Ces chroniques reprennent celles qu'a partagées
Zola avec La Cloche, journal
parisien, entre février 1871 – première session de l'Assemblée Nationale de la Troisième République, proclamée le 4 septembre 1870 par Gambetta, et août 1872 – vacances de l'Assemblée -, et avec le Sémaphore de Marseille, entre le 19 avril et le 3 juin 1871, pour cette fois parler de la Commune.
La première série, qui sont des chroniques parlementaires, fait vivre sous nos yeux les balbutiements de cette nouvelle Assemblée, prise entre l'étau de la Prusse, avec laquelle il sera compliqué de signer l'armistice, et qui continuera à occuper la France pendant encore un certain temps, et celui des monarchistes, ayant plus de sièges et voulant le retour de la monarchie ; entre cet étau, la Commune, qui enfonce le clou de la situation française en ce début de Troisième République.
Zola nous raconte en effet, dans les moindres détails, les votes sur des lois, des budgets…, les tensions au sein de ceux-ci, les prises de bec, parfois très virulentes, entre républicains et monarchistes, le manque d'action des députés face à la situation entre mars et juin 1871, qui ne se préoccupent que bien peu de l'évolution
parisienne, et qui indignent l'écrivain, l'arrivée de l'Assemblée à Versailles après un exil à Bordeaux, et les tensions pour tenter de la faire revenir à
Paris…
Il nous dresse aussi le portrait de certains députés, de droite comme de gauche, mettant en valeur les républicains face aux monarchistes, permettant très rapidement de comprendre que ses chroniques, bien qu'il dise le contraire, sont tout sauf neutres.
Zola est en effet un républicain, de manière tout à fait assumée, et ses rapports qui nous décrivent les prises de parole des membres de l'Assemblée sont toujours très orientés, dans le jugement pour son camp contre les autres :
Adolphe Thiers, président de l'Assemblée et futur président de la République, Louis Blanc, Léon Gambetta,
Jules Favre, etc, nous sont tous présentés sous leur meilleur jour, comme de grands orateurs aux arguments quasi toujours imparables, alors que les monarchistes se ridiculisent la plupart du temps en venant à la tribune.
Ainsi, les faits relatés sont historiquement justes, mais ils sont, malgré tout, portés par la plume de
Zola, alors qu'il a publié La fortune des Rougon un an auparavant et va publier sous peu La Curée, plume parfois acérée et caricaturale – il se plaît en effet, par exemple, à décrire les siestes parlementaires de nombre députés lorsque les sujets et les débats sont trop longs, reconnaissant qu'il fait lui-même la sieste -, parfois épique, notamment pour faire de la République un symbole des libertés et de la vraie voie politique à suivre pour rendre à la France sa gloire. Et ses chroniques, qui pourraient n'être que des redondances désagréables et peu intéressantes, du moins littérairement parlant, sont savoureuses, se lisent avec une facilité déconcertante, malgré sa somme de plus de 1000 pages – aidées également par de très nombreuses notes de bas de pages, d'introductions, mettant en contexte évènements, lieux, personnages… avec beaucoup d'intérêt ; le travail de
Claude Sabatier y est remarquable.
La deuxième série, écrite de la même façon, n'en a pas moins un ton bien différent, qui tranche assez avec les chroniques parlementaires qui précèdent dans l'ouvrage. Dans ces chroniques,
Zola choisit de raconter la Commune à un journal marseillais. L'on pressentait, dans ses chroniques parlementaires, que l'écrivain était certes d'accord avec de nombreuses idées véhiculées par le mouvement, mais beaucoup moins avec la façon, insurrectionnelle, de faire. Il était donc contre la Commune, qu'il voulait voir, comme nombre d'écrivains de son temps, stoppée, mais pas dans une répression sanglante et violente, ce qui s'est malheureusement produit. Ces chroniques, au contraire, nous montrent tout le ressentiment éprouvé par
Zola contre ce mouvement, ressentiment auquel l'on ne s'attendait pas à la lecture des chroniques parlementaires, ressentiment d'une grande violence face aux insurgés, du moins face à leurs chefs, qui sont, selon celui-ci, responsables de la décadence et du pourrissement du mouvement, menant finalement à la Semaine Sanglante. Ses mots sont durs, éprouvants, et racontent une vision assez banale, à cette époque, du mouvement insurrectionnel, qui décrit en direct, sans filtre et recul, les faits vécus et les scènes vues –
Zola a en effet beaucoup circulé dans
Paris pour voir les choses de ses propres yeux -.
Je remercie les éditions Classiques Garnier et Babelio de m'avoir permis de découvrir ces chroniques, d'un grand intérêt historique, mais aussi, finalement, littéraire.
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