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EAN : 9782864242123
271 pages
Editions Métailié (31/01/1996)
2.5/5   1 notes
Résumé :
Comment les critiques sociaux s'y prennent-ils pour travailler ? Où trouvent-ils les principes qui fondent leur critique ? Et où se situent-ils pour critiquer la société ?
Pour répondre à ces questions, Michael Walzer retrace le parcours de onze écrivains ou philosophes dont l'oeuvre a marqué la critique sociale au XXe siècle : Julien Benda, Randolph Bourne, Martin Buber, Antonio Gramsci, Ignazio Silone, George Orwell, Albert Camus, Simone de Beauvoir, Herber... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
[Titre de mon volume : La Critique sociale au XXe siècle – Solitude et solidarité. Titre d'origine : The Company of Critics, Social Criticism and Political Commitment in the Twentieth Century]

Julien Benda – le fustigeur des clercs qui s'immiscent au pouvoir –, Randolph Bourne – l'opposant à l'intervention des États-Unis dans la Première Guerre mondiale –, Martin Buber – le sioniste partisan d'un Israël bi-national –, Antonio Gramsci – le dirigent communiste qui réfléchit à l'hégémonie culturelle depuis un confinement qui l'isole entièrement du peuple italien, Ignazio Silone – l'écrivain qui abandonne un certain christianisme hérétique pour le communisme, puis le Parti communiste pour un certain socialisme humaniste, George Orwell – qui s'oppose au communisme internationaliste et prône une gauche spécifiquement anglaise respectueuse de la propriété privée (...) –, Albert Camus – qui, dans le contexte de la guerre d'Algérie, se défend de renier ses solidarités familiales pied-noir –, Simone de Beauvoir – qui ne parvient pas à se libérer de la contradiction entre l'existentialisme et la position de la femme qu'elle développe dans le Deuxième Sexe –, Herbert Marcuse – qui, dans L'Homme unidimensionnel, s'en prend à un Américain moyen, antihéros repu et satisfait qu'il n'a peut-être pas vraiment compris –, Michel Foucault – qui se veut « politique solitaire » car « antidisciplinaire » –, et enfin Breyten Breytenbach – le critique d'Afrique du Sud exilé en France : tels sont, dans l'ordre les « compagnons » critiques que l'auteur choisit comme amis ou plus souvent comme antagonistes pour illustrer la critique dans ce XXe siècle caractérisé par deux spécificités : un relativisme éthique tel que lui, Walzer « s'oppose […] à l'affirmation selon laquelle les principes moraux seraient extérieurs à l'expérience quotidienne » (p. 11) ; et une synchronicité entre ladite critique et la révolte populaire.
Dans cette démarche de présentation de penseurs – dont l'ordre chronologique n'est qu'une apparence superficielle voire un leurre – il existe toujours un sous-entendu de conformité croissante ou décroissante avec un type idéal de méthode ou de théorie que l'auteur lui-même s'est approprié et qu'il embrasse ou dont au contraire il se démarque dans sa pensée. J'ai songé d'emblée à un ouvrage dont l'étude me fut prescrite il y a très longtemps, dans mon cursus de deuxième cycle : Les Sociologies contemporaines de Pierre Ansart ; l'ordre de présentation des sociologues français correspondait là à l'importance croissante que ces derniers accordaient à l'individu plutôt qu'à la « structure » – un parti pris légitime, du moment qu'il est clairement affiché, un cheminement de construction de la propre pensée de l'auteur qui s'y engage et dont on le tiendra responsable.
Le parti pris de Michael Walzer dans cet essai est d'ordre normatif : le critique doit être, pour lui, éloigné de toute doctrine – on pourrait dire qu'il doit refuser le dogmatisme – autant que proche ou au moins solidaire d'un peuple, caractérisé par ses particularités, sa proximité nationale, communautaire, le voisinage de valeurs d'intérêts et même de lingue avec lui-même, selon le modèle idéal des prophètes bibliques qui représentent la voix de leur peuple au moment de leur prophétie. La dissidence dans l'enracinement.
Ce parti pris ne me convainc pas. Je suis sans doute trop français pour être aussi communautariste, trop élitiste pour voir le rôle de l'intellectuel réduit à celui du porte-voix d'une cause contingente ou traditionnelle, pour voir la critique réduite à être « nationale populaire ». Ce parti pris, au lieu d'être annoncé dès l'Introduction, n'est énoncé que dans la Conclusion. Surtout, appliqué comme critère de validité à l'oeuvre de penseur si différents opérant dans des contextes aussi divers et s'intéressant à des problématiques très spécifiques, il m'a paru ressembler à un lit de Procuste, provoquant deux conséquences aussi déplorables l'une que l'autre : la pensée d'hommes et femmes illustres en résulte caricaturée, au point de me paraître méconnaissable – pour les philosophes avec lesquels j'ai une certaine familiarité – ; Walzer se pose de manière extrêmement arrogante en arbitre et juge – je pense en particulier à Michel Foucault qualifié sans procès de « gauchiste infantile » (p. 207) – ; la lecture, sous un prisme unique, peu explicité, paraissant souvent très peu pertinent dans des cas précis, devient particulièrement ennuyeuse, laborieuse, insatisfaisante, énervante à la fin. L'agacement a fini par m'éloigner définitivement de la thèse du livre, qui pourtant propose une méthode qui pourrait avoir une certaine validité, dans certains cas et à une échelle locale, à condition justement qu'elle ne soit pas érigée à paramètre universel, conduisant son auteur précisément au dogmatisme qu'il conteste à autrui... « Solitude et solidarité », écrivait-il dans son sous-titre, n'est-ce pas... ?
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
2. « […] Le critique est dès le départ un partisan. Son esprit et son cœur sont partiaux, particuliers : il ne se libère jamais tout à fait et ne choisit jamais librement ses engagements, mais se débat plutôt pour mettre de l'ordre dans les engagements qu'il a déjà pris. L'universalité n'est pas là où il s'attend à la trouver. Alors qu'il y a peut-être bien […] une valeur universelle à s'opposer à l'oppression, les opprimés ont leurs propres valeurs, leurs propres intérêts aussi, et leurs valeurs et leurs intérêts sont souvent en conflit. Les opprimés ne sont pas les agents désignés d'une transformation historique globale : ils ne sont pas impatients d'accomplir la mission que le critique leur assigne. Les mouvements qu'ils créent, héroïques à leur origine, deviennent par la suite léthargiques, bureaucratiques, corruptibles. Les victoires qu'ils obtiennent sont incomplètes et faites de compromis ; et souvent ils ne gagnent pas. Si les masses peuvent se mobiliser, elles peuvent se démobiliser et se laisser dominer par des élites militantes qui agissent en leur nom – quoique aussi au nom du détachement, de la science et d'un faux universalisme. Dans le meilleur des cas, ni la libération nationaliste ni la révolution socialiste ne sont à la hauteur des normes du critique social ; et parfois les nouveaux régimes sont aussi mauvais que les anciens ; parfois ils sont bien pires. Que fait alors le critique ? » (p. 241-242)
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3. « Le critique idéal qui opère selon ce mode est loyal envers des hommes et des femmes en difficulté – opprimés, exploités, appauvris, oubliés – mais il voit ces personnes et leurs difficultés, la solution possible à leurs difficultés dans le cadre de l'histoire et de la culture nationales. La nation, et non la classe, est l'unité pertinente, même lorsque le critique est plus sensible aux préjudices que subit la classe. Il ne peut exprimer les aspirations de la classe ouvrière, par exemple, que s'il comprend que l'appartenance complète à la communauté nationale est ce que recherche la majorité des travailleurs. L'appel de la culture est puissant, et le critique ne demande pas qu'on s'y oppose. Au contraire, le critique doit parler la langue du pays, la langue ordinaire ; et si sophistiqué et savant soit-il, il doit maintenir une certaine continuité avec les traditions de la plainte ordinaire. » (p. 249)
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1. « La justice est en effet une menace pour certains intérêts de ce monde mais elle est aussi profondément impliquée dans les structures et les pratiques de l'existence quotidienne. La justice s'incarne non seulement dans les doctrines et les visions, mais également dans les conventions, les coutumes, les croyances, les rituels et les institutions. Ce qui est caractéristique de l'intellectuel, ce n'est pas qu'il soit nécessairement détaché de ces formes de "vie réelle" et qu'il porte un jugement critique sur elles – car il ne fait pas de doute qu'il doit parfois les défendre – mais qu'il ne leur soit jamais aveuglément lié et qu'il ne suspende jamais tout à fait son jugement critique contre elles. Il se tient un peu en retrait ; il se met à une distance d'où la critique peut s'exercer ; mais cette distance, elle se mesure en centimètres. » (p. 54)
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Vidéo de Michael Walzer
Confrontée à la guerre, la philosophie semble intempestive, à contre temps. Elle se déploie quand la guerre n'est pas encore là, tentant de retenir tout ce qui pourrait prolonger la paix, ou quand la guerre n'est plus là, s'escrimant alors à penser la «réparation», panser les blessures, accompagner les deuils, réanimer la morale, rétablir la justice. Lorsque «la guerre est là», lorsque fusils d'assaut, bombes et missiles éventrent les immeubles, incendient fermes, écoles, hôpitaux et usines, rasent des quartiers entiers, laissant sur le sol carbonisé enfants, hommes et femmes, chiens et chevaux, lorsqu'on est contraint de vivre tremblant dans des caves, lorsqu'il n'y a plus d'eau potable, lorsqu'on meurt de faim et de douleur – eh bien la philosophie ne trouve guère de place dans les esprits. Peut-être est-ce là la raison pour laquelle il n'y a pas une «philosophie de la guerre» comme il y a une «philosophie du langage» ou une «philosophie de l'art», et que le discours de la guerre renvoie plus aisément à la littérature ou au cinéma, aux discours de stratégie et d'art militaire, d'Intelligence, d'histoire, d'économie, de politique. Pourtant – de Héraclite à Hegel, de Platon à Machiavel, d'Augustin à Hobbes, de Montesquieu à Carl von Clausewitz, Sebald Rudolf Steinmetz, Bertrand Russell, Jan Patoka ou Michael Walzer – les philosophes ont toujours «parlé» de la guerre, pour la dénoncer ou la justifier, analyser ses fondements, ses causes, ses effets. La guerre serait-elle le «point aveugle» de la philosophie, la condamnant à ne parler que de ce qui la précède ou la suit, ou au contraire le «foyer» brûlant où se concentrent tous ses problèmes, de morale, d'immoralité, de paix sociale, d'Etat, de violence, de mort, de responsabilité, de prix d'une vie?

«Polemos (guerre, conflit) est le père de toutes choses, le roi de toutes choses. Des uns il a fait des dieux, des autres il a fait des hommes. Il a rendu les uns libres, les autres esclaves», Héraclite, Frag. 56) #philomonaco
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