Attaqué par la critique de l'époque,
Zola se sent obligé d'expliquer son oeuvre, prouvant qu'il ne voulait pas faire un roman pornographique mais une analyse de cas psychiatrique. Il s'en excuse d'ailleurs auprès des lecteurs qui ont compris.
A cette fin, il écrit lui-même la préface de son livre : c'est dans un but scientifique qu'il a créé ses personnages, étudiant les troubles entraînés par l'union d'une "nature sanguine" comme celle de Laurent à une "nature nerveuse", celle de Thérèse.
Les critiques ont finalement admis que
Zola entre dans le mouvement Naturaliste et n'est pas le pervers qu'ils avaient imaginé.
Dès la première page du livre,
Zola pose le décor, de façon cinématographique j'ai trouvé. le sens aigu du détail de l'auteur nous permet de bien visualiser ce passage du
Pont-Neuf. Les descriptions nous font entrer dans ce contexte sombre et froid, comme dans un tableau. On imagine que cet endroit glauque et humide, sale, d'une noirceur profonde va influencer la vie des habitants. C'est dans ce lieu sans lumière que se trouve la Mercerie au nom de
Thérèse Raquin.
Sa mère morte à sa naissance, Thérèse est confiée à l'âge de 2 ans par son père, militaire, à sa tante Madame Raquin. Elle vivra une enfance réprimée.
Madame Raquin, veuve, couve son fils, Camille, enfant souffreteux auquel elle est entièrement dévouée. Médicaments, tisanes, inactivité sont la vie de cet enfant, vie bien monotone et malsaine que va partager Thérèse, les 2 enfants étant élevés à l'identique.
Camille devient un homme faible et insignifiant auquel Madame Raquin va marier Thérèse afin de s'assurer une vieillesse confortable, entourée de sa famille.
Bien qu'aimante et dévouée, j'ai trouvé Madame Raquin intrusive, obligeant Thérèse à vivre comme Camille, les poussant à un inceste malsain.
Thérèse, au tempérament passionné, elle est la fille d'une cheffe africaine, va mener une existence bien ennuyeuse. Son hérédité et son éducation ainsi que son milieu de vie vont déterminer ses actes futurs. Madame Raquin, même si tout partait d'un bon sentiment, a pour moi une grande responsabilité dans les événements à venir.
Et oui ! Laurent arrive, grand, fort, avec "un cou de taureau", ce détail aura son importance plus tard, et Thérèse découvre un homme. Elle sort de sa résignation, les 2 vont devenir amants.
Laurent est un peintre, qui s'avère être un artiste raté, oisif, paresseux et égoïste, intéressé par l'argent de Madame Raquin qui l'accueille et finira par le considérer comme son propre fils.
Une brute, sans foi ni loi, à laquelle, contrairement à Thérèse, il est plus difficile de trouver des circonstances atténuantes pour la suite du roman. Fils d'un père procédurier, qui l'a obligé à faire des études d'avocat afin de le défendre plus tard, il est vrai que ces circonstances ne sont pas favorables à une vie épanouie.
Vous l'aurez compris, les personnages sont désagréables, pas du tout attachants, égoïstes, sauf un peu Madame Raquin, et encore... et le chat François, le seul auquel j'aurais aimé un sort de petit être choyé :)
Je ne vous en dirai pas trop mais l'ambiance glauque, la noirceur, présentes tout au long du roman vont aller crescendo jusqu'à l'inévitable drame tramé dans les cerveaux malades dont
Zola fait l'étude.
A ce moment là, on pense que les amants vont avoir la belle vie qu'ils souhaitaient, c'était sans compter sur la culpabilité et le remords qui inconsciemment les domine.
Zola, avec son grand talent, réussit à aller encore plus loin ensuite dans les descriptions sordides, poussant les répétitions jusqu' à mettre le lecteur mal à l'aise. J'avoue à un moment avoir trouvé le texte redondant mais bien sûr, c'était voulu par l'auteur qui, a 27 ans seulement, était déjà un grand écrivain admiré plus tard par
Freud lui-même.
On s'est demandé, lors de notre lecture commune si Thérèse et Laurent éprouvaient des remords pour leurs actes répugnants, je pense que oui. Laurent n'arrive plus à manger, à dormir, ni même à marcher, son remords se manifeste physiquement. Il fait des cauchemars, est victime d'hallucinations. Il est complètement obsédé, jusqu'à la folie.
Thérèse, quant à elle, est plus dans un remords "comédie", son esprit est en boucle sur ce qu'elle a fait et elle manifeste des regrets.
Les amants en arrivent à se détester, ne s'aiment plus, n'ont plus de désir et se renvoient la faute mutuellement. Leur tempérament change, s'inverse, Thérèse est maintenant dominée par son sang, Laurent par ses nerfs.
Je pensais faire une courte critique et je me rends compte qu'il y a encore tellement de choses à dire... Il s'en passe encore des choses... il ne vous reste plus qu'à aller les découvrir ou redécouvrir ! Beaucoup de points très intéressants ont été évoqués par mes amis de lecture, Sandrine (HundredDreams), Francine (Afriqueah), Fanny (Fanny1980) et Bernard (Berni_29) que je remercie de m'avoir entraînée dans cette lecture que je n'aurais certainement jamais faite, cela aurait été dommage.
Malgré la noirceur du roman et avec notre sensibilité différente et complémentaire, nous avons tous été passionnés par l'écriture de
Zola et pris par cette histoire, nous donnant envie d'aller au bout... presque une obsession ;)
Dans
Thérèse Raquin et son étude des tempéraments influencés par les milieux sociaux et les circonstances,
Zola pose les bases de sa grande oeuvre : Les Rougon-Macquart que l'on a envie de lire à la fin de ce roman, mais ça, c'est un autre défi ;) !
Ah ! J'ai oublié de vous dire, pas de pornographie dans ce roman, c'était une autre époque ;), de l'horreur plutôt !