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sur 1228 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Irvin Yalom fait partie des auteurs dont le lectorat exigeant et habité de questionnements existentiels apprécie le talent de vulgarisation.

L'idée de faire cohabiter dans un même roman Baruch Spinoza, le philosophe du 17ème siècle, et Alfred Rosenberg, l'idéologue du national-socialisme, est pour le moins originale. Irvin Yalom prend visiblement plaisir à relever les défis audacieux et son roman ''Le problème Spinoza'' met en parallèle le parcours de vie de deux hommes à trois siècles d'intervalle, deux hommes que tout sépare hormis peut-être la célébrité posthume.
Deux essais, le premier complexe, le second effrayant, ont servi de base à cette oeuvre romanesque. Psychiatre de formation et féru de philosophie, Irvin Yalom a trouvé tour à tour dans “l'Éthique” de Spinoza et dans “Le Mythe du vingtième siècle” de Rosenberg le terreau inspirateur à ce roman qui restitue alternativement d'un chapitre à l'autre la pensée du philosophe juif et celle du criminel nazi.

Rationaliste par excellence, Spinoza croyait à une religion universelle de la raison dans laquelle Dieu est la Nature. Pour Spinoza il n'y a pas de bonheur éternel dans l'au-delà, parce que l'au-delà n'existe pas. Son excommunication à l'âge de 24 ans par la communauté juive d'Amsterdam l'obligera à adopter une condition de paria jusqu'à la fin de sa vie. Cet inconfort extrême ne l'empêchera pas de poser les bases d'une philosophie novatrice et d'être reconnu comme un précurseur des Lumières. Depuis lors, beaucoup se reconnaissent dans le spinozisme, ainsi l'illustre Goethe vénérait-il la pensée de Spinoza.

C'est bien là que le bât blesse et le théoricien nazi Rosenberg se perd en conjectures : comment le grand Goethe, l'emblème, la fierté du peuple allemand depuis un siècle, a-t-il pu être subjugué par les écrits d'un juif ? Comment a-t-il pu écrire que Spinoza était un être remarquable ?
Adepte depuis l'adolescence des thèses racialistes de l'écrivain Chamberlain selon lequel subsiste à l'état pur en Allemagne une race supérieure, Rosenberg sera obnubilé sa vie durant par la préservation de cette soi-disant pureté de la race aryenne. Il pensait déjà dans les années vingt que la question juive ne serait résolue que le jour où le dernier juif aurait quitté le grand espace allemand.
Le délire paranoïaque de Rosenberg verra son ultime concrétisation deux décennies plus tard dans l'horreur de la “Solution finale”.

Spinoza et Rosenberg épanchent leurs états d'âme respectifs auprès de personnages fictifs tout droit sortis de l'imagination de l'auteur. Des esprits chagrins ne manqueront pas de souligner la grande latitude avec laquelle Irvin Yalom revisite l'Histoire. Qu'importe ! La grande majorité des lecteurs devrait apprécier la construction savamment étudiée de ce roman.
Le Problème Spinoza” semble dépasser les bornes du roman historique mais les fantaisies de l'écrivain ne sont jamais hors du champ du plausible.

Il est rare de trouver un livre à ce point passionnant de bout en bout et la pensée de Spinoza traduite par Irvin Yalom est d'une incroyable limpidité comme en témoigne ce court extrait :
”Il semble paradoxal de dire que les hommes sont plus utiles les uns aux autres quand ils suivent chacun leur propre chemin. Mais il en va ainsi lorsqu'il s'agit d'hommes de raison. Un égoïsme éclairé mène à l'entraide. Nous avons tous en commun cette capacité à raisonner, et le vrai paradis sur terre adviendra le jour où notre engagement à comprendre la Nature, ou Dieu, remplacera toutes les autres attaches, qu'elles soient religieuses, culturelles ou nationales.”

Les espérances utopiques du grand philosophe ne sont malheureusement pas près de se réaliser. L'actualité apporte chaque jour son lot de malheurs et la barbarie des hommes semble sans limite et sans fin comme si les enseignements tirés des périodes les plus sombres de l'Histoire étaient vite oubliés.

Heureusement, quelques artistes arrivent encore de temps à autre à éveiller les consciences par leur faculté à entrevoir la face cachée des choses, à mettre en lumière l'inacceptable.
Un portraitiste du clair-obscur aurait peut-être été le plus à même de saisir l'âme tourmentée de l'idéologue nazi Rosenberg, de transposer sur la toile sa terrifiante noirceur !
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Un très bon moment de lecture assurément que ce "Problème Spinoza", un récit qui mêle Histoire, philosophie et psychanalyse avec habileté.
Je découvre à cette occasion Irvin Yalom qui, en plus d'écrire de façon remarquable, est également docteur en médecine depuis 1956 et professeur émérite de psychiatrie à Stanford depuis 1994.
De psychanalyse, il en sera fortement question dans cet ouvrage qui nous propose deux biographies mêlant réalité historique et fiction, l'auteur ayant la bonté de nous instruire à la fin du livre dans sa génèse pour démêler le vrai et le romanesque.
Nous suivrons un chapitre sur deux Spinoza le philosophe et l'idéologue nazi Alfred Rosenberg à travers le regard du psychanalyste qu'est Irvin yalom, et c'est tout bonnement passionnant, j'ai rarement vécu une lecture autant stimulante intellectuellement parlant.
La partie historique ne sera pas en reste, l'histoire de Spinoza est assez incroyable si l'on considère qu'il fut excommunié et exclu de la communauté juive avant de devenir un philosophe éminemment respecté et précurseur du siècle des lumières, il inspira également de nombreux philosophes de renom dont Goethe.
Bravo à l'auteur d'avoir essayé et souvent réussi à nous faire entendre la philosophie de Spinoza semble-t-il réputée pour être assez hermétique, il donne de plus de bons conseils pour lire ce qu'a écrit le maître.
Captivant aussi cette plongée dans la culture juive du 17ème siècle et cet éclairage sur la religion.
Il me reste à dire que le style est magnifique, que les dialogues sont captivants et que le livre est remarquablement structuré.
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Un livre intelligent et raffiné qui me permettrait de comprendre la pensée de Spinoza (comme beaucoup j'ai abandonné au bout de deux pages son Ethique, j'en ai encore des suées), le tout sous forme de roman pseudo-biographique… oui ça existe vrai de vrai et on le doit à Irvin Yalom. Attention, attendez-vous à un déluge de compliments car j'ai tout aimé, absolument TOUT ! de l'écriture en passant par l'histoire, les personnages, la morale, le rythme… TOUT ! Je mets un 19/20 (oui c'est mon côté tatillon) à ce roman qui a pris le parti d'imaginer (à partir de détails biographiques tout de même), un pan de la vie de Baruch Espinoza, le fameux philosophe Hollandais (et juif) du XVIIe siècle et celle d'Alfred Rosenberg, théoricien de la pensée nazie, farouche antisémite. Deux hommes qu'à priori tout oppose si ce n'est que pour son malheur, Alfred Rosenberg éprouvait une admiration sans bornes pour le philosophe. D'où un épineux problème de conscience : admirer un intellectuel juif et se sentir proche de la pensée d'une race jugée « inférieure » et « nuisible », est-il compatible avec son idéal aryen, celui qu'il incarne et défend avec tant de hargne et de conviction ? Soyons francs, cette idée de départ m'a tout de suite séduite. Alterner le jour et le nuit, la raison pure et la déraison c'était excitant et cela a parfaitement fonctionné du début jusqu'à la fin, sans aucune fausse note ni essoufflement. Les joutes verbales et philosophiques des deux personnages ont été un vrai plaisir de lecture, rythme et fond qui ont fait chauffer ma cervelle peu encline à la philosophie !

Je pourrais donner moult raisons pour lesquelles j'ai adoré ce roman (mais je pourrais écrire un roman alors refrénons-nous pardi !). Je me concentrerai sur certaines. Tout d'abord, Irvin Yalom n'est jamais tombé dans le cliché ou la facilité : d'un côté le gentil Spinoza (qui on l'apprend s'est caractérisé par un égoïsme farouche au nom de ses principes, préférant se couper de sa famille, les « isoler » au sein de la communauté juive plutôt que de renoncer à ses idéaux) ou le très méchant Rosenberg (qui bien que loin d'être un saint, était aussi et avant tout un pauvre type méprisé par les grands dignitaires nazis - Hitler le premier). Il me faut aussi ajouter que grâce à notre auteur, j'ai enfin compris les aspirations de Spinoza (qui l'eut crû) : la religion et ses dogmes tels qu'enseignés par les religions du livre sont irraisonnables et absurdes et de fait sont impossibles. Il ne s'agit que de mythes créés de toutes pièces par des hommes tout ce qu'il y a de plus mortels pour contrôler les peuples et non la véritable parole divine. J'ai enfin pu appréhender la richesse de sa pensée et ses fondements, le tout mis en lumière au moment où rejetant les dogmes du Judaïsme, Spinoza est mis au ban de la société juive d'Amsterdam, frappé d'un Hérem, c'est-à-dire l'excommunication à vie, combat de la raison pure contre le poids de la communauté et de ses croyances superstitieuses. Quant à Alfred Rosenberg, bien qu'ignoble dans sa bêtise et sa haine, Irvin Yalom en fait un personnage tourmenté et peu sûr de lui, recherchant en permanence l'approbation des autres ; l'assentiment et l'amour d'Hitler étant son but et obsession ultimes, un mirage.

Si avec tout ça vous hésitez encore je n'y comprends rien! Et pourtant, un roman intelligent, accessible, original, très bien écrit et enlevé, que demander de plus ?
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Au carrefour du récit historique, du roman policier, de la biographie et de la philosophie, "Le Problème Spinoza" est une introduction captivante à la pensée de ce philosophe et cherche les raisons pour lesquelles l'officier nazi Rosenberg était fasciné par sa personnalité et sa pensée.

Irvin Yalom a certes pris quelques libertés avec L Histoire en inventant des interlocuteurs recueillant les états d'âme de Spinoza et Rosenberg mais il retrace avec habileté le cheminement de l'auteur de L'Éthique, issu d'une famille juive portugaise ayant fui l'Inquisition pour s'installer en Hollande, excommunié en 1656, à 23 ans, par la communauté juive d'Amsterdam et dont l'oeuvre bouscule les convictions antisémites d'Alfred Rosenberg.
Irvin Yalom essaie de démontrer comment Rosenberg, ce farouche anti-juif, se trouve confronté d'une façon obsédante à la pensée de Spinoza grâce à Goethe qu'il vénère et qui admirait le philosophe. L'auteur nous plonge dans le raisonnement réfléchi et audacieux de Spinoza et dans celui perturbé et détestable de Rosenberg.

J'ai apprécié la manière dont l'auteur a construit ce roman en faisant se côtoyer des personnages qui n'ont rien en commun et qui ont deux parcours atypiques. Il utilise avec habileté ses compétences de psychothérapeute pour nous faire découvrir leur vie intérieure, en inventant des interlocuteurs fictifs afin de nous proposer dans un rythme soutenu des dialogues riches et passionnants. On sait peu de choses concernant Spinoza mais Irvin Yalom souligne avec ingéniosité son esprit critique et fait une présentation intéressante et accessible des questions qui fondent sa philosophie et ses réflexion sur la religion, la liberté, la communauté… Rosenberg, quant à lui, individu suffisant, médiocre et entêté, se montre incapable de « penser » au sens où Hannah Arendt employait ce mot, et sa fascination devient rapidement souffrance puis maladie mentale. le contraste est frappant entre celui qui sacrifie sa vie personnelle et se démarque de sa communauté afin de privilégier sa liberté de penser et l'autre qui est désorienté par son sentiment de non appartenance à un peuple et veut appartenir à une communauté qui semble sans cesse le rejeter.

Il faut toutefois garder à l'esprit qu'il s'agit ici d'une sorte de biographie romanesque qui ne peut donc avoir la crédibilité de la biographie historique. Irvin Yalom le rappelle à la fin de son livre. Certains lecteurs, dont des écrivains célèbres, ont certes affirmé qu'ils avaient mieux saisi l'esprit d'une époque dans l'oeuvre d'un grand romancier que dans les ouvrages historiques qu'ils avaient lus. On retrouve dans ce livre le sentiment d'André Gide selon lequel il voyait « le roman comme de l'histoire qui aurait pu être, et l'histoire comme un roman qui avait eu lieu ».
Cet ouvrage constitue une belle introduction à la philosophie de Spinoza ainsi qu'une courte initiation à la psychanalyse et son usage pour comprendre des personnages. Il est très documenté, ce qui permet au lecteur de s'immerger dans deux époques différentes et de se passionner à la lecture des destins si opposés de ces deux hommes.
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Irvin Yalom est un as pour mettre en scène des personnages historiques, en les imaginent dans des dialogues, qui, mine de rien, contiennent un maximum d'informations, et le lecteur progresse ainsi sans douleur dans la connaissance de ces personnages, au delà de la vie quotidienne, jusque dans leur vision du monde.

Il en fut ainsi pour Freud et Nietzsche dans Et Nietzsche a pleuré. C'est à nouveau le cas pour Spinoza et Rosenberg. Certes ces deux là n'ont jamais pu se rencontrer puisque Spinoza exposa ses idées suffisamment clairement pour être mis au ban de la société juive néerlandaise où il vivait au dix-septième siècle, alors que Rosenberg fut rédacteur de l'organe de presse officiel de NSDAP, à l'époque où ce parti dirigé par Hitler mit en place ses funestes plans.

Le lien se crée entre les deux hommes, parce que Rosenberg, dont il fut difficile de dire s'il était crétin ou génie, tant ses écrits étaient confus, Rosenberg était fasciné par le fait qu'un antisémite comme Goethe puisse admirer Spinoza le juif.

Le roman est également un prétexte pour fustiger, via Spinoza, le dogmatisme des religieux qui font autorité, et qui au nom d'une interprétation peu crédible des écritures, qui ne sont pas d'émanation divine, mais bien la transmission de discours anciens éventuellement déformés, peuvent asservir et contrôlés la foule des fidèles.

La philosophie de Spinoza ne fait pas l'objet d'une analyse exhaustive, mais les principes fondateurs, et le contexte social au sein duquel ils ont vu le jour sont clairement exposés. Et la tâche n'a sûrement pas été facile, car les données personnelles sont maigres dans les archives, la correspondance n'ayant pas été publiée.

L'on perçoit également avec précision les mécanismes qui ont abouti en Allemagne à la montée du nazisme et son cortège d'horreurs.

C'est une lecture facile, instructive et très agréable.
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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A trouver le nom de Spinoza en titre d'un ouvrage on est surpris de le voir associé à celui d'un Alfred Rosenberg, l'idéologue du parti nazi.

Rosenberg, personnage en retrait, plus introverti, moins exposé que ceux avec qui il partagea le banc des accusés au procès de Nuremberg, nourrissait en lui-même trois contrariétés souveraines. Il n'était en premier lieu pas aimé des têtes d'affiche du parti, au premier rang desquels son idole Hitler. Ce dernier ne le gratifiant de compliments que pour les diatribes racistes enflammées qu'il publiait dans le journal dont il était rédacteur en chef. En second lieu, son arbre généalogique pouvait faire ressortir, à qui aurait su fouiller les archives, une lointaine ascendance juive. Et enfin, il se confrontait au problème Spinoza.

L'obsession principale d'un idéologue tel que lui étant la légitimation de ses théories, plus ces dernières sont scabreuses, voire malsaines jusqu'à être nauséabondes, plus le recours aux références du passé lointain s'impose pour dissoudre leurs fondements dans le bourbier d'une mémoire invérifiable. C'est l'exercice auquel se livre Rosenberg dans son intention de soutenir la thèse de la nature vénéneuse de la race juive, en remontant bien au-delà du siècle qui a vu naître Spinoza, le penseur juif d'ascendance portugaise dont la famille persécutée avait trouvé refuge aux Pays Bas. Mais Spinoza pose problème dans l'argumentation historique du théoricien du fait de l'aura qu'il a auprès des penseurs allemands de souche, au premier rang desquels Goethe. Les Allemands plaçant ce dernier très haut sur l'échelle des célébrités du pays et l'évoquant volontiers quand le discours se fait nationaliste, sans doute au grand dam de sa mémoire. Sa notoriété fait référence. Spinoza avait certes été excommunié à vingt-trois ans par les autorités religieuses de sa confession, mais selon Rosenberg le poison juif n'est pas dans la religion, mais bien dans le sang de la race. Aussi, la célébrité de Spinoza auprès de l'intelligentsia allemande, de purs Aryens, est-elle un caillou dans la chaussure du théoricien névrosé et pervers qu'il est et dont le racisme imprègne chaque cellule de son corps.

En peine de comprendre les écrits du philosophe, dont a fortiori son ouvrage majeur l'Ethique, Rosenberg qui se dit lui-même philosophe, s'empresse, dès la conquête des Pays Bas par l'armée allemande en 1940, de s'approprier la bibliothèque de Spinoza. Espérant sans doute y trouver la clé du succès des pensées de ce dernier auprès des intellectuels allemands et élucider ainsi ce qui était devenu en son esprit le problème Spinoza.

Spinoza, refusant de voir son raisonnement étouffé par le dogme, avait été un problème pour ses coreligionnaires contemporains. Ils avaient été conduits à le marginaliser. Il en est resté un pour les idéologues nazis en sa qualité de juif dont ils auraient pu épouser les thèses si ce n'était le soi-disant poison que sa naissance avait introduit en ses veines.

Beaucoup des personnages des ouvrages d'Irvin Yalom deviennent fictivement ses patients. Il est un psychanalyste américain de renom et la thérapie psychanalytique reposant beaucoup sur la libération de la parole, il fait grandement usage dans ses ouvrages de la technique du dialogue. Elle a le mérite de rendre ses ouvrages très vivants, de structurer de manière très lisible au profane le cheminement de pensée dans la recherche des sources du mal. Cette approche convaincante permet d'intégrer le processus intellectuel qui a pu amener une personne à commettre le pire. Même si, s'agissant des théoriciens de l'idéologie nazie, on ne peut déceler de justification intelligible à leurs thèses. L'exploration de leur raisonnement débouche dans l'impasse de la perversité pure, laquelle a pu trouver en la personne du schizophrène mégalomane qu'était Hitler la prédisposition à l'envoutement hypnotique des masses.

Le problème Spinoza est un ouvrage absolument passionnant en ce sens qu'il confronte par chapitre alternés le bien et le mal absolus, la philosophie libérée de la tradition, de la prière, des rituels et de la superstition d'un Spinoza à la théorie irrationnelle et contrainte d'un Rosenberg. le premier plaçant la raison au dessus de tout quand le second se focalise les critères de race. L'esprit éclairé contre l'obscurantisme le plus opaque et le plus malfaisant.

Ma lecture de "Et Nietzsche a pleuré" m'avait fait découvrir et apprécier cet univers de l'évocation philosophique au travers du prisme de la psychanalyse, avec une écriture accessible dépouillée du jargon technique spécialisé, ce second ouvrage que j'ai lu de cet auteur me conforte dans cet engouement. Ouvrage très enrichissant tant sur le plan historique que sur celui des mécanismes de pensée.
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Après Nietzsche, Irving Yalom s'est attaqué à un monument de la philosophie: Baruch Spinoza, plus communément surnommé Bento dans ce roman. de sa plume alerte, et originale, Irving Yalom nous fait passer tour à tour des Provinces Unies (Pays-Bas) du XVIIème siècle à l'Allemagne pré-nazie d'Alfred Rosenberg rédacteur en chef du Volkischer Beobachter, organe de propagande d'Hitler, puis responsable de la confiscation des livres et oeuvres d'art juifs.
Et quel est le lien, me demanderez-vous entre ces deux hommes que tout oppose historiquement et idéologiquement?
Spinoza, excommunié de sa communauté juive d'Amsterdam, philosophe admiré, ayant inspiré les plus grands penseurs, de Descartes à Goethe et Nietzsche a intéressé Alfred Rosenberg car justement, il voulait comprendre comment un juif avait pu à ce point être reconnu par les plus grands philosophes allemands.
Quel est ce "problème Spinoza"? Vous trouverez la réponse en lisant ce passionnant ouvrage où se mêlent la grande Histoire et la petite.
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Le problème Spinoza met en scène deux personnages historiques. le premier est Baruch Spinoza, le grand penseur hollandais, issu d'une famille juive marrane qui a dû fuir le Portugal. le second est Alfred Rosenberg, dignitaire nazi et pseudo intellectuel qui a écrit "Le mythe du 20ème siècle" et qui a été condamné à mort lors du procès de Nüremberg. le lien qui va exister entre les deux fait partie du suspense brûlant du livre, excellent thriller philosophico-historique bâti sur une grande érudition et une construction magnifique.

Assez vite on rentre dans la vie de Baruch Spinoza, au milieu du 17ème siècle, dans la communauté juive d'Amsterdam, à l'époque le seul lieu au monde quasiment où les Juifs bénéficiaient de liberté et de tolérance. Très vite le jeune Baruch montre des dispositions inouïes pour l'étude: il apprend sans peine le latin, le grec, l'hébreu....
Son avenir de futur rabbin de la communauté semble tout tracé.. oui mais sa soif inextinguible de vérité va le conduire à nier toutes les superstitions. Très vite le jeune Spinoza critique les rituels juifs, il remet en cause les affirmations de la Torah, et affirme que Dieu ne ressemble guère à ce qu'en font les hommes.

Son indépendance d'esprit va lui coûter cher: il sera exclu de la communauté, ce qui à l'époque revenait quasiment à le condamner à mourir de faim.

L'auteur, Irvin Yalom, psychiatre de renom, arrive à nous faire pénétrer dans la psychologie du philosophe et nous faire mieux comprendre les grands axes de sa pensée, qui sert de modèle pour les adeptes des neuro-sciences, trois siècles après!! C'est dire à quel point la pensée de Spinoza était novatrice et en avance de trois siècles sur ses contemporains! Il va développer la philosophie de la joie, mieux comprendre nos déterminismes pour mieux orienter nos actions. Il sera considéré comme le fondateur de la laïcité car selon lui les religions doivent être soumises aux lois communes. Seule une éthique rationnelle non religieuse permet à l'homme de trouver sa liberté.
Et puis voici Alfred Rosenberg, l'autre personnage clé du roman. Rien à voir avec Baruch Spinoza..et pourtant.. tout le mystère est là. Alfred Rosenberg qui va lire Spinoza, obligé par ses professeurs et qui deviendra tristement célèbre par son amitié avec Hitler et ses écrits antisémites qui feront de lui le "théoricien" du nazisme.

L'utilisation de l'expérience de la psychiatrie de l'auteur, Professeur de psychiatrie à l'université de Stanford, donne une lumière particulière à ce roman philosophique qui se lit d'une traite. Cet auteur, fondateur de "la psychothérapie existentielle" arrive à merveille à nous faire imaginer le monde intérieur de ses personnages.
Les références littéraires, philosophiques et historiques sont excellentes.
Un livre excellent qu'on n'est pas prêt d'oublier...

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Spinoza a été excommunié de la communauté juive d'Amsterdam pour avoir défendu la liberté de penser, remis en question la nature divine des obligations et interdits imposés par la religion, affirmé que Dieu était la Nature, que la Bible et la Torah avaient été écrites par des hommes bien plus tard que les faits qu'elles relatent. Chassé par les siens, il a choisi une vie philosophique et travaillé à polir des lentilles de verre pour vivre. Il a mené une existence pauvre, solitaire mais harmonieuse, fidèle à ses convictions et laissé une oeuvre unique par sa puissance et sa lucidité, pour éclairer les hommes dans le chemin de la sagesse, de la connaissance et de la liberté.

Alfred Rosenberg, théoricien du nazisme, a développé dès l'âge de 16 ans un antisémitisme profond et quelques années plus tard le désir infructueux de se faire aimer d'Hitler. Ses convictions sont pourtant troublées par l'admiration que Goethe, un des auteurs allemands qu'il vénère, portait à Spinoza, de sang juif. Découvrant son oeuvre, il est admiratif. Ce problème Spinoza va le conduire jusqu'au musée installé dans la maison de ce dernier à Rijnsburg, où il découvrira la bibliothèque du philosophe qu'il fera saisir en 1941. Ironie de l'histoire, deux femmes juives s'y cachaient et seront sauvées alors que les nazis s'emparent des livres de Spinoza… Alfred, né en Estonie, petit pays balte, orphelin, dépressif, rongé par le désir de reconnaissance, acceptant une thérapie puis trahissant son médecin, est obsédé par le mythe d'une grande Allemagne basé sur un culte germanique anti-chrétien, persuadé que son esprit génial est incompris et habité par le désir de prouver que l'oeuvre de Spinoza n'est pas authentique. La chute du Reich et sa condamnation à mort ne lui permettront pas d'aller au bout de son délire.

Roman passionnant dans lequel Irvin Yalom analyse la destinée de deux êtres que tout sépare, Spinoza chassé de sa communauté juive, Rosenberg chassant tous les Juifs d'Europe, l'un au nom de l'égalité, l'autre de l'infériorité raciale, l'un prêchant l'amour, l'autre distillant la haine… Mais ce doute que Rosenberg emportera dans sa tombe, ce problème, ces livres inaccessibles à l'esprit obtus de l'Allemand, c'est la victoire de la raison, la faible lueur des lumières qui apporte l'espoir. Et traverse les siècles, portant un message d'espérance même au coeur des plus sombres folies humaines. Un très beau livre qui nous plonge au coeur de la pensée de Spinoza et essaye de donner quelques pistes pour comprendre une des idéologies les plus meurtrières de notre histoire récente.
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Passionnant ! Irvin Yalom possède un véritable talent de conteur. J'adore. le genre de roman dont la lecture est fluide et où néanmoins vous avez le sentiment d'apprendre, de découvrir , de vous questionner.
N'ayant pas eu de cours de philosophie en terminale, ce manque m'a toujours laissé une légère frustration. le Monde de Sophie est venu par la suite m'alimenter quelque peu. Mais avec ce très pédagogique Problème Spinoza , la découverte de ce philosophe est d'une réjouissante clarté.
Le roman s'articule donc autour du philosophe Spinoza, juif d'origine portugaise, excommunié par sa communauté pour ses positions anti- religieuses et de l'allemand Alfred Rosenberg, lequel joua un rôle de premier plan auprès de Hitler dans l'idéologie de l'éradication du peuple juif . Quel point commun entre les deux hommes ?
En 1941 Rosenberg entreprend de récupérer dans le musée consacré au célèbre érudit, les 170 livres de la bibliothèque Spinoza. En quoi, les écrits d'un juif pouvaient –ils susciter l'intérêt particulier de Rosenberg, chantre de la suprématie de la race aryenne ?
Ce questionnement sera le point de départ de Irvin Yalom dans la construction du roman. Les chapitres consacrés à chaque personnage se succèdent en alternance ce qui donne un rythme soutenu au récit. Autre point extrêmement intéressant, l'auteur est psychiatre et l'on comprend d'autant plus son intérêt pour la pensée de Spinoza, tellement novatrice pour l'époque ; Exit le surnaturel, les rites, les dogmes simplement :
« L'homme fait partie de la Nature, il est donc soumis au rapport causal qui est celui de la Nature ».

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