre de Succession d'Espagne qui vit
également tombé Gibraltar dans l'escarcelle anglaise. La
révolte des colons américains amena France, Espagne et
Pays-Bas à déclarer la guerre à l'Angleterre.
Ce militaire était en fait une jeune femme vierge qui avait
également triché sur son âge comme on l'a vu. Se disant
native du village de Saint-Gingolph, partagé en deux
domaines territoriaux différents depuis 1569. À cette
époque la partie occidentale, par le traité de Thonon, resta
aux mains du duc de Savoie alors que la partie orientale
revenait aux autorités du Valais.
Vu la réputation de combattant exceptionnel des Suisses, la
prime d'engagement versée à ceux-ci était bien plus élevée
que pour ceux qui se déclaraient sujets du roi de France.
Ainsi cette jeune personne, née pourtant dans les terres du
duché de Savoie autour de Thonon-les-Bains, en s'engageant
à Monthey en Bas-Valais se dit ressortissante valaisienne.
Laurence Voïta reconstitue la vie possible de cette personne,
à partir d'un court texte publié en décembre 1781 à
Barcelone, afin de rapporter la mort héroïque du soldat
Carlos Garain qui avait dissimulé son identité de femme. On
nous propose une reconstitution nécessairement romancée
de l'enfance et des aventures, sous le drapeau d'un
régiment helvétique. L'essentiel du temps militaire de Carlos
Garain décrit ici, se passe dans le voyage qui l'emmène de
Suisse aux îles Baléares.
C'est la dure vie en temps de campagne pour arriver sur les
lieux des combats qui est bien approchée. Voilà un thème
qui n'a jamais été traité que fort parcimonieusement et cela
permet de découvrir les affreuses conditions sanitaires dans
lesquels vivait alors la troupe.