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Hua Lü (Traducteur)
EAN : 9782910884321
120 pages
Bleu de Chine (24/10/2000)
3.8/5   5 notes
Résumé :
Scènes de la vie ordinaire en Chine : une femme trompée par son mari, un couple usé par les transports en commun, une institutrice rompue au favoritisme. L'humour de cet auteur, né en 1953, apporte une touche de légèreté et d'humanité à ses personnages empêtrés dans leur égoïsme, leur vanité et leur soif de réussite.


Résumés

LA FILLE DE L'ASCENSEUR
Drame d'une âme profondément froissée - une jeune femme au chômage se fait... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Trois récits écrits entre 1995 et 1997, qui sonnent comme un reflet sans doute largement fidèle de la vie quotidienne des chinois de cette fin de siècle. Déniché dans ma médiathèque favorite, ce recueil est aujourd'hui épuisé chez l'éditeur, et n'en est que plus précieux. La découverte est très instructive, et la lecture est un réel plaisir.

Le recueil tire son titre de la première nouvelle dénommée « la liftière ». Employée à l'accueil de l'ascenseur de son immeuble, la narratrice va voir monter chaque jeudi une jeune femme vêtue de manière provocante…au 18ème étage…là où elle habite…et réalise bientôt que la belle a rendez-vous avec son propre mari pour des parties de jambes en l'air. Son mari ne se cache guère, arguant qu'elle ne peut rien lui reprocher, vu qu'il avait eu l'indulgence de pas la quitter alors qu'elle avait eu une histoire avec un de ses cousins avant leur mariage. La pauvre femme bafouée va devoir surmonter son humiliation, et une forme de tristesse lorsqu'elle revoit un jour, à l'initiative de sa cousine, le dit cousin désormais marié, père et souffrant d'un handicap après une maladie. Il reste si prévenant ! Mais alors que, fatiguée moralement elle s'interroge sur le ratage de ses retrouvailles, sur son avenir, le destin va s'acharner…
Un excellent texte où l'on souffre avec l'héroïne, dans une société machiste où la femme doit lutter pour se faire un peu respecter. L'auteur réussit à nous tenir en haleine de page en page avec une histoire simple, et une chute finalement assez inattendue.

« Une journée harassante » nous fait vivre l'enfer des transports dans une ville tentaculaire, qui doit être Pékin, et dans une moindre mesure la monotonie du travail à l'usine, d'un couple et de leur fille unique. Métro, boulot, dodo…Ou comment une famille unie, même si le père a l'air de bien laisser sa femme tout faire (encore un !), se débrouille pour vivre dignement, même si la fatigue réduit le temps de vie hors du travail à son expression la plus simple, répétitive et mécanique.
Un texte en apparence plus secondaire que les deux autres, mais cependant l'occasion de nous montrer avec une dose d'humour que la situation n'est pas forcément si éloignée de ce qu'on pourrait vivre à Paris, et la société pas si différente à certains égards, notamment quand l'auteur relate les frottements des hommes dans les transports en commun, mais aussi des jeunes femmes qui ne s'en laissent pas conter et connaissent la musique.

Le dernier , « l'initiation », se passe dans une école. Nous suivons de près deux élèves, un garçon, Chu Chuchu, et une fille, Na Lin, et leurs mères, qui vont sympathiser. C'est que ces élèves ont pour point commun d'être sérieux et plutôt doués, et sont issus de familles modestes. Mais curieusement, lorsqu'il s'agit de désigner des chefs de classe sur des critères de sérieux et bonnes notes, la jeune institutrice, Mademoiselle Zhong, à l'apparence gentille et rougissante, a une tendance un peu trop systématique à désigner Gao Fei et Yuan Xiaoyuan comme leaders et modèles…Le premier étant fils de directrice d'hôpital, la seconde fille de chauffeur d'une belle voiture…Et puis il y a cette histoire de cantine, les deux mères ayant bien noté que les tarifs de cantine n'était pas les mêmes, plein, moitié, gratuit…selon la tête du client. Quant aux notes, un examen blanc passé avec un autre instituteur va mettre en lumière la médiocrité de Yuan, qui jusque-là était curieusement, et outrageusement, privilégiée par l'institutrice…et cette dernière ne va pas résister un jour au plaisir orgueilleux d'arborer le superbe collier offert par Yuan…Pourtant, un jeune homme fou, avant d'être mystérieusement retrouvé mort, traînait régulièrement aux abords de l'école et scandait sans cesse « Ah ! ah ! Sauvons les enfants ! »…
Une très belle nouvelle, qui dénonce, avec ce cri du fou, peut-être bien cri du coeur de l'auteur, les ravages de la corruption, dont il faudrait songer à protéger les enfants, eux-mêmes victimes du système. C'était un problème chinois particulièrement prégnant à l'époque d'écriture du récit. Il paraît que Xi Jinping lutte fermement contre aujourd'hui, à voir…De toutes façons, sans même parler de corruption, le sujet à une résonance universelle, car même en occident la puissance de l'argent aura toujours eu raison d'une véritable égalité entre les enfants, à un moment ou à un autre de la vie scolaire, et a toujours grippé la mécanique de l'ascenseur social.

Un recueil dont les histoires tirent toute leur puissance symbolique de sujets tirés de la vie quotidienne de centaines de millions de chinois, ici plutôt urbains, et qui nous parlent dans la mesure où les propos en question ne sont pas si exotiques qu'il y paraît.

Encore une jolie découverte pour le sinophile que je suis !
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Dans ce recueil de trois nouvelles, on plonge dans le quotidien du petit peuple chinois. Et la mise en bouche est efficace puisqu'on pénètre d'entrée dans l'univers d'une liftière, comme l'indique le titre La fille de l'ascenseur. Dans ce métier de subalternes voué aux montées et descentes des passagers d'un jour, la jeune femme est éreintée et paraît rachitique. D'autant plus qu'avec la fatigue qui s'accumule, on pourrait espérer une vie familiale lui permettant un refuge au bonheur. La réalité est toute autre, puisqu'on apprend que son mari se refuse à elle et, comble de tout, il invite régulièrement une femme plantureuse, passagère de l'ascenseur, à venir le rejoindre.

Dans la seconde nouvelle, Une journée harassante, nous suivons le quotidien d'une petite famille du lever du jour au coucher. le couple de parents semble campé dans les habitudes, l'épouse est caractérisée par un ventre proéminent, le mari quant à lui est décrit comme maigre et la fillette paraît bien éloignée de toutes ces préoccupations de poids. Il est comique de suivre ces protagonistes dans la vie de tous les jours, notamment dans le bus où la mère de famille semble lutter à se hisser parmi la foule informe et à placer son ventre dans le tumulte.

L'initiation, troisième nouvelle, nous invite à nous plonger dans une classe d'école primaire typique. On s'attendrait à tomber dans une de ces castes de petits soldats, où les élèves semblent disciplinés, voire programmés à la réussite. Mais l'envers du décor nous réserve quelques surprises car ce ne sont pas les élèves qui nous surprennent mais bien l'institutrice subjective et intéressée quant aux rangs sociaux de ses petits protégés. L'instruction serait donc une grande farce où seuls les mieux lotis financièrement pourraient sortir du lot.

Que de causticité dans ce recueil ! C'est le genre de comique de situation que j'apprécie beaucoup. On ressent le regard très incisif de l'auteur pointant tous les travers de la société. Et on se réjouit de fouiller dans la crasse de ses petites gens, comme pris au piège de leur quotidien. Cela a été une fois de plus une très bonne découverte qui m'a permis d'affiner mes connaissances sur la Chine d'aujourd'hui.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Sur le chemin du retour, la mère de Lin Na s'aperçut que sa fille avait les yeux un peu rouges. Elle vit aussi des traces de larmes sur le verre de ses lunettes.
- Qu'est-ce que tu as aujourd'hui, Lin Na ? Quelqu'un n'a pas été gentil avec toi ? S'empressa-t-elle de lui demander.
Mais la fillette s'obstinait à garder le silence.
La mère de Lin Na se tourna vers Chuchu :
- Chuchu, dis-moi ce qui est arrivé aujourd'hui à ma petite Lin Na, s'il te plaît.
Celui-ci lui rapporta alors que Lin Na avait été critiquée par la maîtresse. Cette dernière avait dit que Lin Na était une "princesse orgueilleuse" parce qu'elle refusait de la saluer.
A ces mots, la mère de Lin Na blêmit. Elle était si en colère qu'elle ne put s'empêcher de s'écrier d'une voix chevrotante :
- Mais Lin Na est myope ! Il lui est même arrivé de ne pas me reconnaître quand je m'approchais d'elle ! Comment une enseignante peut-elle se moquer de son élève de cette manière ?
Ce n'est qu'à ce moment que Lin Na, envahie par un sentiment d'injustice, éclata en sanglots. Ses pleurs, aussi mélodieux que la voix d'une star de la chanson, ne tardèrent pas à attirer sur elle et sa mère le regard des parents et des élèves qui suivaient le même chemin qu'elles.
La mère de Lin Na était elle aussi au bord des larmes. Profitant de l'attention que sa fille suscitait, elle se mit tout bonnement à crier aux gens qui les regardaient :
- Dans cette école, les enseignants ont deux poids et deux mesures avec leurs élèves ! Les frais de cantine ne sont pas les mêmes pour tout le monde ! Quand on a une maman directrice d'hôpital, on ne paye que la moitié du tarif, quand on a un papa chauffeur de voiture, là, c'est carrément gratuit !

Extrait de "L'initiation"
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Dans l'autre pièce, Lili était en train de faire ses devoirs sur la table qui avait été débarrassée. Depuis un bon moment, aucun bruit ne provenait de ce côté-là, et Bai Xiukun commençait à se demander si leur fille n'avait pas été, elle aussi, vaincue par le sommeil, lorsqu'elle l'entendit crier :
- Papa !
En l'absence de réponse, Lili appela de nouveau :
- Maman !
- Qu'est-ce qu'il y a ? répondit Bai Xiukun en tendant la main pour changer de chaîne.
- Comment s'écrit le caractère "fatigué", s'il te plaît ?
Bai Xiukun aurait voulu le lui apprendre sans avoir à quitter sa chambre, mais comme la composition de ce caractère était trop complexe pour s'expliquer en quelques mots, elle dut aller la rejoindre pour le lui tracer de sa main. Elle trouva alors Lili en train de travailler à une rédaction ayant pour sujet : "Une journée avec nous." Elle avait laissé trois blancs dans sa dernière phrase où elle disait : "Mon père est très..., ma mère est très..., et moi aussi, je suis très...". Bai Xiukun prit le stylo que lui tendait sa fille et se mit à écrire dans le premier blanc le mot "fatigué". A peine avait-elle fini que Lili reprit de force le stylo en s'écriant d'une voix plaintive :
- Ton caractère est trop gros pour aller avec les miens, et en plus, il a l'air d'avoir du mal à tenir debout !
Fort confuse, Bai Xiukun regagna sa chambre en grommelant, comme pour s'excuser :
-Quand on est fatigué, on a du mal à tenir debout, ça c'est bien vrai !
Bai Xiukun se rassit devant la télévision, mai ne parvint pas à concentrer son attention. Au bout d'un long moment, elle n'avait toujours pas réussi à comprendre l'intrigue du feuilleton. "C'est tous les jours la même chose" se dit-elle. Puis, avec un bâillement, elle éteignit le poste et se mit au lit.

Extrait de "Une journée harassante".
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En poussant la porte du local réservé au comité de l'immeuble, la liftière vit le responsable penché sous la lampe de son bureau, en train de disputer une partie d'échecs chinois avec un chômeur. D'habitude, elle ne venait ici qu'une fois par mois pour toucher son maigre salaire. Et immanquablement, c'était pour trouver cet homme devant son échiquier face à ce même adversaire. A chaque prise, le premier gratifiait le second d'un "pauvre con".
-Pardon, dit-elle alors à l'attention du responsable du comité, j'ai quelque chose à faire demain et je dois m'absenter, pourriez-vous me trouver un remplaçant pour la journée ?
- Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? demanda celui-ci sans même daigner lever la tête, avant de déplacer un "éléphant" pour renforcer la protection de son "général". Qu'as-tu donc de si important à faire dehors alors que tu as chez toi un mari à dorloter ?
Telle une lame tranchante, cette phrase lui transperça le coeur. Cependant, elle s'efforça de sourire pour répondre :
- Un grand garçon comme lui ? Il n'a plus trois ans, pourquoi devrais-je le dorloter ? Blague à part, j'ai vraiment quelque chose de sérieux à faire.
- Sérieux mon cul ! répondit le responsable, toujours sans lever la tête. (Il rajouta un "garde" derrière son "éléphant" pour mieux assurer la sécurité de son "général"). A mon avis, ce qui est sérieux pour toi, c'est de faire un enfant le plus tôt possible.
- J'ai vraiment à faire, fit-elle quelque peu irritée. Vous n'avez qu'à trouver quelqu'un pour me remplacer et retenir cette journée sur ma paye.
- A dix yuans la journée, quel est le pigeon qui voudra te remplacer ?
Quand il estima que son"général" ne risquait plus rien, le responsable leva enfin les yeux sur la jeune femme et ajouta :
- Soit, c'est moi qui te remplacerai demain, tu peux partir.
Très reconnaissante, la liftière le remercia et partir immédiatement, consciente qu'elle ne devait plus entraver davantage la partie engagée entre le responsable et son "pauvre con" d'adversaire.

Extrait de "La liftière".
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Autrefois, Jin Yushun était tout à fait capable de faire monter Lili sur le cadre de sa bicyclette et Bai Xinkun sur son porte-bagages arrière pour les conduire toutes les deux jusqu'à l'arrêt d'autobus du carrefour. Mais depuis que sa femme pesait quatre-vingt-dix kilos, la chose était devenue impossible, premièrement parce que son pneu arrière ne pouvait supporter une telle charge, deuxièmement parce que lui-même n'aurait jamais eu assez de force dans les bras pour maintenir bien droit le guidon d'un vélo aussi lourd.
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