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EAN : 9782707144164
289 pages
La Découverte (15/10/2004)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :

Depuis la création d'Israël, la Shoah et ses millions de morts n'ont jamais cessé d'y être présents : dans la législation, dans les prières, les cérémonies, les tribunaux, les écoles, la presse, la poésie, les inscriptions funéraires, les monuments et les livres commémoratifs. La société israélienne n'a cessé de se définir en relation avec la Shoah et ses victimes, d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Je ne vais pas ici discuter de la conception du sionisme de l'auteure ni de l'utilisation du terme « Shoah » qui me semble toujours inadapté à évoquer la destruction des juifs d'Europe par les nazis. Je choisis de concentrer ma lecture sur ce qui me paraît le moins traité dans d'autres ouvrages critiques d'Israël, en espérant que les lectrices et les lecteurs choisiront une lecture complète de cet ouvrage aux multiples facettes.

Le livre d'Idith Zertal traite la façon dont « tout au long du XXe siècle, la biographie de la nation sioniste-israélienne a rassemblé ses catastrophes, ses guerres et ses victimes, les a adoptées et assimilées à travers la remémoration et l'oubli, en a forgé des récits, les a dotées de sens, les a léguées à ses enfants, en construisant son image à travers elles comme si la nation devenait ces catastrophes et ces morts. »

Pour le dire autrement « Il s'agit aussi d'un livre sur la mémoire collective, sur la mémoire comme agent de culture, forgeant la conscience et l'identité et simultanément forgée par elles en un processus constant et réciproque ; sur la façon dont Israël a engendré et produit une mémoire collective des morts et des traumatismes de l'histoire juive, et comment cette mémoire a été élaborée, codifiée et manipulée au sein de l'espace public israélien, en particulier au cours du demi-siècle qui a suivi la destruction des Juifs d'Europe. »

L'auteure va donc particulièrement analyser les manières dont les faits perdront « leur concrétude historique » et se verront octroyer « une aura de sacralité ».

Comprendre ces phénomènes permet d'éclairer l'autisme permanent de la société israélienne juive à la situation engendrée pour les Palestinien-ne-s et aussi de celles et ceux qui se déclarent « juive ou juif » en fusion mentale, et en partie nationale, avec les destinées de cet État sioniste et israélien. « Israël se dote d'une aura de sacralité, celle de la victime ultime, et s'avère imperméable à la critique et au dialogue rationnel avec le reste de la communauté des nations. »

Des éléments présentés et analysés par l'auteure, il ressort que « A travers un processus dialectique d'appropriation et d'exclusion, de remémoration et d'oubli, la société israélienne n'a cessé de se définir en relation avec la Shoah, de se considérer toute à la fois héritière et procureure des victimes, dans un double mouvement d'expiation de leurs péchés et de rédemption de leur mort. »

Mais cette construction fantasmagorique se couple avec une mise hors histoire, dans une narration en actualité permanente, de ce qui n'est plus un phénomène historico-social abordable par le pensée et la réflexion « C'est ainsi qu'Israël s'est transformé en lieu crépusculaire où la Shoah n'est plus un événement du passé, hétérogène et complexe, mais une éventualité permanente et une idéologie à tout faire. »

Je souligne en particulier les pages sur le procès d'Adolf Eichmann et les analyses des positions d'Hanna Arendt ; mais aussi la critique radicale des télescopages de chronologie qui inventent un présent comme « présent unique, sans fin, hors de l'histoire ».

Avec son vocabulaire, non exempt de messianisme nationaliste, l'auteure conclura ainsi sa très belle introduction : « Tout comme dans le passé, les événements actuels semblent démontrer comment le processus de sacralisation de la Shoah – qui est toujours une forme de dévaluation -, soudé à la sacralité de la terre, et la soumission des vivants à cette double théologie, ont transformé ce qui devait être un refuge, un foyer, une patrie en un temple et un éternel autel. »

Ce livre confirme, à mes yeux, qu'au delà de la critique d'Israël et de ses politiques, il convient en permanence de dénaturaliser et d'historiciser les génocides (irréductibles les uns aux autres), ou le concept même de nation. Cela passe aussi par la critique, pied à pied, des constructions intellectuelles très imaginatives et très largement imaginaires du sionisme, des inventions mémorielles ou des inscriptions bibliques des temps humains. Mais il faut aussi comprendre que de telles constructions ont des impacts réels sur la vie matérielle des populations qui s'y référent, là-bas, ici, comme dans d'autres contrées.

C'est aussi un livre, qui dépassant le sujet traité jette un regard lucide sur nos relations à la mémoire « Il semble bien que la pathologie de la mémoire et l'obsession pour les rites de commémoration qui caractérisent notre époque constituent en fait une agression concertée contre notre capacité même à nous remémorer le passé. »

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Il s’agit aussi d’un livre sur la mémoire collective, sur la mémoire comme agent de culture, forgeant la conscience et l’identité et simultanément forgée par elles en un processus constant et réciproque ; sur la façon dont Israël a engendré et produit une mémoire collective des morts et des traumatismes de l’histoire juive, et comment cette mémoire a été élaborée, codifiée et manipulée au sein de l’espace public israélien, en particulier au cours du demi-siècle qui a suivi la destruction des Juifs d’Europe.
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tout au long du XXe siècle, la biographie de la nation sioniste-israélienne a rassemblé ses catastrophes, ses guerres et ses victimes, les a adoptées et assimilées à travers la remémoration et l’oubli, en a forgé des récits, les a dotées de sens, les a léguées à ses enfants, en construisant son image à travers elles comme si la nation devenait ces catastrophes et ces morts.
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Tout comme dans le passé, les événements actuels semblent démontrer comment le processus de sacralisation de la Shoah – qui est toujours une forme de dévaluation -, soudé à la sacralité de la terre, et la soumission des vivants à cette double théologie, ont transformé ce qui devait être un refuge, un foyer, une patrie en un temple et un éternel autel.
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A travers un processus dialectique d’appropriation et d’exclusion, de remémoration et d’oubli, la société israélienne n’a cessé de se définir en relation avec la Shoah, de se considérer toute à la fois héritière et procureure des victimes, dans un double mouvement d’expiation de leurs péchés et de rédemption de leur mort.
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C’est ainsi qu’Israël s’est transformé en lieu crépusculaire où la Shoah n’est plus un événement du passé, hétérogène et complexe, mais une éventualité permanente et une idéologie à tout faire.
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