Seront désaliénés Nègres et Blancs qui auront refusé de se laisser enfermer dans la Tour substantialisée du Passé. [...] Je suis un homme et c'est tout le passé du monde que j'ai à reprendre. Je ne suis pas seulement responsable de la révolte de Saint-Domingue. [...] En aucune façon, je ne dois tirer du passé des peuples de couleur ma vocation originelle. En aucune façon je ne dois m'attacher à faire revivre une civilisation nègre injustement méconnue. Je ne me fais l'homme d'aucun passé. Je ne veux pas chanter le passé aux dépens de mon présent et de mon avenir. [...] N'ai-je donc pas sur cette terre autre chose à faire qu'à venger les Noirs du XVII ème siècle? [...] Je n'ai pas le droit, moi homme de couleur, de souhaiter la cristallisation chez le Blanc d'une culpabilité envers le passé de ma race. Je n'ai pas le droit, moi homme de couleur, de me préoccuper des moyens qui me permettraient de piétiner la fierté de l'ancien maître. Je n'ai ni le droit ni le devoir d'exiger réparation pour mes ancêtres domestiqués. [...] Vais-je demander à l'homme blanc d'aujourd'hui d'être responsable des négriers du XVII ème siècle? [...] Je ne suis pas esclave de l'Esclavage qui déshumanisa mes pères. - Frantz Fanon, 1952.
L'essor de l'esclavage de plantation, favorisé par la soif de consommation de tous ceux qui avaient des rentes, des salaires ou des payes à dépenser, eut pour effet de durcir et de consolider l'opposition idéologique entre les "Noirs" et les "Blancs", sachant que cette dernière reposait, tout en allant beaucoup plus loin, sur des oppositions antérieures - chrétien/païen, civilisé/sauvage, fils de Ham/fils de Japeth - auxquelles elle ajoutait des stéréotypes provenant de l'imagerie de la classe et du genre. Le motif principal de l'idéologie raciste du possesseur d'esclaves n'était pas l'aversion, mais la domination, pour reprendre la distinction établie par Joel Kovel dans l'importante étude qu'il a consacrée à la psychologie raciale.
Le passé est devenu un enjeu politique fondamental, tant les politiques publiques classiques d'égalité des droits et des chances, voire de discrimination positive, ne paraissent pas avoir pu dépasser ce qui peut être défini comme un traumatisme historique, transmis à travers les générations. Depuis quelques années, les "politiques du passé" occupent donc, à l'échelle internationale comme au niveau étatique, une place prééminente, et ce sous deux formes: la reconnaissance et la réparation.
L'abolition de l'esclavage et la décolonisation marquent certes une rupture et une fin, matérialisées par des décrets, des traités et des déclarations d'indépendance. Mais on ne saurait cependant en conclure à la fin des inégalités et des hiérarchies que ces deux phénomènes historiques ont mises en oeuvre.
Ses critiques des monopoles exercés par les compagnies impériales quasi souveraines ne sont bien souvent que des critiques à peine voilées de la corruption et de l'injustice politique de souverains européens régnant en maîtres sur les malheureux habitants des sociétés européennes comme sur les habitants d'un nombre croissant de sociétés non européennes lointaines. Diderot soutient que les monarques, les ministres d'Etat et les responsables du commerce, qui exercent déjà un pouvoir souverain écrasant, souhaitent encore étendre ce pouvoir tout en justifiant de façon peu sincère l'emploi de la force impériale à l'extérieur comme un moyen de sauvegarder la sécurité intérieure.
Avec Patrick Weill, directeur de recherche au CNRS. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages de référence, dont La France et ses étrangers (Folio), Qu'est-ce qu'un Français ? (Grasset) et le sens de la République (Grasset).
La laïcité, qui permet aux croyants et non croyants, la liberté de conscience et l'égalité des droits, est au coeur de l'identité républicaine. Mais la majorité des Français ne sont pas à même de la définir. Ils ne sont pas capables d'expliquer à leurs enfants, à leurs amis, à leurs collègues, comment elle vit en droit et en pratique. Patrick Weil, dans son ouvrage, de la Laïcité, offre pour tous publics, une définition et une explication fondées sur le droit et sur l'histoire. Son appropriation par le plus grand nombre des citoyens est le premier instrument de sa défense efficace et légitime.
Avec le soutien de la Région Centre Val de Loire et en partenariat avec la Maison de Bégon et la ville de Blois
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