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EAN : 9782493213143
192 pages
NOUVEL ATTILA (26/08/2022)
4.04/5   23 notes
Résumé :
Été 2014. Coupe du monde de football. Anna rencontre Jonas à l’université. A l’occasion d’un anniversaire très alcoolisé, ils passent la nuit ensemble. Anna dira qu’elle a été violée. Jonas qu’il s’agissait d’un rapport consenti. Deux mois plus tard, une plainte est déposée. Ce texte écrit à la manière d’un podcast interroge les acteurs du drame, mais aussi leurs amis, colocataires, frères et sœurs, pour tenter de percer la zone grise trop souvent invoquée.
Que lire après Ça n'arrive qu'aux autresVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Quel roman saisissant de la jeune autrice allemande Bettina Wilpert traduit par Julie Tirard aux éditions Le Nouvel Attila ! Par une construction neutre et froide dans la narration des faits, il rend l'état des choses encore plus intenable.
C'est arrivé à la jeune Anna un soir d'été 1974 pendant la finale du match de football. Anna termine ses études, elle connaît Jonas dont elle apprécie la culture , leurs points communs et leurs divergences font le sel de leurs échanges. Tous les 2 sans être de véritables amis apprécient de se voir et se parler de temps en temps.
Alors que dire quand « l'affaire », « la chose », lui arrive par Jonas et qu'Anna ne parvient même pas à nommer. Un état de souffrance qui la rend malade dans son corps et dans sa tête.
Pour Jonas, c'est un acte sexuel consenti. Il nie avoir commis un viol sur Anna et pire encore lui ôte même son existence par son déni insupportable.

C'est un roman très fort et percutant qui progresse comme une enquête afin de savoir s'il y a eu viol ou non. La voix journalistique en off donne le ton juste et ferme. Sous l'oeil réticent de la société à reconnaître le droit des femmes, le viol s'arrache du fait divers pour se montrer au public dans toute sa violence et ses conséquences dramatiques sur toute une vie. Chacun s'exprime, Jonas, Anna, leur famille, leurs amis. Impartial dans les évènements, nous suivons aussi bien Anna que Jonas.
La voix de l'autrice est absolument convaincante. Elle donne à son roman la force du témoignage radiographié au plus près. J'en suis sortie groggy et forte à la fois. Il éveille nos consciences, femme et homme, il est sans genre. Une mention spéciale pour le langage inclusif dans le roman. Ca n'arrive qu'aux autres s'adresse à tout le monde car nous sommes humains.
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2014, Leipzig. Anna et Jonas se rencontrent à l'université par l'intermédiaire d'un ami commun, Hannes, s'entendent bien, et passent une première nuit ensemble, alors qu'ils sont particulièrement alcoolisés. Durant l'été et un match de coupe du monde, Hannes organise l'anniversaire de ses trente ans. Anna et Jonas se retrouvent, et passent une seconde nuit ensemble, alors qu'ils sont encore plus alcoolisés que la première fois. Sauf que, cette fois, Anna n'était pas consentante. Après quelques mois, et une rencontre impromptue d'avec Jonas, elle décide de porter plainte. Sauf que, selon Jonas, Anna était tout à fait consentante. C'est le début d'un long chemin de croix, fait de rumeurs et de jugements pour la jeune femme.

Pour présenter cet état de fait on ne peut plus malheureusement banal, celui d'un viol durant une soirée trop alcoolisée, Bettina Wilpert choisit une approche intéressante puisqu'elle confronte les points de vue de tous les personnages, protagonistes ou témoins, de cette soirée, ou de l'entourage de la victime et du coupable. Ainsi, entre les points de vue d'Anna et de Jonas qui restent centraux, surtout celui de la jeune femme, nous retrouvons aussi ceux d'Hannes, de la colocataire d'Anna, de sa soeur, de son avocate ; de l'ancienne petite-amie de Jonas, de sa mère...

Et les points de vue, sans surprise, diffèrent, selon que l'on se place du côté de la victime ou du coupable, mettant en évidence toute la difficulté, lorsque l'on est femme, d'être immédiatement crue dans cette situation, surtout lorsque l'homme coupable semble bien sous tous rapports.

A travers les propos de tous ces personnages, Anna en tête, l'autrice décrit avec beaucoup de clairvoyance la culture du viol qui prédomine dans nos sociétés, et la définition même de viol et de consentement, encore juridiquement floue, dans de nombreux pays - a-t-elle dit non ? -. Une lecture nécessaire pour prendre conscience des mécanismes en jeu dans ces situations bien trop communes.
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Anna et Jonas, deux jeunes étudiants allemands, ont un point commun : ils n'aiment pas le foot. Et ils ont aussi plein de différences, ce qui leur vaut des discussions et débats passionnés et une attirance réciproque qui les amène à passer une première nuit ensemble. L'histoire aurait pu en rester là sauf que lors d'une soirée trop alcoolisée se produit "ce qui n'arrive qu'aux autres" : un viol.

Toute la force de ce court roman pourtant si percutant tient dans le fait qu'il oblige son lecteur à se mettre dans la peau d'Anna et à imaginer ce qui semble inconcevable: un viol par un ami, un étudiant bien sous tout rapport, quelqu'un qu'on croise régulièrement aux soirées et qui fréquente la même bande que la sienne... le roman est écrit à la manière d'une enquête journalistique ou d'un compte rendu, en courts chapitres quasi sans émotions qui collent au plus près des faits et de la vérité et tentent de comprendre l'innommable et ce qui semblait de prime abord impossible. Anna n'aurait jamais pensé se retrouver dans cette situation (et oui... ça n'arrive qu'aux autres... ça n'arrive pas dans un environnement familier, une soirée festive entre amis, avec un amant occasionnel...) et sa réaction est d'abord le déni, elle se terre chez elle, s'enferme dans sa souffrance, refuse de reconnaître et de dire ce qui lui est arrivé. Viendra ensuite le temps de la prise de conscience et de la plainte à la police, avec là aussi un parcours qui loin d'être simple et adapté à la souffrance de la victime va au contraire l'obliger à se battre sans aucune certitude que sa plainte soit entendue et jugée.

Bettina Wilpert a un vrai talent pour mettre le doigt là où ça fait mal et pour interroger toute la complexité du consentement. En donnant la parole non seulement à Anna mais aussi à Jonas (qui va nier les faits, pour lui il s'agissait d'un rapport consenti, Anna avait trop bu et ne se rappelle plus de la soirée ou a eu des remords et a choisi de l'accuser), à leur amis communs, à tous ceux qui les ont croisé avant et après les faits, elle nous montre toute la difficulté qu'il peut y avoir à prouver ce genre de crime quand il ne reste plus que la parole de l'un contre l'autre et le secret de ce qui a pu se passer dans une chambre loin des yeux du reste du monde. Ce roman est un uppercut, il frappe fort, il fait mal. Loin de rendre ses personnages aimables, l'auteure colle au plus près de la réalité, tout n'est pas blanc ou noir, on est comme le dit la 4e de couverture dans la "zone grise" et c'est bien ce qui est compliqué. Tous s'interrogent : les amis qui ont laissé Anna complètement saoule partir avec Jonas dans sa chambre, Anna qui aurait voulu aurait dû s'en veut de ne pas s'être enfuie, Jonas qui semble incapable de comprendre la parole d'Anna et s'obstine dans le déni. La situation semble si banale (deux étudiants qui couchent ensemble une nuit, une soirée très alcoolisée) et pourtant elle sera lourde de conséquences pour l'ensemble des protagonistes.

Ca n'arrive qu'aux autres n'est pas forcément une lecture agréable : ce livre m'a parfois mis mal à l'aise, il pose tant de questions qu'on finit par douter, par ne plus savoir ce qui est vrai et où commence la rumeur. Et en même temps il fait mal quand il démontre sans grands discours à quel point les victimes de viol ne sont pas reconnues, ont très peu de chance d'obtenir justice et doivent faire preuve d'un courage hors norme pour affronter une procédure judiciaire qui permettra malheureusement rarement de faire éclater la vérité. C'est un livre qu'il faudrait recommander et faire lire à tous, pour un peu mieux se comprendre, pour sortir du tapage médiatique et des simplifications ridicules que provoquent généralement ce genre d'histoires. Bravo à Bettina Wilpert pour le talent avec lequel elle réussit à nous transmettre ce message et pour la force qu'elle a insufflée à ce texte si court et pourtant si plein de force. Un livre qui mériterait d'être un peu plus mis en valeur dans cette rentrée littéraire chargée !


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Ce roman - j'ai plutôt envie de dire "récit" - parle d'un sujet d'actualité, les violences faites aux femmes, et les conséquences pour elle : le récit montre bien que les conséquences sont toujours pour les femmes, physiques, psychiques, mais aussi sociales - ce n'est pas le violeur présumé qui est mis au ban de la société. le pari était risqué de présenter une victime comme pas vraiment sympathique. Pour employer un langage de journaliste, ce n'est pas une "bonne" victime. Au contraire, le violeur présumé (encore du langage juridique pour moi) est présenté comme sympathique, sa famille, ses amis, en sont sûrs, il ne peut être un violeur de par l'éducation qu'il a reçu (féminisme), de par sa fidélité envers ses compagnes successives. Il ne correspond pas aux clichés autour du violeur telle que la société le montre donc il ne peut pas l'être. Puis, penser qu'il puisse être un violeur, c'est remettre en cause tout un système de pensée pour ses proches, et cela, ce n'est pas possible pour eux.
Le style adopté est froid, journalistique. L'utilisation du présent de narration rend le récit intemporel, comme si, finalement, la victime ne pouvait jamais sortir de ce qu'elle avait vécu.Il se dégage aussi le constat que la justice n'est jamais en faveur des femmes, que les lois sont des lois, mais qu'elles sont largement perfectibles. Déprimant ? Oui.
L'alternance des points de vue entre les personnages, qui nous permet non pas d'avoir une vision juste de l'histoire, mais de connaître les sentiments ambigus des personnages, comme Hannes, le meilleur ami d'Anna - jusqu'à ce qu'elle accuse Jonas de viol. Croire Anna reviendrait à remettre en cause trop de choses, notamment la bonne conscience de la majorité des personnages présentés. 
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D'utilité publique !
Que « Ça n'arrive qu'aux autres » ait toute sa place dans les ministères, les lycées, les bibliothèques, les librairies, les antres familiaux et plus…
Une urgence de lecture !
« Ça n'arrive qu'aux autres » est un récit sociétal et politique. Il décortique des carcans ubuesques de la justice en Allemagne et partout dans le monde. Il a cette valeur universelle des dires au plus près des vérités.
Il pointe du doigt là où ça fait mal, tout en subtilité, droiture et équité. Car oui, ce livre lève le voile sur un drame, celui d'un viol et de ses conséquences. Plus loin encore, il rassemble l'épars d'une justice qui ne répond qu'aux lois seules.
Formidablement maîtrisé, d'une extrême maturité, sans partie pris, ce récit est l'exactitude mise à nue.
Bettina Wilpert est douée. La trame même, est l'enquête.
Anna est une jeune femme brillante, d'origine ukrainienne, qui vient d'achever ses études, et aime passer son temps libre à la bibliothèque. Elle travaille dans ses soirées dans un bar jusqu'au bout de la nuit. Jonas, lui, est étudiant et poursuit sa thèse. Il aime la littérature ukrainienne. Il est radicalisé, ses parents sont aisés, il a tous les atouts en main sauf une rupture avec une compagne. Il est libre. Ils font plus ample connaissance. Fondent leurs points communs et leurs divergences, apprennent une langue commune, celle de l'attirance et de la curiosité, la jeunesse au garde-à-vous.
Ils boivent un peu, beaucoup, passionnément. C'est l'été, celui de 2014, et « l'Allemagne joue en quart de finale. »
Ils passent une première soirée ensemble jusqu'à la chambre de Jonas d'un commun accord et dans la fragilité d'une première fois.
Puis Anna est invitée à la fête d'anniversaire d'Hannes le colocataire de Jonas.
« Le lendemain, Hannes trouve le portable d'Anna dans l'herbe près du toboggan. »
« Jonas dit qu'elle était consentante. Il a utilisé une capote après tout. Non, elle ne s'est pas défendue. C'était moins bien que la première fois, peut-être parce qu'ils étaient saouls. »
Anna sait avoir été violée. Se terre chez elle, biche aux abois, le ventre souillé, victime d'une soirée vulnérable. Jonas est en déni jusqu'au jour où Anna va porter plainte. La polyphonie donne des indices. La choralité est journalistique. Les draps lavés là vive allure, l'anxiété de Jonas. Chacun, ici, apporte un élément clé. Jonas est regardé en biais, parfois refoulé  comme une personne à bannir. le cercle d'amis trouve son camp. Seul Hannes est le trait d'union. Nous sommes en Allemagne et comme l'exprime Benoît Virot, l'éditeur, dans la gazette du Nouvel Attila, « il a été écrit alors que la loi allemande associait viol et violence, loi qui a été depuis modifiée. » Nous sommes dans l'ère de MeToo et toutes ses ambiguïtés. Anna est le bouc-émissaire d'une fragilité de loi et l'attente du verdict pour Jonas et Anna semble le Rocher de Sisyphe. Ce livre choc est éclairant, « Si Anna a ressenti ça comme un viol, c'en est un. » « S'il se rappelle bien, un non ne suffit pas, c'est ça ? C'est ça. »
Sans pathos, ce récit n'est pas un tribunal, il démonte un à un les faits et creuse jusqu'à trouver la justice. Quid de la victime et du coupable ? Mais une loi reste la loi. Que va-t-il se passer ?
« A qui vous êtes-vous confiée ? Pourquoi ne portez-vous plainte qu'aujourd'hui, deux mois après les faits ? »
Lucide, dans une contemporanéité prodigieuse, criante de vérité, déjà adapté « en livre audio et au théâtre à trois reprises, il sortira bientôt sur les écrans de télévision allemands », est un tour de force. C'est une chance inouïe pour nous que Bettina Wilpert écrive ainsi. Traduit avec brio de l'allemand par Julie Tirard, ce livre est incontournable et le temps ne passera pas sur lui. Il est dans cet intemporel de donner foi à la parole de l'autre pour toujours. À noter une première de couverture explicite de François-Xavier Delarue. Je cite : Les yeux soulignent le thème du regard : caché, coupable, omniscient, privé public. Les lèvres reflètent un livre axé sur la parole, exclusivement constitué de témoignages rapportés. Elles disent la parole empêchée, le cri et la morsure, face au silence. Chacun de ces sentiments est ambivalent et peut correspondre à chacun des deux personnages d'Anna et Jonas. Essentiel, la mission même de la littérature engagée.
Publié par les majeures éditions Le Nouvel Attila.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Elle n'est pas moche, non. Mais pas jolie au point qu'il se dise waouh. Ce qui arrive rarement de toute façon. Bien sûr qu'il trouve plein de femmes belles, mais ça ne veut pas forcément dire qu'il veut coucher avec elles. C'est pareil pour les hommes : il est capable de dire quand un homme est beau. C'est juste rare qu'il soit renversé. Jusque-là il n'a été amoureux que de deux femmes – l'une vient de le quitter après sept ans de relation. Ce n'est pas dramatique en soi, mais ça a mis du temps à se finir. Depuis il se sent triste et fait tout son possible pour penser à autre chose, en travaillant sur sa thèse notamment. Les coups d'un soir, ce n'est pas son truc.
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