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4,14

sur 14069 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
A mon tour donc de vous parler de cet homme irrésistiblement jeune, incroyablement beau, merveilleusement sensuel, immensément riche, impeccablement habillé et empreint d'un esprit dominateur, j'ai nommé... Christian Grey ! euh, non, mille pardons, j'ai nommé... Dorian Gray !

Un personnage dont la personnalité offre bien plus de cinquante nuances et dont la complexité a toutes les chances de davantage vous séduire...

Dans ce roman, 50, c'est le nombre de citations qu'on serait tenté d'en extraire pour en faire profiter les autres lecteurs. D'ailleurs, pour ma part, je pense que, bien que m'étant auto-disciplinée sur ce point, je n'ai jamais autant cité un roman ! le coupable ? Oscar Wilde en personne ! qui semble avoir voulu écrire une "Anthologie des aphorismes" ! Laissant à Blaise Pascal et à François de la Rochefoucaud la paternité des recueils de maximes, notre écrivain so british a choisi le roman pour transmettre à ses contemporains quelques pensées et visées philosophiques bien senties, pour le plus grand plaisir de ses lecteurs (d'aujourd'hui).

Je ne peux pas, en conscience, mettre moins de quatre étoiles bien que seul le dernier tiers du roman m'ait véritablement captivée car, côté action, ce n'est quand même pas la panacée. « Le Portrait de Dorian Gray » est avant tout un roman psychologique ; son action est essentiellement mentale. Cependant, l'écriture est si fine, si sculptée, si savoureuse et elle atteint si bien la cible en son centre à chaque page, que, rien que pour cela, il est absolument impossible de prétendre que ce roman n'est pas bon.

Bon, il l'est, indubitablement. Déjà sa structure est audacieuse ; contrairement à Bel-Ami qui agit seul face au monde qui l'entoure, ici Dorian Gray n'est, si je puis dire, que l'un des personnages du roman ; en réalité, il y a bien trois personnages de premier plan, Lord Henry, Basil et Dorian, qui sont unis dans une formation triangulaire au centre de laquelle se trouve le véritable personnage principal de l'oeuvre : le Portrait lui-même (d'ailleurs, dans le titre original (The Picture of Dorian Gray) ou dans sa traduction, le fameux portrait est toujours écrit avec une majuscule, comme un nom propre). Cette chaîne invisible qui unit les trois hommes est solide, elle résistera même aux fractures et survivra à la mort de l'un de ses maillons. C'est une chaîne forgée par l'admiration mutuelle que les trois hommes se portent. le Portrait est encore plus puissant qu'un miroir même s'il fonctionne à peu de choses près de la même façon. Il sert de base à Wilde pour développer une très belle thématique sur l'ego et ses répercussions dans les existences individuelles.

Dorian inspire Basil ; Basil peint Dorian ; Henry influence Dorian ; Dorian suit Henry ; une amitié pérenne lie Basil et Henry, Henry et Dorian, Dorian et Basil. Les trois hommes vouent le même culte à la jeunesse, à la beauté, à l'art, à la culture, à l'esthétisme ; les trois hommes vouent le même culte à Dorian Gray qui semble sublimer en lui tous ces trésors. La passion de Basil pour le corps, ô combien charmant, de Dorian, la passion d'Henry pour l'esprit, ô combien façonnable, de Dorian et l'amour narcissique de Dorian pour sa propre personne constituent pour Wilde le terreau idéal pour planter ses piques dans les flancs de la société anglaise de cette fin de XIXème siècle.

Et le Portrait dans tout ça, me direz-vous ? le Portrait est là pour donner un peu d'action palpable au récit et justifier sa nature romanesque, lui épargnant ainsi le destin moins heureux qu'aurait pu connaître un « traité cynique sur la fin du romantisme en Angleterre ».

***ALERT SPOILER***

Étrangement, ce qui m'a le plus marquée au cours de ma lecture fut moins la série d'aphorismes pourtant délectables dont elle fut truffée que la découverte d'un style très sensuel. J'affirme d'ailleurs que ce roman est un roman érotique.

Wilde, ce grand écrivain dont la vie fut mouvementée et dont la carrière littéraire fut ternie par un scandale suivi d'un procès perdu, puis qui, ayant été reconnu coupable du « crime de sodomie », fut incarcéré deux ans avant de connaître l'exil et le déclin, n'a pas hésité à décrire de façon très lumineuse et forte la passion qu'un homme peut inspirer à un autre homme et, une fois replié le paravent de l'art, il n'a pas craint de mettre à jour, noir sur blanc, des liens « d'amitié » bien proches de ceux de l'amour. Je cite Dorian quand il songe aux sentiments que Basil lui a déclarés : « L'amour qu'il lui portait - car c'était vraiment de l'amour – n'avait rien en lui qui ne fût noble ou spirituel. » Et cette déclaration d'amour du peintre à celui qui fut sa plus belle source d'inspiration est elle-même d'une grande intensité que je trouve suggestive, jugez par vous-même, je cite Basil, enflammé par ses aveux : « Les semaines et les mois passèrent, et je devins de plus en plus obsédé par toi. […] Je t'avais représenté en Pâris revêtu d'une armure raffinée, et en Adonis portant habit de chasseur et tenant un épieu poli. le front couronné de lourdes fleurs de lotus, tu avais pris place sur la barque d'Hadrien, portant tes regards sur l'autre rive du Nil aux eaux vertes et troubles. Tu t'étais penché au-dessus d'un étang immobile, dans un bosquet grec, et tu avais vu dans le silence argenté de l'eau cette merveille qu'est ton visage. »

De surcroît, il faut bien reconnaître que le roman ne plaide pas du tout en faveur des femmes qui y sont décrites comme les créatures les plus laides, rébarbatives et sottes. Aucune ne trouve grâce aux yeux de Lord Henry et le chapitre 8 où Dorian apprend le suicide de celle qu'il aimait est imprégné de la plus franche misogynie : « - Je crains que les femmes n'apprécient plus que tout la cruauté, la cruauté pure et simple. Elles ont des instincts prodigieusement primitifs. Nous les avons émancipées, mais elles restent des esclaves qui cherchent leur maître. Elles adorent être dominées. » (Christian Grey, sors de ce corps !).

Pour en finir (car il le faut bien même si ce roman mériterait de très longs développements), je dirais que le trio pensé par Wilde avec d'un côté Lord Henry, viveur endurci qui incarne le cynisme et la corruption d'une société fantoche, d'un autre Basil, l'artiste sensible, éperdu d'idéal et empreint de compassion, et, entre ces deux-là Dorian Gray, ce dandy immuablement jeune que ses aspirations narcissiques condamnent à perdre ses illusions et à céder aux vices que sa position sociale lui présente sur un plateau d'argent, symbolise à merveille la pensée humaine dans ses doutes, ses rêves et ses contradictions.


Challenge ABC 2012 - 2013
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Dorian Gray est une jeune homme incroyablement beau. A tel point que le peintre qui en a fait son portrait le considère comme sa muse. C'est grâce a la beauté de ce jeune homme que tout le talent du peintre a pu se dévoiler.
Mais Dorian fait la rencontre d'un homme du monde , pour qui la débauche est une culture en soi. Cet homme va pervertir ce jeune mondain pour qui le culte de la beauté et de la jeunesse vont devenir une priorité.

Il y a de cela bien longtemps, j'ai étudié la peau de chagrinDe Balzac (pour être exacte : en première), j'en garde quelques souvenirs vague. Mais incontestablement on ne peut faire autrement que de faire un corolaire entre ces deux romans.

Dire que j'ai réellement apprécié ce roman serait faux. J'ai aimé l'écriture de l'auteur, sa façon de raconter mais j'ai toujours eu beaucoup de mal avec le culte de la jeunesse, de la beauté excessive et la recherche de la vie éternelle. Et pourtant je me rends bien compte que Wilde fait une belle et grande satyre d'une catégorie de la société anglaise de l'époque ( ce que j'apprécie au plus haut point).

C'est vrai qu'Oscar Wilde est un sacré personnage. J'aurais aimé le rencontrer, parce que j'aime sa verve, ses propos acides, son cynisme. Mais je suis sûre que nous ne serions pas devenus les meilleurs amis du monde. Nous nous serions certainement écorchés a coups de noms d'oiseaux à cause de sa façon de provoquer et de ses idées qui ne sont pas toujours en accord avec les miennes. Mais une chose est sûre c'est que nous aurions eu de beaux échanges, certes virulents, mais constructifs.

Si il était possible de ramener cet homme aujourd'hui , je serais franchement très curieuse de voir comment il aurait jugé les critères de beauté actuels, ainsi que le phénomène de chirurgie esthétique très a la mode en ce moment...
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C'est la première fois que je donne mon avis sur un classique (Champomy !)
C'est vrai quoi, c'est moins facile je trouve…
J'avouerai que dans un premier temps j'ai un peu ramé avec ce portrait de Dorian Gray, je me suis demandée si Oscar Wilde ne diluait pas un peu, genre « je suis payé aux chapitres », le pire a été celui où il nous décrit les nombreux passe-temps raffinés de son héros ou anti-héros (comme vous voudrez) : l'étude des parfums, des instruments de musiques, des bijoux, des pierres précieuses, des tissus et des broderies, des ornements sacerdotaux, des tableaux de ses ancêtres… Vous voyiez, déjà, vous trouvez mon énumération un tantinet longuette, et bien, il fait des pages sur chacun de ces sujets, imaginez !
Et puis, arrive le moment où il renoue avec son récit, et là on veut savoir… On espère… on espère que cet homme comprendra que le plaisir, la jeunesse et la beauté ne sont pas tout dans la vie, et certainement pas à ce prix… On espère qu'il va renouer avec le bien…
Mais en vain, même quand Dorian décide de changer sa vie, de faire de bonnes actions, son portrait lui apprend qu'en fait c'est par vanité…
He's definitively bad !
http://youtu.be/pVzF199JZLY
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Le peintre Basil Hallward tombe sous le charme de Dorian Gray, un jeune adolescent bourgeois dont Il peint le portrait. Il le présente à son ami Lord Henry Wotton, un dandy cynique et désabusé, qui décide immédiatement de prendre en charge l'éducation mondaine du jeune homme. Rapidement, Dorian devient jaloux du portrait, qui restera éternellement jeune...
Devenu un jeune adulte, il tombe amoureux de la comédienne Sibyl Vane, ou plus exactement des rôles qu'elle joue à la perfection. Devenant elle-même amoureuse de Dorian, elle perd son talent. Il la quitte alors avec rudesse et constate ce soir-là que, si lui a conservé toute sa beauté, le tableau se transforme suivant le caractère du modèle, devenant une sorte de miroir de son âme...

Oscar Wilde dresse un portrait au vitriol de la bourgeoisie et de l'aristocratie anglaise de la fin du dix-neuvième siècle. Tout y est : le cynisme et l'arrogance des possédants (dont Lord Henry ne se cache pas !), le mépris des "basses" classes et des femmes (avec des passages tellement outranciers qu'ils m'ont bien fait rire !), l'homosexualité cachée ou inavouée (voir les relations ambigües de Basil, et même de Lord Henry, avec Dorian), etc.
A l'heure de "Mee too" et des luttes pour le respect des différentes formes de sexualité, lire le portrait de Dorian Gray peut être une réjouissance (que c'est juste et bien écrit, malgré quelques lourdeurs ou longueurs) et/ou générer de l'inquiétude (plus d'un siècle plus tard, pourquoi encore tant de résistances sur ces sujets dans nos sociétés ?). Sur le fond, je suis totalement conquis !

Sur la forme, je suis un peu plus réservé. Il y a de nombreux passages où l'écriture est dynamique, enlevée, comme dans un roman d'aventure. Mais il y en a d'autres où elle est plus contemplative, et paraît plus lourde et laborieuse. le texte accuse son âge...
Ce n'est donc pas un roman qui se lit vite et facilement. Mais c'est assurément un roman qui compte !
Lien : http://michelgiraud.fr/2020/..
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Dorian a trente-huit ans lorsque Harry lui confie vers la fin du roman : "Je suis heureux que vous n'ayez jamais rien fait : ni modelé une statue, ni peint une toile, ni produit autre chose que vous même ! ... Votre art ce fut votre vie". La vie de Dorian, dont son ami Basil a peint le portrait quand il avait vingt ans, serait-elle devenue une oeuvre d'art en soi ? Histoire étrange que celle-ci, celle d'une double fascination : du peintre pour son modèle (Basil pour Dorian) et du modèle pour son mentor (Dorian pour lord Henry), celle aussi et surtout d'une fascination pour le double : Dorian pour son propre portrait. Réussite du mentor qui érige la jouissance en raffinement esthétique suprême et qui voit son élève, Dorian, devenir un dandy décadent appliquant ses préceptes et sans doute le surpasser. Désarroi du peintre, Basil, dépossédé de son modèle, dont l'oeuvre lui échappe totalement. 

Dorian Gray est le type même du héros fin de siècle conduit par la toute puissance de ses penchants, qu'un tableau (celui offert par Basil) et qu'un livre offert par lord Henry et lu après la mort d'une jeune femme qu'il a brièvement et mal aimée, Sybil, semblent avoir guidé vers son destin crépusculaire. ("Le livre empoisonné" qui hante Dorian et a inspiré Wilde serait peut-être : "A Rebours" de Huysmans paru en 1884, compte tenu de la référence explicite aux Symbolistes français). Détournement de la morale assuré donc par la peinture d'un côté, par la littérature de l'autre ! le mystère de la personnalité de Dorian mû par les forces obscures que son voeu a libérées et qui s'épanchent dans le tableau constitue la trouvaille de génie d'oscar Wilde et apporte au roman, en plus de son atmosphère fantastique, une tonalité totalement surréaliste avant l'heure.

En réalisant le portrait de Dorian, Basil son ami, ne lui révèle pas tant la beauté de sa jeunesse que son évanescence. Pour se défaire du choc ressenti de ce malheur annoncé, à la vue du tableau, Dorian, usant d'un pouvoir insoupçonné, fait le voeu instantané de conserver intact le masque de sa jeunesse tandis que l'empreinte de l'âge se reportera sur son portrait. Ce pacte intime et décisif avec lui-même va se réaliser (qui n'est pas sans évoquer Faust) mais le sépare définitivement de sa conscience et transforme sa vie en un cauchemar d'orgueil, de vanité et de cynisme absolus. Ainsi, se condamne-t-il à interroger sans cesse le portrait que Basil lui a donné pour connaître véritablement l'état de son âme, dans une angoissante confrontation. Une histoire d'emprise et de dédoublement où le réel et l'irréel se superposent complètement générant un malaise diffus. (Dr Jekyll & Mr Hyde de Stevenson, 1886).

La réflexion esthétique et morale qui sous-tend la trame du roman entraîne le lecteur dans un entrelac serré d'interrogations infinies sur l'art et la création, la jeunesse et la beauté, le bien et le mal, la recherche du plaisir et la pureté, la religion et la mort, qui souvent s'illustrent par une abondance d'aphorismes et de formules implacables (Un peu trop parfois à mon goût). Terriblement désenchantée, cruelle (pour les femmes !) et sombre, le plus souvent portée par la voix de lord Henry, cette réflexion est sans doute aussi une manière virulente de répondre à l'hypocrisie, au mépris et à la pudibonderie de la société victorienne contemporaine dans laquelle Oscar Wilde évoluait. le livre fit scandale à sa parution en 1890.

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Occupe par d'autres interets, d'autres taches, je consacre moins de temps a la lecture-plaisir, et je me resous a reposter d'anciens billets.

Je regarde une célèbre photo d'Oscar Wilde, beau dandy sous sa tignasse, et je me rappelle ce que me disait il y a peu une amie: “Nous sommes foutues. Tous les hommes chouettes sont gays”. J'ai encaisse la fleche sournoise en gentleman et souri avec commiseration. Mais laissons le portrait De Wilde et passons au Portrait de Dorian Gray.

C'est toujours avec un peu d'apprehension que j'aborde ce que d'autres ont qualifie de chef-d'oeuvre. de longues annees ont passé jusqu'a ce que je me decide a ouvrir le Portrait, et de longs mois jusqu'a ce que je le finisse. C'est que je suis revenu maintes fois sur des pages déjà lues. J'ai aime les conversations pleines d'aphorismes, meme si je ne souscris pas aux idees qu'ils vehiculent. J'ai moins aime les longs chapitres enumerant les objets d'art ou autres dont Gray s'entoure, et si je les ai revisites, c'etait pour comprendre a quoi ils rimaient (sans conclusions. Je suis reste perplexe).

En definitive, sa renommee n'est pas usurpee, et ne tient pas seulement comme je le craignais aux scandales qu'a provoques Wilde (ou peut-etre serait-il plus juste de dire qui l'ont provoque).
Wilde allie et reinterprete deux mythes, le mythe de Narcisse et le mythe de Faust, dans un recit a resonnances un peu gothiques. Comme Narcisse, Dorian Gray est obnubile par sa propre beaute et meurt devant son reflet (devant son portrait). Comme Faust, il vend son ame au diable, et si le diable n'est pas precisement nomme, un des personnages tient assurement le role de son avocat: son ami et mentor Henry Wotton, dont la philosophie de vie ultra-hedoniste glorifie l'esthetique, la beaute et le plaisir, au detriment de toute ethique.

Mais le livre est plus que cela. Wilde met en evidence la superficialite de la societe Victorienne, a travers des personages qui symbolisent toute la corruption et toute l'hypocrisie des classes elevees londonniennes. Par des dialogues (brilliants il est vrai) il laisse entendre que pour ces classes-la tout n'est que dissimulation, vanite et regne des apparences. Rude critique, qui n'empeche pas le lecteur de suivre les personnages avec une fascination legerement morbide, comme aimante par leur amoralite. J'aurais meme aime plus de details sur les debauches, les transgressions de Gray (a la place des listes interminables de tapis ou de tissus brodes…), comme s'il m'avait manqué de la profondeur dans son changement psychologique, comme si j'aurais aime differer la fin gothique que je subodorais.

Wilde a defendu son oeuvre contre ce qu'il a appele le "pseudo-ethical criticism". Pour lui un livre est bien ecrit ou mal ecrit. Tout le reste n'est que fumee et fioritures. le sien est incontestablement bien ecrit. Mais meme la fumee qui s'en degage est interessante, encore de nos jours, dans une societe qui venere la jeunesse, et ou les plus ages d'entre nous font tout pour garder (ou s'apparenter) ses signes exterieurs. Nos rides sont plus vues comme des indices de decrepitude que comme des attestations de sagesse. Dommage… (oups! J'ai devoile mon age!)
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Le portrait de Dorian Gray écrit par Oscar Wilde est à la fin du 19e siècle ce que fut, par exemple, 99 F de Frédéric Beigbeder à la fin du 20e siècle. Même goût pour la vie mondaine, frivolité revendiquée –le nom du personnage est inspiré d'un véritable « Gray » qu'Oscar Wilde essayait d'emballer- et attitude de nonchalance savamment étudiée : voici les caractéristiques des mirliflores, d'un siècle à un autre. Littérairement parlant ? On aurait plutôt tendance à louer la fluidité sophistiquée de l'écriture d'Oscar Wilde au détriment du style moins recherché de Beigbeder, mais ce dernier aurait-il passé plus de temps à peaufiner son roman, n'aurait-il pas lui aussi atteint une noblesse d'écriture qui fait défaut au roman dandy du 20e siècle ? Bien que le Portrait de Dorian Gray glisse onctueusement des pages exquises sous le palais de son lecteur, son écriture demanda des efforts considérables de la part de son auteur. Oscar Wilde frise parfois le plagiat et quelques-unes de ses plus belles réflexions sont directement extraites de ses sources d'inspiration majeures, Walter Pater et John Ruskin en tête. Et puis alors ? le résultat est là : le portrait de Dorian Gray est un condensé de pensées profondes et essentielles qui se lit avec l'aisance d'un roman de gare –aphorismes d'humour noir tissés et reliés par la trame d'une fiction. Avec l'habilité d'un publicitaire avant l'heure, Oscar Wilde condense l'idée. Elle se boit pure et d'une traite, dans un verre en cristal qu'on tiendra le petit doigt en l'air.


« Qu'est-ce qu'un rapport humain aujourd'hui? Il afflige par sa pauvreté. |...] Rencontrer quelqu'un devrait constituer un événement. Cela devrait bouleverser autant qu'un ermite apercevant un anachorète à l'horizon de son désert après quarante jours de solitude »


Toute l'ambivalence du roman tourne autour de cette idée. Ses personnages sont des âmes exaltées, capables des plus vifs enthousiasmes pour ceux qu'ils imaginent être les plus intéressants. Toutefois, la loi de la sélection est dure et n'élit qu'un ou deux privilégiés parmi la masse insignifiante et médiocre des êtres humains qui constituent l'environnement direct de chacun. Cette exigence de l'autre toujours déçue permet à Oscar Wilde de manier le cynisme et de peaufiner son art de la réplique à l'extrême. En parlant de son roman, l'auteur écrivait : « je crains qu'il ne ressemble beaucoup à ma propre vie : tout en conversation et pas d'action ». Oscar Wilde ne s'était pas trompé, mais la conversation remplace l'action et parvient souvent à la transcender en divulguant des images plus marquantes et éternelles, là où l'action aurait peut-être seulement eu une efficacité éphémère. La réflexion esthétique qui cherche à s'accaparer les premiers plans de la thématiques du Portrait sous-tend en réalité cette quête effrénée de l'âme soeur : l'art peut alors se présenter en substitut mineur à la relation idéale ; l'art devient relation narcissique de soi aimant ses propres passions. A la fin du 20e siècle, Frédéric Beigbeder nous montrera que la société de consommation constitue une autre issue de secours. La facilité en plus. C'est d'ailleurs ce qui distingue le mieux les deux romans : si le Portrait de Dorian Gray relève du bijou tandis que 99F emprunte ses termes au prospectus publicitaire, sans doute faut-il en imputer le mérite à une époque moins désenchantée qui n'était pas encore définitivement guérie de « l'art pour l'art » et qui s'échinait à lui rendre un digne hommage. Lorsque la beauté de forme ne peut s'accompagner que du renouvellement de la beauté de fond, liée au paradoxe et aux idées de décadence, le Portrait de Dorian Gray devient figure-même de la dégénérescence. En apprécie-t-on les modalités ? A-t-on envie de s'exclamer au génie à chaque page tournée ? de longs et heureux jours attendent encore la décadence…
Lien : http://colimasson.over-blog...
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Roman fantastique et philosophique que je n'avais pas encore pris le temps de lire.

"Comme c'est triste! Je vais devenir vieux, horrible, effrayant. Mais ce tableau n'aura jamais un jour de plus qu'en cette journée de juin... Si seulement ce pouvait être le contraire! Si c'était moi qui restais jeune, et que le portrait lui vieillit! Pour obtenir cela, pour l'obtenir, je donnerais tout ce que j'ai! Oui, il n'y a rien au monde que je refuserais de donner! Je donnerais mon âme pour l'obtenir! "

Et voilà, le sort en est jeté, Dorian demeurera jeune et séduisant, le portrait portant le lourd fardeau de la vieillesse et de la laideur.

Puisque son visage et son corps ne reflètent plus son âme, il se croit intouchable. Sa vie devient oeuvre d'art, son âme véritable étant cachée dans le portrait du tableau. Il a désormais deux visages, l'un véritable, l'autre fantastique.

Jusqu'où ira cet homme, dépourvu de scrupules et de morale, libéré des chaînes de la vieillesse et de la laideur, pour assouvir ses plaisirs ?

Mais ce Narcisse diabolique pourra-t-il résister à la vue de son portrait lui révélant la noirceur de son être ?

En déchirant le voile de l'illusion, que restera-t-il de sa beauté ?

Une histoire envoûtante.
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Il est inconcevable d'aborder le portrait de Dorian Gray sans évoquer son auteur, Oscar Wilde, un intellectuel et homme de lettres anglais de la seconde moitié du XIXème siècle.

Cet homme brillant et talentueux, issu d'une grande famille irlandaise, s'était composé un personnage de dandy débordant de fantaisie. Il était devenu la coqueluche des milieux mondains et artistiques de Londres, tout en assumant une homosexualité que la très puritaine Angleterre victorienne considérait comme un crime. Cela lui valut deux années d'emprisonnement. Détruit, Oscar Wilde mourut dans la misère à Paris en 1900, à l'âge de quarante-six ans.

Unique roman d'Oscar Wilde, le portrait de Dorian Gray fait figure d'oeuvre testamentaire et vaudra à son auteur de passer à la postérité. Pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas le livre, en voici le canevas.

Dorian Gray est un jeune et riche aristocrate d'une grande beauté. Des traits très purs, le visage d'un ange. Personne, femme ou homme, ne peut résister à son charme. Au début du roman, un peintre, Basil Hallward, vient d'achever son portrait, un chef-d'oeuvre censé rendre hommage à la beauté, à la jeunesse et à la pureté de l'âme.

En extase, Dorian prend conscience avec amertume que sous l'effet des années et des vicissitudes de la vie, sa jeunesse et sa beauté se flétriront, alors que l'image du tableau restera intacte. « Si seulement c'était l'inverse ? » songe-t-il. Une pensée aussitôt transformée en voeu.

Le voeu sera exaucé. Malgré les années qui passent, malgré les débauches dans lesquelles il se vautre, malgré les ignominies qu'il commet et qui iront jusqu'au meurtre, Dorian Gray conservera son apparence physique parfaite de jeune homme innocent, alors que les marques du temps et de ses turpitudes déformeront le portrait, reflet de l'âme corrompue de son modèle vieillissant. Une fiction fantastique qu'il faut lire en entier pour en découvrir la chute tragique.

Oscar Wilde s'est incarné dans cette oeuvre mythique, que certains tiennent pour un chef d'oeuvre. On le reconnaît dans le personnage de Lord Henry Wotton, un aristocrate plus âgé que Dorian Gray, dont il devient l'ami. Frivole, cynique et manipulateur, Lord Henry profère des observations amères sur l'air du temps de la fin du siècle, une époque de décadence marquée par les corruptions et les régressions. La désespérance devrait inciter chacun, selon lui, à profiter sans limite et sans exclusive des plaisirs de la vie. Son influence aura contribué à corrompre Dorian Gray et à le précipiter dans le stupre.

Son narcissisme conduit Oscar Wilde à s'émerveiller complaisamment des ors et trésors de la société dans laquelle il évolue. Il se laisse aller à vanter longuement les décors somptuaires dont s'entoure Dorian Gray dans sa riche demeure : tapisseries, tissus, broderies, bijoux, dont il souligne les correspondances avec les parfums et les musiques. L'écriture est lyrique, flamboyante, extatique.

A la lecture, il apparaît clairement que la perfection du travail du peintre consacrait son désir amoureux pour Dorian. Le livre fit donc scandale pour indécence lors de sa publication en 1890. Soucieux d'éviter de tomber sous le coup de la loi, les éditeurs avaient pourtant pris soin d'amender le manuscrit d'origine et l'auteur lui avait ajouté quelques chapitres anodins.

Je viens de relire l'ouvrage dans la traduction d'une version dite « non censurée », récemment publiée, proche de l'intention d'origine d'Oscar Wilde. De nos jours, on ne peut pas dire que le texte soit particulièrement choquant. Il donne plutôt une impression de désuétude.

Il n'empêche, par les messages qu’on est libre d’y lire, que le portrait de Dorian Gray reste une oeuvre qui compte dans l'histoire de la littérature occidentale.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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501ème critique. A croire que j'étais la seule à ne pas l'avoir lu. Paru en 1891 en France. Encore un roman sans date de péremption. le style de l'auteur est de toutes les couleurs. On passe d'un individu cynique à la beauté et l'odeur des fleurs. Des crimes à l'art. L'histoire, tout le monde l'a connaît. Un modèle, très influençable, vend son âme à un tableau pour garder sa jeunesse et sa beauté. C'est donc son portrait qui vieillit et pas lui. Très prenant.
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