C'est un roman qui se lit bien. Mais tout reste très froid et un peu prévisible. Les personnages son plus près des archétypes que du réel. Pour une fable c'est un peu long et pourtant on sent qu'on est proche. Un portrait un peu trop décharné de la Chine contenporaine sans ce soucier trop dune vrai construction de roman.
Commenter  J’apprécie         10
Il existe en ce monde trois catégories d’individus : ceux qui s’aiment et aiment les autres, ceux qui s’aiment et n’aiment pas les autres, enfin ceux qui ne s’aiment pas et n’aiment pas les autres. C’est à cette dernière catégorie que j’appartiens : je ne m’aime pas et je n’aime pas les autres. J’ai parfois le sentiment que la vie n’est qu’un fantasme. On n’attrape rien, on ne garde rien. On ne fait qu’attendre la mort.
J’ai gagné beaucoup d’argent, mais les gains me laissent désormais indifférent. La vie est pour moi dépourvue d’intérêt. Je suis allé consulter un moine dans le temple de Shouyang. Son nom de moine est Hailiang (Lumière de la Mer). On l’appelle Grande Vertu. Il ne m’a enseigné aucune vérité qui puisse me guider dans la conduite de ma vie. En revanche, il n’a pas cessé de mendier : un jour trois mille yuans pour réparer le temple, le lendemain cinq mille pour une statue de Bouddha. Il a ainsi réussi à me soutirer quelque trente mille yuans. Il m’arrive de penser que je ferais mieux de m’offrir les services d’une pute qui, au moins, me donnerait quelques instants de bonheur en échange de mon argent. Il n’a à la bouche que les mots de justice et de vertu. Il prêche qu’en ce monde tout n’est que vanité.
La première fois que j’ai couché avec elle, elle a essayé de me faire croire qu’elle était vierge. Elle a grimacé et grincé des dents en se tortillant comme une épileptique. L’épreuve terminée, elle s’est longuement lamentée et m’a demandé si je l’aimerais toute ma vie. Comment était-il possible de donner une garantie pour une aussi longue période ? L’amour s’arrête le jour où il s’arrête. Un point c’est tout. La question n’avait aucun sens. Je n’éprouve aucune admiration pour la virginité et je sais, d’autre part, qu’une membrane intacte n’est pas nécessairement une preuve de fraîcheur. En tout cas, ce n’est pas à un vieux renard comme moi qui a longtemps bourlingué dans la poussière rouge qu’on peut en faire accroire.
À l’époque, ce n’était pas comme aujourd’hui, les Mercedes Benz étaient rares et ne passaient pas inaperçues. Quand, sur le trottoir, il avisait une belle jeune fille qui se promenait seule, il lui suffisait de passer sa tête à la portière et de l’appeler pour que, sans se faire prier, elle s’engouffrât dans la voiture. Mais les choses ont changé très vite. Avec le développement économique, les multimillionnaires pullulent désormais comme les mouches sur la viande pourrie. Ren Hongjun a vieilli et s’est voûté. Il a perdu son prestige et se retrouve noyé dans la foule des anonymes.
La profession d’avocat transforme l’homme en un individu sournois et intrigant. En quatorze ans d’exercice, j’ai traité des centaines d’affaires, tant civiles que criminelles. Il s’agissait dans tous les cas d’attaquer et de subir les attaques. Au fil des ans, j’ai développé une carapace qui m’a rendu invulnérable. Je n’ai pas d’amis, je ne dis jamais la vérité et n’ai confiance en personne, ce qui selon les critères de notre époque me permet d’être considéré comme un personnage hautement respectable.