Publié en 1895,
La machine à explorer le temps est le premier roman de
H. G. Wells, qui connaîtra une version définitive, remaniée, en 1924. Il s'attaque à un sujet qui va susciter de nombreux écrits dans ce qui va devenir progressivement la science fiction, le voyage dans le temps.
L'Explorateur du Temps (que l'on ne connaîtra pas sous un autre nom) invite des amis chez lui, et leur expose sa conception de l'espace et du temps, la quatrième dimension. de cette conception découle qu'il est possible de voyager dans le temps, et le héros avoue travailler sur une machine rendant cela possible. Ses auditeurs sont sceptiques. Il en invite un certain nombre à un dîner, auquel il arrive en cours et en piteux état. Après s'être apprêté et avoir mangé, il leur raconte le récit d'un voyage qu'il aurait fait dans un futur très lointain, en 802 701. Il découvre une terre apparemment sans travail, où des humains petits et joyeux semblent mener une vie insouciante et sans violence. Mais cet univers a un envers du décor, souterrain, royaume des Morlocks, créatures des ténèbres, cruelles et agressives. Les Morlocks font disparaître la machine de l'Explorateur, qui devra lutter pour la récupérer au risque de sa vie. En possession de la machine, un peu par hasard, mais aussi par intérêt, il ira jusqu'à la fin des temps, au moment où la Terre est proche de sa mort, et où l'espèce humaine semble disparue. Il n'a aucune preuve pour étayer son récit, et décide de repartir dans le futur, avec un appareil photo. Mais il ne reviendra pas.
Le livre laisse malgré tout un doute sur la réalité de ce qui s'est passé, même si le narrateur semble plutôt croire L'Explorateur. L'univers décrit est situé dans un très lointain futur, et en devient métaphorique : c'est plus une utopie ou plutôt une dystopie, qu'un récit d'anticipation, imaginant une évolution possible à partir de notre présent. le monde est scindé entre deux humanités, une faible et l'autre forte. Ceux que l'Explorateur voyait comme des privilégiés, lui apparaissent au final comme les victimes. Wells développe une vision de l'humanité qui aurait besoin d'adversité avec laquelle lutter, une sorte de vision Darwinienne : une espèce qui n'est pas soumise à une sorte de sélection naturelle qui élimine les individus trop faibles, est vouée à dégénérer voire à disparaître. Une vie trop confortable et douce provoque un affaiblissement générale.
On peut discuter ce point de vue, mais c'est un livre très prenant, très inventif. L'auteur arrive à créer en peu de pages un univers très construit, très complexe. Il y a une part de poésie aussi, en particulier dans la vision de la fin de la Terre. Sans oublier une grande efficacité narrative dans la partie aventure du livre. L'auteur au final ne se prononce jamais complètement sur la véracité du récit de l'Explorateur, ce qui laisse une marge d'interprétation au lecteur. Une forme d'ironie, de mise à distance est toujours présente, qui permet de relativiser une vision au final assez sombre de l'avenir de l'humanité.
Un très bon livre.