Cet essai est une compilation d'événements que, pour la plupart d'entre nous, nous connaissions. Mais nous les connaissions de manière éparse, tel un puzzle émietté. Et c'est là le talent extraordinaire d'
Eric Zemmour, qui, à partir de ces événements, dont certains peuvent paraître anodins, recompose le puzzle dans un ordre chronologique, le plus significatif puisqu'il déroule l'évolution du mal qui ronge la France. Talent auquel s'ajoute une écriture impeccable, qui s'écarte résolument de ce style télégraphique devenu la norme, avant d'être, je le crains, détrôné par pire encore : le style Twitter !
L'analyse implacable de l'auteur ne saurait cependant être qualifiée de mensongère, à moins, comme le rêvent certains « nettoyeurs » de l'Histoire, de réécrire les faits. Oui, depuis 1970, et la mort du commandeur (de Gaulle), la France s'est poignardée maintes fois pour plaire au Marché, aux moeurs révolutionnaires, pour expier ses crimes enfin – qualifiés souvent comme tels sur la base de visions anachroniques de l'Histoire. On appelle ça la repentance, maladie obsessionnelle qui pousse le ridicule jusqu'à assister, il y a quelques années, aux excuses d'un ministre danois en voyage en Islande à propos…des invasions vikings, survenues à la fin du Xe siècle ! Cette repentance frisa même l'absurdité tragique lorsqu'en France,
Nicolas Sarkozy, alors président de la République, proposa de faire endosser à des élèves de primaire l'identité d'un enfant juif déporté. Zemmour est-il pour autant antisémite lorsqu'il pointe les excès de cette surenchère mémorielle ? Soyons sérieux ! Idem, et bien que ce soit une tâche sur notre passé, peut-on croire un seul instant que, sans l'aide de Vichy, les Allemands se seraient abstenus de déporter les Juifs présents sur le sol français ? Ceux qui en sont persuadés feraient bien de lire, entre autres,
Eichmann à Jérusalem, de
Hannah Arendt !
Mais la France ne s'est pas poignardée seule : on l'a grandement aidée de l'extérieur dans l'abdication de sa souveraineté, suivant ce mondialisme vendu comme une grande communion des peuples – au mépris de leurs particularismes que certaines communautés sur notre sol ne se privent plus désormais d'imposer ! –, et qui n'était en fait qu'une mainmise du Marché, c'est-à-dire du dieu Argent, cet apatride sans foi ni loi qui se moque des frontières et des identités. le tout orchestré par une propagande quasi totalitaire qui n'admet pas la controverse.
Ainsi, au fil des dates égrenées dans ce remarquable essai, nous refaisons le chemin qui nous fit passer cette porte de l'enfer où, comme à
Dante, on nous imposa d'abandonner tout espoir.
On a le droit imprescriptible de ne pas partager les opinions de Zemmour – à quelques détails près, je n'ai personnellement jamais vu dans Napoléon qu'un mégalomane dangereux. Pour autant, ses propos sont-ils abjects, comme l'affirment les ignorants satisfaits qui ne le lisent pas en se contentant de bêler avec le troupeau des indignés ? Je les crois plutôt dérangeants ces propos, car ils nous réveillent d'un sommeil qui faisait l'affaire de beaucoup. Si les exemples choisis (Canal +, Hélène et les garçons, etc.) peuvent sembler triviaux, c'est que nous sommes devenus triviaux alors que nous étions autrefois admirés et copiés par le Monde.
Loin de provoquer une euphorie fanatique, ce Suicide français laisse donc un goût amer parce qu'il nous met sous les yeux tout ce que nous avons perdu, c'est-à-dire cette France historique et indépendante à laquelle je suis, de mon côté, viscéralement attaché. Et la moustache au milieu ne me pousse pas lorsque j'écris ça ! Quant aux défenseurs béats d'un totalitarisme religieux grandissant qui ne dit pas son nom – je pense à
Edwy Plenel et consorts –, ils seraient bien inspirés de constater que cette liberté qu'ils chérissent à grands cris d'orfraie est en passe d'être brûlée comme une sorcière mécréante.
Mais, car il y a un mais, je continue de ne pas partager l'analyse de Zemmour sur sa vision de la femme. Si je me défie des dérives féministes, je me réjouis cependant qu'elle acquière son indépendance dans notre société en tant qu'égale intellectuelle de l'homme, étant entendu que les différences de l'une et de
l'autre sont non seulement nécessaires mais encore complémentaires.
Ce point évoqué, on peut fustiger
Eric Zemmour, le « nazifier » à foison, il n'en reste pas moins vrai que la France se suicide, faute de volontés nationales pour lui rendre ce qui lui appartient de droit : son autodétermination.