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4,14

sur 14069 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ça y est, je me décide enfin, après moult hésitations, à écrire un petit billet virtuel sur ce livre que j'aime tant. le portrait de Dorian Gray, bien sûr, c'est une histoire. Mais en regard du nombre impressionnant de commentaires sur ce roman, peut-être n'est-il point besoin d'y apposer ma propre défloraison de l'oeuvre.

Nonobstant, bien au-delà de l'histoire, le portrait de Dorian Gray c'est un ton, c'est une forme, c'est la quasi quintessence de ce qu'Oscar Wilde aura su faire de plus réussi, de plus noble et ciselé, de plus acerbe et aérien et d'ailleurs, dans son immodestie provocante et coutumière caractéristique, lui-même ne s'y est pas trompé dans sa préface : « Un livre est bien écrit ou mal écrit, un point c'est tout. »

Et effectivement, ce livre est une merveille stylistique, avec ce fameux ton dandy et pince-sans-rire de l'époque victorienne qui est devenu la marque de fabrique de l'auteur. le seul de ses contemporains à pouvoir parfois rivaliser avec lui sur ce registre est probablement l'autre grand monstre sacré du théâtre fin XIXème, j'ai nommé, Anton Tchékhov. Je n'insisterai donc jamais assez sur ce volet formel de l'ouvrage qui est une pure délectation.

Peut-être n'est-il pas vain de rappeler l'origine de ce roman. On sait que ce genre n'est pas le terrain de prédilection De Wilde, lui, le dramaturge dans l'âme. Mais comme Wilde n'a peur de rien, qu'il a un ego digne de faire de l'ombre à Napoléon, César et Louis XIV réunis, celui-ci n'hésite pas, lors d'une altercation verbale avec Sir Arthur Conan Doyle à mettre celui-ci au défi d'écrire un meilleur roman que lui et ce, dans un délai imparti.

Ce sera le portrait de Dorain Gray pour Oscar Wilde et Le Signe des quatre pour Conan Doyle : vous me direz, des altercations comme ça, on aimerait bien qu'il y en ait plus souvent en littérature !

Il fallut donc écrire vite, et dans un style non coutumier pour Oscar Wilde. Aussi est-ce peut-être la raison intime pour laquelle le portrait de Dorian Gray fait toujours un peu figure d'OLVNI (le L c'est pour Littéraire), car il y a une spontanéité, un élan et à la fois des « répliques » cinglantes et savoureuses, telles qu'on les désignerait dans une pièce de théâtre. Évidemment, vous me rétorquerez, que Wilde a passablement remanié son texte après que le défi fut terminé, mais il n'empêche que les conditions de sa gestation en font, du moins c'est la thèse que je défends, son intérêt et son originalité.

Un Wilde non pris de court, asseyant minutieusement un projet d'écriture romanesque n'aurait probablement pas effectué les choix d'écriture qui furent retenus pour le portrait. À propos, ce « portrait », comme on dit en français, j'ose encore vous ennuyer à mettre le doigt sur l'incomparable supériorité du titre original « The picture of Dorian Gray » qui joue sur la richesse sémantique du mot « picture », impossible à rendre en l'état en français, désignant à la fois le portrait et l'image, avec toute la connotation du mot « image » sous-jacente, « n'être que l'image de », et tout ce rapport à la forme par opposition au fond, déjà contenu dans le titre.

Le titre, justement, parlons-en encore. Dorian Gray. Ça sonne bien n'est-ce pas ? On sait que l'auteur aimait à choisir des titres dont les sonorités étaient pleines de sens, voire, de doubles sens (Cf : The Importance of being Earnest). Que peut bien nous dissimuler ce titre ? Bon, en ce qui concerne le nom de famille, Gray rappelle étrangement grey : il y aurait donc une nuance de gris là-dedans. C'est un début.

Dorian ? Hmm, c'est plus compliqué. L'étymologie nous enseigne que cela vient du grec signifiant " don " au sens de cadeau. Donc, " le don du gris " ? Mais, tiens, tiens, tiens ça me rappelle étonnement l'une des répliques de Dorian à Lord Henry : « Vous m'offrîtes naguère un livre empoisonné. » Mais, ce n'est peut-être pas tout, continuons…

Nous savons qu'Oscar Wilde connaissait bien assez de français pour jouer aussi avec les sonorités de cette langue. " D'or and grey ", c'est-à-dire d'or et de gris. Tiens, tiens, tiens, comme ça colle bien à l'histoire et au personnage. Et comme ça correspond, également, à l'un des grands succès anglosaxons de l'époque ; j'ai nommé L'Étrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde, publié seulement quatre ans auparavant et dont on pourrait également dire que le protagoniste principal est fait d'or et de gris… Et si finalement cela voulait dire que…

Bon, j'arrête ici mes élucubrations, qui d'ailleurs ne représentent pas grand-chose, seule compte l'oeuvre, et cette oeuvre-là, elle compte.
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"Le Portrait de Dorian Gray" est l'un de ces livres rares desquels on peut tirer plusieurs autres livres de genres divers : drame, nouvelle, essai, aphorismes, tous s'y trouvent et coexistent. Oscar Wilde a exploité tous les genres qu'il aime dans son unique roman. Expérience qui a produit un ensemble harmonieux.

"Le Portrait de Dorian Gray" est un roman sur le pouvoir de la fascination, l'influence maléfique, la tentation du mal, la métamorphose ou la déchéance d'un ange, mais aussi sur la désillusion et la vanité de l'existence.

Ce roman profond et complexe à la fois a été écrit à une époque où l'apparence masculine était un sujet d'actualité. Les dandys étaient très bien vus. de nombreux écrivains passaient pour les maîtres du dandysme. "Le Dandy doit aspirer à être sublime sans interruption, il doit vivre et dormir devant un miroir", comme le disait Baudelaire. Oscar Wilde lui-même dandy et véritable chef de fil de l'esthétisme remet en question cette conception de la vie. Il oppose ainsi Lord Henry, l'hédoniste machiavélique, au bon Basil, le peintre. Tous deux essaient de s'arracher Dorian le jeune homme naïf aux traits angéliques. Or, les deux ont leur part de la corruption de ce narcisse moderne. Ce dernier trouve plus convaincantes les maximes du Lord Henry et se veut son disciple zélé. Commence alors sa décente frénétique aux enfers. Sa première victime est une jeune actrice. Cette première offrande aux autels du vice ne sera que le départ. Et bientôt Dorian Gray devient un modèle de la corruption et des moeurs légères dépassant même son maître. Rien ne le ralentit, ni les leçons de morale de son ancien ami Basil, ni ses propres crises de conscience. Tout cela a commencé le jour où Basil décide de faire le portrait de Dorian Gray. Il sera son chef-d'oeuvre ultime. Il ne veut pas l'exposer et l'offre à son ami. Ce dernier émet le voeu de ne jamais vieillir au prix de livrer son âme (n'est-ce pas familier ?). le jeune garçon qui voit pour la première fois toute la grandeur de son charme, tremble à l'idée de perdre tout cela et de vieillir. Mais ce n'est pas seulement la vieillesse qui amène la laideur, mais aussi la débauche, le vice et la dépravation. Il deviendra un ancêtre de Patrick Bateman, il deviendra assassin !
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« Une abeille entra et bourdonna autour du bol bleu-dragon, rempli de roses d'un jaune de souffre qui était posé devant lui. Il se sentit parfaitement heureux ».

Percevez-vous le calme et la volupté de ces vers ? Heureuse, moi aussi je le suis assurément après avoir lu ce livre. Mais comment rendre compte d'un récit magnifique dont les relectures futures mettront sans aucun doute en valeur d'autres perceptions ? Sens multiples et sens nouveaux en éclosion incessante, propre à tout grand livre. Tout ce que je pourrais écrire n'arrivera pas à rendre compte de la force de cette oeuvre, tous mes mots seront vains et fades pour exprimer le génie de ce chef d'oeuvre, alors me contenterai-je de faire le portrait en aplats grossiers du Portrait, pâle esquisse brossée à gros traits reflétant un vague dessin se voulant figuratif de l'émotion ressentie. Écrire sur un livre superbement écrit n'est pas lui rendre justice. Comme tout ce qu'on adore, sans doute, vaudrait-il mieux se taire pour ne pas le rendre vulgaire, banal, commun ?

« Peut-être ne doit-on pas exprimer son adoration par des mots ».

Le portrait de Dorian Gray est tout d'abord poésie. L'écriture ciselée d'Oscar Wilde a l'élégance raffinée des milieux aisés, la délicatesse des matériaux et des tissus nobles utilisés, touchés, caressés cohabitant avec une nature savamment domptée, l'air de rien, jardin à l'anglaise dont on perçoit les jeux d'ombre et de lumière, dont on devine les senteurs florales mêlées de parfum vert, odeurs végétales entremêlées à celle plus neutre du linge propre, ou encore celle plus amère du thé noir à la bergamote, dans lequel on entend les froissements des feuilles au vent, la vie secrète des insectes, par les fenêtres entrouvertes, aux rideaux faseyant. Un entrelacement sensuel et sensoriel de la nature et des objets précieux, quintessence d'un style qui a le don de rendre heureux, tout simplement. Béatitude dandy. Un nectar divin que cette écriture.

« Dans de grands vases bleus de Chine, des tulipes panachées étaient rangées sur le manteau de la cheminée. La vive lumière abricot d'un jour d'été londonien entrait à flots à travers les petits losanges de plombs des fenêtres ».


Le portrait de Dorian Gray est réflexion passionnante sur la peinture, la littérature, et même la musique. Statut du peintre et de son modèle, sens du tableau en ce qu'il révèle ou au contraire cache son auteur, puissance des mots, pouvoir de la musique qui fait naitre un nouveau chaos en nous, c'est une lecture qui nourrit et qui ouvre tout un ensemble de perspectives. Oscar Wilde a l'intelligence de développer ces réflexions, puissantes et denses, comme des moments de respiration au milieu du livre avant que le coeur de l'intrigue ne prenne en otage son lecteur, puis avant le dénouement final, pour lui proposer une pause. Capter l'attention de son lecteur, suspendre le temps, mieux le capturer pour le métamorphoser lui-même, Oscar Wilde maîtrise la temporalité du récit et sait allier narration haletante et digressions lentes érudites et passionnantes.

« Tout portrait peint compréhensivement est un portrait de l'artiste, non du modèle. le modèle est purement l'accident, l'occasion. Ce n'est pas lui qui est révélé par le peintre ; c'est plutôt le peintre qui, sur la toile colorée, se révèle lui-même ».


Le portrait de Dorian Gray est en son coeur en effet histoire fantastique. Oscar Wilde, avec cette façon classique et raffinée, toute anglaise, ourlée d'une pointe de dandysme, dont nous venons de souligner la sensibilité et l'élégance, nous propose une histoire complètement folle, une véritable histoire fantastique qui tient le lecteur en haleine. Il est temps de parler de ce fameux Dorian Gray. La critique savoureuse de @Nastasia-B met en valeur le choix de ce prénom et de ce nom…d'or et de gris nous explique-t-elle avec brio (et là je résume bien entendu sa démonstration, je vous invite à aller lire sa critique qui met également en valeur le contexte dans lequel a émergé le livre), mais oui, que c'est bien vu ! Un personnage d'une beauté renversante, comme doré par la jeunesse, mais dans lequel le gris et ses différentes teintes vont venir s'insinuer.

Le jeune homme aux traits angéliques, aux lèvres écarlates finement dessinées, aux clairs yeux bleus, à la chevelure aux boucles dorées, semble tiraillé entre deux hommes qui veulent tous deux se l'accaparer, hypnotisés par cette beauté : une sorte d'ange gardien, le peintre Basil, homme bon qui ne veut que du bien à Dorian et qui voit en lui la Beauté suprême, le modèle ultime ; et un petit démon, comme assis sur l'épaule de Dorian, Lord Henry, cynique, misogyne, hédoniste, tentation du mal incarnée qui veut faire de Dorian son objet sur lequel exercer son emprise.
Dorian est davantage attiré par Lord Henry et va devenir son disciple fidèle. Commence alors pour Dorian une véritable descente aux enfers dans laquelle il va devenir peu à peu un modèle de corruption et de vice dépassant même son maitre, spectateur de sa propre vie pour échapper aux souffrances terrestres, avec indifférence et dédain. Malgré les conseils de Basil et ses moments douloureux de lucidité, rien ne l'arrête.
Cette descente aux enfers a commencé lorsque Basil a réalisé un superbe portrait du jeune homme, sans doute sa peinture la plus aboutie, son chef d'oeuvre ultime. le portrait est troublant de justesse, Basil a vraiment réussi à capter l'essence de la jeunesse, que le jeune homme, perturbé et terrifié à l'idée de la perdre peu à peu, cette jeunesse qui est tout, selon les dires de Lord Henry, exprime alors à haute voix, le souhait de rester comme ce portrait à jamais, de ne jamais vieillir, et que ce soit son portrait, cette image de lui, qui changent avec les assauts du temps et de la vie. Ne jamais vieillir au prix de livrer son âme. Qu'il en soit ainsi, le portrait va peu à peu changer, « symbole visible de la dégradation qu'amenait le péché », « le plus magique des miroirs » pour le jeune homme beau et jeune à jamais…C'est une histoire narcissique fascinante !


Le portrait de Dorian Gray, vous l'aurez compris, est avant tout philosophie. Au travers cette métamorphose d'un être simple, naturel, tendre, le moins souillé qui soit, en jeune homme sans coeur et sans pitié, de multiples questions sont soulevées par Oscar Wilde. Sommes-nous le résultat de nos rencontres, le fruit de nos influences, sans aucun libre-arbitre ? Qu'est-ce que la fascination, à quoi nous réduit-elle, quelle influence a-t-elle sur l'objet de notre fascination ? Comment survivre à la métamorphose qui s'opère sans relâche en nous ? La déchéance physique peut-elle être contrecarrée par les nourritures spirituelles et de celles de l'esprit ? La laideur est-elle seulement le fruit de la vieillesse ? N'est-elle pas surtout et avant tout le reflet de nos vices et d'une âme impure ? Une vie éternellement jeune serait-elle une vie acceptable ?
Un questionnement sur la déchéance humaine, tiraillée entre ascétisme qui amène la mort des sens et dérèglement vulgaire qui les émousse, questionnement posé à l'aune d'une nature enchanteresse immuable décrite dans une poésie renversante, antagonisme qui renforce le désarroi dans laquelle cette décrépitude inéluctable nous plonge.


Roman sur les désillusions, ce livre soulève dans un format assez court, dans un style étonnant mâtiné de fantastique, et au moyen d'une écriture incroyablement ciselée et poétique, de riches interrogations universelles. Que ce soit Oscar Wilde, dandy et chef de file de l'esthétisme, proclamant la modernité absolue de la Beauté, qui remet sa propre conception de cette vie en question, est d'autant plus troublant et émouvant.

« Un livre est bien écrit ou mal écrit, un point c'est tout. » écrit Oscar Wilde dans sa préface. Ce livre, indéniablement, est superbement écrit. Un point c'est tout.

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Sans âme , la beauté éternelle n'est que destruction !

Oscar Wilde , un écrivain qui amène une réelle réflexion sur la jeunesse, le sens de la vie, l'hédonisme et l'esthétisme.
Le Portrait de Dorian Gray , un roman rempli de morale ; sur la vanité, l'apparence et l'attirance, sur le fait que le plaisir est totalement différent du bonheur…

Au début, on se laisse prendre à l'atmosphère des soirées bourgeoises londoniennes et on se perd ensuite dans les bas-fonds de la ville : la drogue, la prostitution... Au départ, nous découvrons ces deux ambiances à travers les yeux du jeune Dorian qui inspire parfaitement l'innocence. Ensuite, ce regard change et nous constatons que ce que nous pouvons envier, finalement, n'en vaut pas toujours la peine. L'interdit nous attire mais... A quel prix ?

On peut voir en Lord Henry Oscar Wilde lui-même, dandy hédoniste, amoureux de mots et des turpitudes de la langue, connu pour ses moeurs légères. Ce Lord Henry ; machiavélique et cynique, jaloux de la pureté du visage de Gray au point de le rendre infecte et démesuré de plaisir, finalement cela se retournera contre lui...

On retrouve tantôt un Dorian Gray innocent, tantôt pervers, damné, tantôt sur le chemin de repentir.L'ombre du tableau est délicieusement oppressante. La psychologie des personnages est au coeur d'une intrigue mêlée de romance, de noirceur et de fantastique... Cela fait du portrait de Dorian Gray une oeuvre unique, qui se conclut par une fin digne du chef-d'oeuvre d'Oscar Wilde.

Bref , c'est un livre qui fait réfléchir sur le sens que nous donnons à notre vie. Ce roman est une vraie perle bourrée d'idées morales et de beauté éternelle!
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Ce roman est un chef-d'oeuvre ! tout part d'un portrait du héros, Dorian Gray, exécuté par le peintre Basil Hallward. Ce portrait est magnifique et subjugue ceux qui le regarde, Dorian lui-même et Lord Henry leur ami commun.

Il a été exécuté avec brio car Basil voit Dorian via les yeux de l'admiration, la fascination et même l'amour. Tout n'y est que recherche et harmonie des couleurs, de l'attitude. En voyant ce portrait Dorian émet un souhait : garder l'éternelle jeunesse et que le tableau subisse les outrages du temps.

Les liens réunissant ces trois personnages sont particuliers : Lord Henry sert de mauvais génie, instillant avec perversité sa vision cynique de la société, des femmes en particulier, transformant un jeune timide en homme narcissique, imbu de lui-même, ne reculant devant rien pour assurer son emprise et sa propre réussite sociale.

Basil le peintre est un personnage pur, passionné par son art, et amoureux de Dorian, ce qui explique la beauté du portrait qu'il a réalisé. Amoureux de l'amour ou amoureux du vrai Dorian ?

« Tout portrait qu'on peint avec âme est un portrait, non du modèle, mais de l'artiste. le modèle n'est qu'un hasard et qu'un prétexte. Ce n'est pas lui qui se trouve révélé par le peintre ; c'est le peintre qui se révèle lui-même sur la toile qu'il colorie. » P 13

Oscar Wilde en fait d'ailleurs un personnage à part entière car il emploie toujours la majuscule, pour le désigner, parlant du « Portrait » qu'il oppose au héros, comme on oppose le bien le mal, le beau et le laid…

Dans ce roman, Oscar Wilde n'est pas tendre envers les femmes, c'est le moins qu'on puisse dire, elles ont des rôles vraiment accessoires, même pas secondaires, que ce soit dans la vie de Dorian que dans celle de Lord Henry. Quant à la notion de fidélité, il se déchaîne en affirmant par exemple:

« Ceux qui sont fidèles ne connaissent de l'amour que sa trivialité ; ce sont les infidèles qui en connaissent les tragédies. P 21 »

Le rythme subjugue le lecteur, les idées fusent comme des bulles de champagne et Oscar Wilde joue avec elles, et nous entraîne, même si certaines peuvent nous déranger, tant il flirte avec l'excès, le désir de choquer, en maniant comme personne le paradoxe. (Notamment certaines affirmations concernant la société ou les femmes ou tentant de justifier le comportement de Dorian ne peuvent que le hérisser.)

L'écriture est belle, peaufinée, chatoyante comme les couleurs du tableau et on sent l'admiration de l'auteur pour la peinture, (il admirait beaucoup Gustave Moreau).

Ce roman d'une grande sensualité, sera hué par la critique, car considéré comme un éloge de l'homosexualité, de la débauche.

L'idée de faire vieillir mais aussi faire apparaître la cruauté sur les traits du beau visage, à chaque « mauvaise action » de Dorian est vraiment une idée de génie, car on va voir jusqu'où celui-ci est capable d'aller pour que personne ne voit le tableau se métamorphoser.

Cette idée m'a fait penser bien-sûr à « la peau de chagrin » De Balzac que j'ai adoré et que Oscar Wilde admirait :« la mort de Lucien de Rubempré a été le drame de ma vie » disait-il.

Énorme coup de coeur:
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Chef d'oeuvre intemporel.
Lord Henry Wotton rend visite à son ami, le peintre Basil Hallward. Il découvre dans son atelier une toile représentant le portrait d'un jeune homme dont la perfection esthétique des traits, le réalisme du visage et la beauté le troublent. L'artiste lui présente son modèle : Dorian Gray, un mondain candide, héritier fortuné, qui découvre lui aussi l'oeuvre du maitre. A son tour subjugué, il émet le voeux de conserver éternellement la jeunesse reproduite sur le tableau…
Le roman d'Oscar Wilde est le fruit d'une commande de Joseph Marshall Stoddart pour son magazine. André Gide dira plus tard qu'il a été écrit en quelques jours ce qui est faux car l'auteur a accouché de son histoire en neuf mois avec toutes les peines du monde. Mais le résultat est là : une oeuvre remarquablement bien écrite dont la modernité traverse les âges sans prendre une ride. L'auteur s'est incarné dans ses trois personnages principaux. Il est Basil Hallward, le Pygmalion éprit de sa réalisation Galatée. Il est Lord Henry, mentor diabolique du jeune Dorian, qui va l'emmener loin sur les voies de la perdition, du vice et de la corruption et qui cultive l'art du discours cynique et du mot d'esprit. Il est Dorian Gray, personnage clef de son roman, qui voue son âme au diable afin de conserver une apparence juvénile, qui brave toutes les lois naturelles pour abonder à contresens de l'ordre normal et moral des êtres.
La toile est le miroir de l'âme de Dorian. Elle lui renvoie toute l'horreur de son inconséquence comportementale (Le suicide de Sybil Vane), son inconstance dans ses relations, le vice qui s'immisce en lui comme un poison qui va le dévorer. Oscar Wilde met en Dorian toutes ses propres turpitudes, la légèreté de son dandysme, « Que servirait à un homme de gagner tout le monde et de […] se perdre soi-même ? », son attachement au détail, les enluminures élaborées d'une façade dont il dénonce paradoxalement la superficialité, son comportement déviant dont il va se défendre afin de garder pignon sur rue (son mariage avec Constance Lloyd et avec qui il aura deux enfants), mais qui le rattrape inexorablement, ainsi qu'une malédiction s'y emploierait, « - chacun d'entre nous contient en lui le Ciel et l'Enfer, Basil. »
Oscar Wilde et Dorian Gray sont tout et leur contraire, écartelés entre leurs pulsions coupables et la société victorienne, ils oscillent entre le bien et le mal, irrémédiablement ramenés à leurs instincts déviants, à cette fange corrompue, cette débauche qui illumine leurs nuits et les font se sentir vivants, au-dessus de la masse des anonymes serviles esclaves d'une morale rance.
« le portrait de Dorian Gray » est l'histoire de cette malédiction qui ronge l'auteur et son héros et que seule la mort peut interrompre car il n'y est jamais question de rédemption. La seule issue où se sauver et trouver la paix est l'Au-delà.
Traduction nouvelle, préface et notes de Jean Gallégno.
Editions Gallimard, Folio classique, 378 pages.
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J' étais tout jeune homme, lorsque je lus le portrait de Dorian Gray.
Cette lecture m' habite toujours, sujet -pour moi- d'une réflexion renouvelée et lancinante sur la propension de l'homme à méfaire.
Dorian Gray est impuissant à conjurer le démon mauvais qui le ronge. Épris d'absolu, il prend la voie de ses plus bas instincts aux échos d' abandon et de facilité... le tableau, le fameux portrait, c'est le tapis sous lequel Dorian Gray cache d'horribles moutons aux relents pestilentiels. C'est son aveuglement et son existence dans un éternel présent de veulerie et de débauche... En effet, Dorian Gray ne pourrait vieillir harmonieusement, avec pareille existence.

J' ai toujours en mémoire l'excellent film d' Albert Lewin de 1945, en noir et blanc... sauf la terrifiante image du portrait final de Dorian Gray, dans des teintes particulièrement évocatrices...

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Il est difficile de ne pas succomber au charme d'un roman qui suinte l'intelligence et l'esprit. La maîtrise du langage et une pointe d'humour d'une élégance unique sont également très appréciables.
Les personnages sont superbement construits et étoffés au fil des chapitres. Ils gagneront même en voix, en personnalité et en traits d'esprit au long du roman.

Qu'on traite de l'analyse scientifique de la passion, de la vie humaine et des sentiments ou tout simplement des émois amoureux d'un jeune homme, l'histoire nous prend aux tripes, nous passionne et nous pousse à nous poser des questions.

La faculté de modeler les êtres par la beauté de l'art et de la littérature, de les éveiller et de les ouvrir à la vie et aux mystères du corps et de l'âme. Quel sujet passionnant et auquel on prête si peu attention de nous jours!
Il est tentant de faire le parallèle avec notre société de plus en plus vide, où prime le « culte de soi » et où il y a si peu de place pour les analyses profondes et les questionnements.
La réflexion sur le temps qui passe est particulièrement touchante. Oscar Wilde estime que l'homme est simultanément bon et mauvais et que son âme se dégrade au fil du temps. Chacun de nous porte le ciel et l'enfer en nous.

L'histoire prendra un tournant définitif qui nous laisse pantois, pensifs, tous sens en alerte…

Oscar Wilde a dit « Un livre n'est point moral ou immoral. Il est bien ou mal écrit. C'est tout. «

Et celui-ci est admirablement bien écrit !

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L'histoire est connue, presque mythique. Basil Hallward peint le portrait d'un jeune dandy, Dorian Gray qui n'a d'autre mérite que d'être particulièrement beau. Au cours d'une séance de pause, Dorian fait la connaissance de Henry Wotton, qui lui fait part de ses théories sur la jeunesse et le plaisir. Dorian est très fortement ébranlé par la prise de conscience du caractère éphémère de la jeunesse, dont témoignera le portrait pour l'éternité. Il émet alors le souhait de vendre son âme pour conserver cette jeunesse.

Peu de temps après, Dorian s'éprend d'une jeune actrice qui joue dans un théâtre populaire. Une mauvaise prestation suffit à rompre le serment qui l'avait engagé auprès d'elle. La malheureuse met fin à ses jours. C'est à ce moment que Dorian se rend compte que la bassesse de son attitude a produit une dégradation du portrait, en ajoutant une touche de cruauté au visage peint. La mauvaise influence de Lord Henry, ainsi que le manque de discernement du jeune homme le conduira sur des chemins tortueux de méfaits, de trahison, de bassesse, explorant les territoires du plaisir obtenu sans aucune concession, et sans aucune considération pour le mal qui en découle. Si le visage de Dorian reste immuable dans sa beauté juvénile, le portrait porte tous les stigmates de cet avilissement, dans une inexorable dégradation des traits à l'unisson avec sa déchéance morale.

C'est aussi l'occasion pour l'auteur d'épingler les travers de cette société bourgeoise anglaise, dilettante et oisive. Une sévère diatribe est également exposée à propos des femmes, de leur superficialité, et de la prison que constitue le mariage.

Ce livre m'a profondément impressionnée : pourtant je connaissais l'histoire, mais est-ce le fait de l'avoir lu en VO et donc avec une concentration particulière, j'en ai même rêvé (et en anglais!). L'écriture est très efficace, très poétique également. C'est une manière adroite et intelligente de traiter le mythe de l'éternelle jeunesse tout en se livrant à une réflexion approfondie sur le bien et le mal, la corruption liée à la vie en société.
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Je ne sais trop comment écrire une chronique de ce chef-d'oeuvre littéraire car je n'y rendrais pas suffisamment hommage.

Dorian Gray est un jeune dandy d'une extrême beauté. Son ami et peintre, Basil Hallward, réalise un portrait de lui d'une parfaite beauté. Manipulé par les paroles odieuses et immorales du cynique Lord Henry Wotton, il va faire le voeu d'être toujours semblable à ce portrait si beau et jeune de lui. Contre toute attente, son voeu va être réalisé : sa beauté ne sera pas altérée malgré la dureté de la vie et des épreuves qu'il traversera. Cependant son portrait va refléter la noirceur de son âme et de sa décadence. Il va souhaiter se rattraper et devenir bon mais cela sera-t-il suffisamment ? N'est-il pas trop tard pour lui ? Sa duplicité suffira t'elle ?

Oscar Wilde nous livre, après diverses oeuvres, son seul et unique roman : le portrait de Dorian Gray.
Ce roman basé sur la beauté, la duplicité et la décadence a une certaine forme théâtrale, de part son histoire tragique.
Les personnages sont en totale opposition.
Pour commencer, nous avons Basil Hallward. Ce peintre talentueux qui essaie tant bien que mal de protéger Dorian Gray des étrangetés de la vie. Il aimerait qu'il puisse garder cette insouciance que seul les jeunes ont et éprouve pour lui un amour sincère.
En opposition, nous avons Lord Henri Wotton, totalement cynique et débitant un flot de paroles immorales sans se soucier de l'impact que cela peut produire sur les autres. Sa façon d'être va bouleverser la vie de Dorian Gray et le conduire à sa perte.
Pour terminer, nous avons Dorian Gray, qui au départ est totalement insouciant et va se retrouver à vouloir connaître tout ce que la vie peut offrir que ce soit bien ou mal. Il va avoir une vie dépravée et pousser sa fiance Sibyl Vane au suicide alors qu'elle aurait pu le sauver. Il va atteindre des limites inacceptables et va se remettre en question car cela va le hanter. Mais une âme noircie ne peut être sauvée aussi facilement.

L'histoire est totalement captivante et c'est avec tristesse que je suis arrivée bien vite à la fin de ce roman.
J'ai réellement apprécié cette façon de transférer l'âme de Dorian Gray sur son portrait et que cela reflète sa noirceur la plus profonde, car rien n'est plus beau que la profondeur de l'âme.

Un roman à lire sans modération.
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