La mort en habits de fête est une oeuvre à la fois étrange et fascinante. Et son auteur
Zyranna Zatèli est définitivement une artiste à suivre. Toutefois, le roman est un peu difficile à suivre et à résumer. Y a-t-il une histoire ? Peut-être pas. En tous cas, pas au sens traditionnel. Ne cherchez pas un début, un milieu ou une fin. Et, si vous en trouvez, ils n'auront pas de liens directs entre eux. Je sais que je vous mélange mais c'est ainsi. le présent se mêle avec le passé, et vice-versa. Je dirais que ce roman en est un qu'on apprécie à cause du destin tragique des personnages et, surtout (du moins, selon moi), pour l'atmosphère qui s'en dégage.
Dès le début, Zafos, treize ans, meurt foudroyé lors d'un orage violent, laissant sa mère Dafni inconsolable. Très rapidement, la narration se déplace quelques mois plus tôt, alors que le jeune garçon croise dans le cimetière un lointain parent, Anastasis Serkas qui lui révèle certains secrets de famille, agit en quelque sorte comme un mentor. C'est intriguant, que lui dévoilera-t-il ? le sens de la vie ? le mystère de l'au-delà ? En tous cas, que le monde est rempli de coïncidences qui n'en sont peut-être pas… Et il faut y porter attention.
Puis on retourne un peu plus loin dans le passé. le grand-oncle Dafkos a une liaison avec Zina, de laquelle naitra un enfant illégitime, l'énigmatique Anastasis mentionné plus tôt, alors que sa propre femme vient tout juste de donner naissance à leur deuxième enfant, Dafni. Ce nom que portait une lointaine tante, morte il y a un certain temps. La nouvelle Dafni ne vivra pas longtemps elle non plus.
Puis on passe à l'histoire de Trifylia, grand-mère de Zafos et soeur de Dafkos. C'est une histoire tragique, que celle-là : elle a enterré à intervalles réguliers ses cinq enfants, Photika, Dorothea, Nikos, Dafni (nommée ainsi en l'honneur de la même tante puis de la nièce décédée quelques années plus tôt) et Myrto. La mort est toujours présente, elle rôde.
Avec tous ces noms, et certains qui se répètent, ouf ! Heureusement, la traduction offre un arbre généalogique à la toute fin. Malgré tous ces noms et ces histoires labyrinthiques, on ne peut que s'intéresser au sort de cette famille ordinaire et spéciale à la fois. C'est probablement parce que les personnages sont plus grands que nature. On a l'impression de les connaître complètement, même ceux qui ne sont pas beaucoup décrits.
Zyranna Zatèli a su en dévoiler juste assez pour qu'on puisse les saisir tout en leur laissant leur part de mystère. Et ils sont attachants !
Ce que j'ai surtout aimé de ce livre, comme je l'ai écrit plus haut, c'est l'atmosphère. Dès le début, il y a cet orage terrible, lançant des éclairs et déversant son lot de pluie sur le pays. Toujours, il y a ce ciel grisâtre, et ces éléments qui viennent se jeter sur les maisons et les gens. Que ce soit la pluie, les bourrasques de vent. Et même la neige en hiver (même si elle est fine, elle est mordante). Puis les mitrailles et les coups de feu au temps de la révolte des colonels. On est très loin des paysages idylliques des iles de la mer d'Égée avec ses eaux bleu turquoise. L'action se déroule dans un petit village du nord de la Grèce, montagneux, aride, déséché. Là où volent et croassent les corneilles et les corbeaux et autres oiseaux de mauvais augure, où des chiens noirs menaçants rôdent. Autant de signes superstitieux où la nature joue un rôle important.
Et le destin, aussi. Il y a quelque chose dans l'écriture qui semble donner une grande importance à tous les événements, un peu comme s'ils étaient prédestinés. Et on y retrouve un petit quelque chose d'intemporel. Ça donne un peu l'impression qu'on affaire à une vieille tragédie grecque, et que les personnages sont les héros, les dignes descendants des divinités anciennes. Ça confère une dimension précieuse à l'oeuvre. En tous cas, un côté tragique, un destin auxquels Zafos, Dafkos, Trifylia et tous les autres ne peuvent échapper. Et malgré cela, on se prend à espérer qu'ils réussissent à passer à travers les épreuves. Bref,
La mort en habits de fête n'est pas une simple saga familiale.