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EAN : 9782757824733
224 pages
Points (01/01/1900)
3.24/5   57 notes
Résumé :
Dans la Chine de la révolution culturelle, une équipe d'ouvriers travaille sur le chantier de construction d'une route, en pleine campagne. Après le départ du chef, la discipline se relâche et les travailleurs sont livrés à eux-mêmes. La violence s'installe et la présence d'un village à proximité éveille les convoitises.En dressant un tableau de la misère ordinaire du petit peuple, Mo Yan interroge le socialisme chinois.

 Né en 1956 dans la province ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Mo Yan n'est pas un auteur… moyen (bon, ça c'est fait) : il vient de recevoir le prix Nobel de littérature en 2012, et sa notoriété, qui était déjà bien installée en France, s'en trouve encore renforcée. Ce Nobel venu de Chine est donc populaire (fait également).
Il est toujours intéressant de lire, même par curiosité, un Prix Nobel. Mo Yan a produit des pavés aux titres insolites comme Beaux seins belles fesses ou le supplice du santal, mais également quelques courts romans, parmi lesquels le Chantier (environ 210 pages), idéal pour un premier contact avec l'auteur.
Nous sommes en pleine révolution culturelle, dans les années 60, dans une province oubliée de la Chine maoïste. Une route en construction conduit un groupe d'ouvriers aux abords d'un village. Des écoliers conditionnés pour propager la pensée de Mao Zedong se pointent pour soutenir le moral des travailleurs. Ces ouvriers, on le comprendra plus tard, sont d'anciens délinquants purgeant une peine légère en effectuant quelques travaux d'intérêt général pour se racheter une conduite aux yeux du régime.
Les conditions de travail sont difficiles et la maigre pitance n'est distribuée qu'avec parcimonie, c'est le régime qui veut ça (oui… bon). Yang Liujiu qui dirige le chantier, essaye néanmoins de faire au mieux pour améliorer l'ordinaire de ses ouvriers, par exemple en donnant l'occasion à l'un d'entre eux de pratiquer son sport favori : la pêche au gros, on parle ici de la pêche au gros chien. Yang Liujiu a un compte à régler avec l'animal qui l'empêche d'accéder au domicile de la belle Bai Qiaomai, sa maîtresse – celle du chien, mais Yang Liujiu voudrait également qu'elle fût la sienne. On le voit, les motivations de Yang Liujiu ne visent pas uniquement à rassasier la populace, elles sont assez tordues mais pas trop difficiles à interpréter. le chien en question ne tarde pas à mordre à l'hameçon et à agoniser dans d'atroces souffrances pendant plusieurs pages. Cet acte de cruauté et de barbarie et la mise à mort insoutenable de l'animal pourraient suffire à eux seuls à donner l'idée à Brigitte Bardot d'envisager une fatwa et de se lancer dans une nouvelle croisade destinée à relancer sa carrière. Et ceci n'est que le début, je vous laisse découvrir la suite dans le roman.
Une fois le chien transformé en nems, l'ordinaire amélioré et les panses prolétariennes bien remplies, les catastrophes vont rapidement se succéder, non pas pour le chien, qui a maintenant eu son compte, mais pour ces damnés de la route damée.
Le style de Mo Yan, contrairement à celui de ses personnages, est élégant et raffiné. le roman se lit donc avec fluidité et facilité, sous réserve d'avoir l'estomac bien accroché, et de ne pas être rebuté par les scènes gores ou les drames difficilement soutenables qui seront le lot quotidien des protagonistes : l'escamoteur de chien et sa famille, le cuisinier bossu du chantier, la jeune vendeuse de ciboules, etc.
Mo Yan expose simplement les faits, raconte les histoires individuelles de ses personnages, qui seront le plus souvent d'une infinie tristesse ; il ne dénonce pas, si ce n'est de façon assez subtile, les abus et les méfaits du régime chinois (une dictature, faut-il le rappeler), ni même l'hypocrisie des discours du Parti, supposés redonner le moral aux camarades révolutionnaires. Mo Yan cherche plus à explorer et à éclairer d'une lumière crue les facettes sombres de l'âme humaine : cruauté, cupidité, concupiscence, jalousie, soif de vengeance ou de pouvoir… que l'on découvre comme les composantes universelles de chaque « civilisation » humaine.
Un étrange épilogue laisse en plan les protagonistes du roman (dont nous ne connaitrons pas toujours la destinée) sur cette route inachevée, et nous propulse soit de nos jours sur un chantier similaire, soit quelque temps après, une nouvelle équipe – avec son lot de nouveaux drames humains – ayant remplacé l'ancienne. La construction d'une route est clairement le symbole d'un avenir maîtrisé, d'une civilisation qui sait où elle va. La révolution est toujours en marche. D'autres écoliers viendront soutenir d'autres ouvriers. En fait rien n'a changé, finalement. Au lecteur de se faire une idée sur les progrès accomplis et le chemin parcouru, tel semble être le dernier et subtil message de Mo Yan.
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le chantier est un roman se déroulant exclusivement sur un ...chantier, la construction d'une route dans une campagne chinoise .On est en plein durant le règne de Mao. Les ouvriers sont des repris de justice ayant commis des délits mineurs.
Je ne sais pas si le mot chef d'oeuvre s'applique . Tous les mots pèsent.
Il y a l'univers humain. Sombre, miséreux , cupide, affamé, violent, toujours dans le rapport de force. Les femmes sont des convoitises.
Il y a la faim , l'oisiveté , la propagande. le livre commence sur une brigade d'enfants drapeaux rouges au vent venant stimuler les travailleurs et les marteler de maximes.
Il y a quatre personnages , avec leur histoire, qui auront tour à tour les honneurs du focus. Des vies déchirées, balisée par la mort et la misère, la faim et la vengeance.
Il y a la nature . Belle mais sombre . Décrite avec des mots que j'aurais aimé trouver plus jeune pour draguer :) (mais dont j'étais bien éloigné malheureusement). L'écriture est ici fascinante, mais on parle d'un Nobel . Même la brume asiatique donne envie de s'extasier. La boue peut coller mais aussi laisser une impression extatique
C'est encore une fois une plongée dans les coutumes chinoises, les insultes si crues, les "coutumes" si surprenantes ( le suicide en avalant de l'or...).
C'est mon meilleur Mo Yan et surement pas le dernier.
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Un livre qui se lit très rapidement. Les petites histoires de tous les jours qui nous sont narrés par Mo Yan prennent toujours la forme d'une grande aventure épique. Certains s'offusqueront peut-être de la cruauté envers les animaux, mais rien de bien spécial dans l'empire céleste, pas de sadisme uniquement du savoir vivre et de la survie. Nous avons d'ailleurs une part de magie poétique lorsque nous avons la transcription du dialogue entre un chien et son bourreau, mais tout en utilisant un langage de tous les jours des plus imagés :

Le chien : "Enculé de ta mère, tout ça c'est des belles paroles. Mon ventre est empli de sang chaud, de sang fétide (...)
Lui : "Le chien, je te le répète, tu ne me fais pas peur. J'ai vraiment envie de te relâcher"
Le chien :"Salaud, c'est trop tard. Maintenant, entre nous c'est sans pitié, et si le poisson meurt, le filet sera déchiré"

Des personnages avec des titres longs comme le bras 'chef de la brigade de diffusion de la pensée de Mao Zedong de l'école primaire de Masang, vice président du comité révolutionnaire de l'école primaire de Masang' qui font plutôt sourire. Mais toujours des personnages attachants dans leur 'triste' vie. Un récit qui se lit rapidement, qui nous raconte une réalité de la Chine sous l'emprise du grand timonier, mais toujours enrobé d'humour. J'ai trouvé les protagonistes de ce roman un point en dessous de ceux du "Le maître a de plus en plus d'humour " ou "Le veau", néanmoins l'histoire est remplis de symboles .

Mo Yan est un magnifique conteur témoin et peintre de son époque : A lire ou à découvrir absolument. Et un prix Nobel qui ne s'embarrasse de grandes phrases alambiquées pour nous faire voyager.
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Livre lu dans le cadre du challenge ABC, je ne suis pas très habituée à la littérature asiatique et je dois reconnaître mon manque de connaissances concernant l'histoire de la Chine et de ses traditions.

Je sais que l'auteur a écrit ce livre en tant que fiction, mais ne connaissant pas du tout l'histoire de la Chine dans les années 60, je ne sais pas sur quoi il s'est basé pour l'écrire, du coup il m'a manqué quelque chose pour apprécié ce livre. Je l'ai lu en pensant que l'auteur s'était inspiré sur des faits réels et du coup ce livre m'a paru dur à lire, tant la vie de ces travailleurs est difficile.

Petite lecture intéressante mais sans plus, je suis plus contente de l'avoir lu pour compléter le challenge ABC plutôt que pour le plaisir littéraire.
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Un groupe de "rééduqués" -c'est-à-dire de condamnés à des peines légères- s'échine à la construction de la "Route de la Révolution Prolétarienne Constante". le chantier, mobile, se déplace au fur et à mesure de la progression des travaux. Il est, au moment du récit, installé non loin du village de Masang, où certains ouvriers font quelques incursions nocturnes, tantôt pour tenter d'y séduire quelque femme esseulée, tantôt pour y chasser le chien qui, lorsque la faim devient trop pressante, constitue un supplément de nourriture bienvenu...

Le comportement des travailleurs fait un peu désordre dans une Chine régie par la discipline et le matraquage idéologique... Ils sont joueurs, buveurs, bagarreurs, sales, mais il faut préciser à leur décharge que les baraquements de fortune dans lesquels ils sont entassés ne sont pas vraiment propices au maintien de l'hygiène.

Nous faisons peu à peu plus amplement connaissance avec certains de ces hommes, avec les obsessions qui parfois les rongent, avec les souvenirs qui les hantent ou leur permettent de se donner du courage en attendant la fin de leur période de "rééducation", qui consiste à les faire renouer avec l'esprit de la Révolution, et à se plier docilement aux ordres parfois incohérents d'une hiérarchie tyrannique.

J'imagine qu'on peut qualifier le ton de burlesque, trouver la plupart des situations cocasses, contrastant volontairement avec le fond finalement tragique du récit. le but de l'auteur est sans doute de mettre en avant l'absurdité et la cruauté d'un système qui convainc à coups de trique (réels ou psychologiques), et qui, sous de grands principes d'égalité et de partage, abrite corruption et cupidité.

Si je semble émettre quelques réserves, c'est parce que je n'ai pas réellement accroché à ce roman. Quant à vous expliquer pourquoi... disons que j'ai trouvé l'ensemble assez terne, les personnages plus agaçants qu'attachants.
J'ai eu le sentiment, léger et certainement subjectif, mais néanmoins gênant pour moi, qu'une sorte de raideur dans le style amoindrissait le potentiel truculent du texte.
C'est pourquoi il s'agira probablement de ma première et dernière expérience avec cet auteur...

Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Le garçon s'avance vers l'homme de haute taille qui accourt effaré. Quand ils sont à un pas de distance l'un de l'autre, le garçon tend la main et se présente : « Je suis Gao Xiangyang, chef de la brigade de diffusion de la pensée de Mao Zedong de l'école primaire de Masang, vice-président du comité révolutionnaire de cette même école. »
L'autre reste interloqué un moment avant de reprendre ses esprits. Il se penche, tend ses grosses mains, prend la menotte du gamin dans les siennes, la secoue fortement et dit tout sourire : « Responsable Gao, chef de brigade Gao, pardonnez-moi de n'avoir pas pu vous accueillir moi-même.
- C'est toi le responsable ? demande Gao Xiangyang qui le regarde de travers, fourrant ses mains dans les poches.
- Oui, oui, c'est moi. Le commandant Guo m'a nommé chef de la brigade de voirie par intérim.
- T'appelles ? demande sèchement le gamin.
- Yang, Yang Liujiu.
- Chef de brigade Yang, je représente le comité révolutionnaire de l'école primaire Masang et viens prêcher la pensée de Mao Zedong aux camarades travailleurs civils révolutionnaires. Tu voudras bien prendre des dispositions pour qu'ils assistent à une représentation.
- Camarades travailleurs civils révolutionnaires, dit Yang Liujiu, approchez ! Vous allez assister au spectacle donné par les petits généraux révolutionnaires. »
Les ouvriers s'approchent sans grand enthousiasme.
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Je t'en fiche !
Comment t'y es-tu pris pour tuer mon chien ?
Le sol entier était couvert de ses empreintes. Espèce de tête de ragoût de mouton qui mérite mille morts, je vais te faire frire comme une crevette, je vais te cribler de balles et te transformer en passoire, je te ferai exploser la cervelle dans la machine à souffler le riz, espèce de sale bâtard plein de pus et de furoncle des pieds à la tête, pourri dans la chair comme dans l'âme ! Tu as volé mon chien mais tu ne l'emporteras pas au paradis ! Quand le commandant Guo sera de retour, je suis prête à coucher deux nuits avec lui si nécessaire pour obtenir de lui qu'il t'arrache ta coquille verte d'oeuf pourri de canard !
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_ Mon homme, lance la fillette, dépêche-toi donc de finir de manger. Après le souper on va étudier les Citations !
_ Femme ! répond-il en bégayant, j'ai porté des pierres toute la journée, je suis fourbu, ça pourra bien attendre demain !
_ Pour ça non, réplique la fillette. Les œuvres de Mao Zedong sont un trésor, une panacée, aucun mal ne leur résiste. Tiens, ta fatigue par exemple, eh ben je te dis que tu ne la sentiras plus.
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Sun Ba est chargé de faire chauffer le goudron, tâche qu’il a accepté. Heureusement, car personne d’autre ne veut accomplir ce travail, préférant encore tirer le rouleau compresseur en béton afin d’échapper à la fournaise et aux exhalaisons des vapeurs de bitume. Le commandant Guo, quand il était en poste, a conféré à Sun le titre de « Grand Capitaine des fourneaux ». Sun éprouve une attirance inexplicable pour les flammes. Il aime la vue du feu, de la fumée, il ne se lasse pas de leurs métamorphoses incessantes. Son coeur bondit au-dessus des flammes. Plus le feu est violent, plus il trouve cela excitant, émouvant, son corps le démange, un peu comme s’il avait contracté la gale.
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La route dont le goudron n'est pas encore sec, la friche plate et immense bondissent, poussent des clameurs sous les lueurs fulgurantes. La route ressemble à une meute de chiens noirs.

Alors le soleil se couche lentement, énorme roue de feu [..), la terre a la raideur de l'acier solidifié.
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Vidéo de Mo Yan
Présentation de l'album "La Bourrasque" de MO Yan, prix Nobel de littérature, illustré par ZHU Chengliang. Publié aux éditions HongFei, septembre 2022. Après une belle journée au champ, un enfant et son grand-père résistent ensemble à l'adversité.
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