Librairie Périple2 Boulogne-Billancourt- 5 mai 2023
Déjà 1 mois et demi que j'ai achevé cette lecture.Je reprends mes notes manuscrites pour laisser une trace de ce livre qui apporte un tableau intéressant sur l' Égypte contemporaine à travers la création d'une Librairie par trois femmes...Projet ambitieux et audacieux dans un pays où les femmes sont encore maintenues dans l'ombre et la sujétions de la gent masculine !
L'auteure, sa soeur, et une de ses amies, Hina vont s'associer et créer une importante librairie au Caire, en 2004, qui va prendre son envol, être un succès ; ce qui poussera les trois libraires à se developper et à créer d'autres librairies ....
J'appréhendais quelque peu ce énième livre autour du métier de " Libraire", thème exponentiel du moment !!
Finalement mes craintes de " Déjà vu" ont été balayées, car en racontant son périple de " chef d'entreprise ", l'auteure, en nous décrivant la constitution du stock, va nous parler aussi des mentalités des Égyptiens, de leur histoire, des mouvements sociaux, de la politique, des régressions dûes au fanatisme religieux, de la censure très présente de l'État, des gouvernements successifs. ..
Ces trois femmes, la passion et la compétence du "Livre", chevilléees au corps ont un mérite certain, autant de courage que d'audace ; chacune avec ses spécialités et ses points forts.Ce qui fait la richesse et la diversité de leur " association"...même si l'auteure
( le reconnaissant elle-même) est parfois arrogante et franchement difficile à vivre avec ses salariés !
Une lecture, comme je l'ai dit précédemment, précieuse à plusieurs niveaux : sur la constitution d'un stock et la parfaite connaisance de son environnement pour choisir à bon escient les " livres- clefs", l' histoire du pays, l'évolution, les changements de mentalités plus ou moins favorables aux femmes, les crises économiques creusant les inégalités sociales, etc.
L'auteure a le grand mérite, en dehors de son côté parfois " peste" !! d'être aussi honnête que possible dans ses observations de son milieu personnel très favorisé et des fossés immenses au sein de la société égyptienne :
"Essentiels d'Égypte (*** création d'un rayon d'ouvrages pour faire connaître en profondeur l'Égypte, à leur clientèle )
(...) Nous avons mis le nom du rayon au pluriel pour une raison prévue.Un récit au singulier sur l'Égypte un mensonge.L' histoire du Caire est avant tout un
" conte de deux cités "(**)
(...) Les gens qui vivent avec la livre égyptienne vont dans les écoles publiques, se déplacent avec les transports en commun et s'efforcent de rester au- dessus du seuil de pauvreté.
(...) Les livres ne sont pas une nécessité pour eux, mais un luxe.D'autres comme moi, demeurent dans le Caire protégé où domine le dollar américain, fréquentent les écoles internationales, apprennent souvent à parler l'anglais ou le français mieux que l'arabe, font leurs courses dans des supermarchés et des centres commerciaux, emploient d'autres personnes pour cuisiner, nettoyer, conduire à leur plat, tandis que nourriture et médicaments importés sont à leur portée. Si le Caire est leur lieu de résidence, son âme n'habite pas toujours la leur, ils doivent ouvrir grand les yeux pour voir leur ville natale. "
(**Allusion au roman de
Charles Dickens publié en 1859 )
Une lecture , au hasard d'une flânerie, dont je suis contente ...et où j'ai appris beaucoup sur la société égyptienne et la place des livres qui reste un produit de luxe pour certaines couches sociales, se battant déjà pour survivre.
J'achève ce " billet" par une citation montrant fort bien la conscience et la lucidité de " notre Libraire- chef d ' entreprise" sur le pays et la société dans laquelle elle doit évoluer ...avec ses richesses , ses profondes fragilités, et ses cruantes iniquités !
"-Essentiels d'Egypte, ce petit rayon, posait une série de questions auxquelles il ne prétendait pas répondre. A la recherche de quelque chose, je rassemblais des images de mon pays dans un lieu. Notre collection éclectique présentait le colonisé au colonisateur, les historiens aux romanciers, les locaux aux exilés. Des réalités concurrentes coexistaient dans des Egypte concurrentes- un conservatisme extrême et un libéralisme sans racines, une pauvreté scandaleuse et une richesse encore plus scandaleuse."