AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,79

sur 5802 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Tel l'oisillon tout tremblotant au bord du nid, cette critique peine à prendre son envol : c'est que l'auteur impressionne !

Ce n'était pas le cas en 1867, année de la parution de “Thérèse Raquin”. Les chroniqueurs, imbibés de sentimentalisme romantique, tirèrent à boulet rouge sur ce roman d'une noirceur extrême. Ces plumitifs comprendront plus tard leur méprise, certains d'entre eux intronisant même Emile Zola chef de file d'une nouvelle école littéraire appelée naturalisme.

Ça s'est passé un dimanche, un dimanche au bord de l'eau. Un mari trompé, Camille, ne reviendra jamais d'une promenade en barque sur laquelle avaient également pris place sa femme Thérèse et son ami Laurent.
Jouant la comédie à merveille, les amants meurtriers ont bien trompé leur monde. Dans quelques mois ils pourront se marier et l'héritage de Camille leur appartiendra.
Les tourtereaux ont tout prévu, sauf que les affres du remords sitôt le crime accompli commencent à les ronger l'un et l'autre. Du tréfonds de leur âme ourdit peu à peu une justice d'un genre particulier qui au fil des mois va s'avérer bien plus terrible encore que la justice des hommes.

La préface rédigée par l'auteur apporte des éléments précieux quant à la psychologie des deux personnages principaux. Les amants, Thérèse et Laurent, sont respectivement de nature nerveuse et sanguine et leurs amours cruelles résultent de détraquements cérébraux. Il est donc important d'avoir à l'esprit que “Thérèse Raquin” est le fruit d'une analyse scientifique dont le point de départ est “l'étude du tempérament et des modifications profondes de l'organisme sous la pression des milieux et des circonstances”.

A seulement 27 ans, le chemin déjà parcouru par le jeune Zola dans l'exploration de l'âme humaine ne laisse pas de surprendre. Sous “Thérèse Raquin” perce la plume affûtée d'un écrivain de tout premier plan cherchant la connaissance de ses semblables dans l'observation et l'expérimentation.
Commenter  J’apprécie          1494
C'est un roman coup de poing que nous offre ici Emile Zola et si un lecteur du XXIème siècle le perçoit tel quel, que penser du lecteur de la seconde moitié du XIXème !

Roman psychologique assez court mais très violent, "Thérèse Raquin" dissimule entre ses pages un drame passionnel percutant qui catalyse les sept péchés capitaux, provoquant ainsi la chute sans fin de l'homme dans le vice et illustrant l'impossible rédemption des "méchants".

Thérèse est une orpheline recueillie par sa tante, madame Raquin, et mariée à son cousin maladif, Camille. Venu installer à Paris son commerce de mercerie, le trio Raquin mène une existence assez lugubre, faite d'ennui et d'oisiveté, jusqu'au jour où la paix monotone de leur existence vole en éclats avec l'arrivée dans leur cercle familial de Laurent, un ami d'enfance de Camille. Le ver est dans la pomme et la pomme étant déjà bien farineuse et tavelée, elle n'avait pas vraiment besoin de ça mais comment lutter contre la nature ? Si le ver mange la pomme ; l'homme ronge de même sa propre existence.

Avec Laurent, c'est la paresse, l'orgueil, la gourmandise, l'envie et une avarice qui s'exprime par un égoïsme aigu qui pénètrent chez les Raquin. Séduite par cet homme qui incarne l'opposé d'un mari qu'elle n'aime pas, Thérèse, croyant enfin naître à la vie, finit par apporter au tableau de ce pseudo-peintre les dernières pierres qui manquaient à l'édifice : la luxure et la colère. Partant de là, le décor est complet ; le crime s'empare de l'existence de ces quatre protagonistes pour mener chacun à sa ruine.

Zola, comme à son habitude, n'y va pas avec le dos de la cuillère et sa narration, servie par sa plume exceptionnelle, est puissante et grave. Elle fouille la noirceur des sentiments, elle façonne la boue des vices pour ériger des personnages tristement réalistes et cruellement crédibles. Le lecteur suit la lente descente aux Enfers des personnages et voit s'élever les martyrs et s'écrouler les criminels. D'abord spectateur impuissant et presque complaisant des deux complices bien déterminés à supprimer le mari gênant, le lecteur en vient très rapidement à mépriser les meurtriers, suffoqué par leur audace et leur duplicité, et à crier justice sans faillir jusqu'à se réjouir d'un dénouement aussi misérable que miséricordieux.

De la grande littérature, du Zola.


Challenge ABC 2014 - 2015
Commenter  J’apprécie          14716
Un roman d'une force exceptionnelle, un classique d'Emile Zola certes, mais quel ouvrage !
Madama Raquin se dévoue corps et âme pour son fils unique Camille, qu'elle marie avec sa cousine Thérèse, élevée dans le même cocon familial. Si Thérèse n'aime pas particulièrement cet homme fragilisé par les débordements de soins et d'amour de sa mère, elle accepte son sort, résignée, traînant son ennui derrière le comptoir d'un commerce sordide, fréquenté par des personnages ennuyeux, jusqu'à sa rencontre avec Laurent, un peintre raté, vivant dans l'oisiveté totale. La passion de ces deux êtres dépravés, dépourvus de toute moralité va les mener à noyer le mari gênant, lors d'une promenade en barque. Cette complicité diabolique se retournera contre eux. Au lieu de s'aimer librement, une haine farouche va s'initier entre ces deux amants. Thérèse, hantée par le souvenir de Camille, ayant perdu toute exaltation pour Laurent, la passion des amants se trouve désormais altérée. Chaque jour deviendra le cauchemar de l'autre, se rejetant mutuellement la faute, les menant dans une guerre perpétuelle, jusqu'à la folie.
Une oeuvre superbement campée, la relation des deux amants décrite efficacement nous démontre combien l'amour peut parfois devenir destructeur.
Commenter  J’apprécie          1184
A l'adolescence, je me suis enthousiasmée pour Zola. Je pense avoir lu toute la série des "Rougon-Macquart"! Mais le livre qui m'a marquée au fer rouge c'est "Thérèse Raquin". La "Terre" m'a moins perturbée! L'atmosphère anxiogène, lugubre du roman m'a longtemps hantée. Les protagonistes sont des êtres étriqués, mesquins. J'imaginais aisément le fantôme de Camille au pied de mon lit d'autant qu'ensuite, j'ai vu le film avec Simone Signoret, Ralph Vallone et Jacques Duby. Malgré les modifications apportées par le scénario de Marcel Carné, l'ambiance sinistre était bien rendue et me permettait de mettre un visage sur les personnages du livre : ce qui n'a fait qu'augmenter mes tourments. Cette histoire soit disant d'amour entre Thérèse et Laurent font apparaître deux êtres primaires, instinctifs pour lesquels, on ne peut avoir de sympathie. Ils agissent sans conscience mais ce qu'ils n'avaient pas prévu, c'est le remord : ce remord qui va les harceler, les submerger, les poursuivre dans leur quotidien au point de leur provoquer des hallucinations jusqu'à la sentence du destin mais là chut!!!! il y a une morale.........
Commenter  J’apprécie          717
L'histoire de Thérèse Raquin est toute simple.
Thérèse est une orpheline recueillie par sa tante, madame Raquin, qui tient un commerce de broderie en province. Thérèse va vivre aux côtés de son cousin Camille, enfant chétif, malingre, souffreteux. Les enfants jouent comme ils peuvent dans la joie sereine d'une campagne morne, grandissent. Quand Thérèse a vingt-et-un ans, elle épouse Camille, c'est une simple formalité à laquelle elle consent comme si c'était dans le cours des jours, comme si elle ne pouvait pas s'y dérober. Une chose nécessaire et fatale... C'est ainsi, ils se marient sans amour, sans joie... Plus tard, la famille s'installe à Paris où madame Raquin va déplacer son commerce de broderie au passage du Pont-Neuf. Thérèse y travaille également, tandis que Camille trouve un emploi dans un bureau aux chemins de fer. Au contact d'une nouvelle clientèle, l'activité de la broderie va prospérer.
Ils mènent tous trois une existence monotone, où il ne se passe rien, se retrouvant le soir dans ce lieu sombre, humide et âcre, jusqu'au jour où la tranquillité de leur existence va se fissurer avec l'arrivée dans le cercle familial de Laurent, un ami d'enfance de Camille...
Thérèse est une jeune fille effacée, pourrait-elle cacher longtemps encore au fond d'elle les fougues d'une nature étouffée ? Laurent, dans une sorte d'animalité débridée n'est pas indifférent à cette jeune femme qui ne semble pas heureuse. Il revient à la boutique de plus en plus souvent, encouragé par l'amitié de Camille. Il évoque une passion ancienne, la peinture, passion qui ne l'a jamais quitté. Il propose à Thérèse de lui faire son portrait. Autant frotter une allumette devant un bidon d'essence...
Thérèse Raquin, c'est la rencontre d'un homme puissant et d'une femme inassouvie.
Thérèse Raquin, c'est l'itinéraire d'un désir à fleur de peau capable de tout faire voler en éclats, emportant dans sa trajectoire fatale deux êtres aimantés pour en faire des monstres possédés d'animalité et de folie.
Possédé je l'ai été aussi par l'écriture percutante d'Emile Zola.
Oh ! Il ne brode pas de la dentelle, notre cher ami Émile.
Ce roman est d'une noirceur abyssale. On y dégringole comme dans un puits sans fond.
Ici, point d'émotion, sauf celle qui étreint le lecteur, qui voudrait jeter dans ce récit vertigineux et cruel ses propres représentations de l'âme humaine, mais Zola s'en moque, joue de cela.
Zola a ce talent inouï pour nous entraîner avec jubilation dans la crasse et le sordide d'une histoire implacable qui nous étouffe peu à peu et l'on s'en réjouit.
Ici les personnages principaux ne nous inspirent aucune sympathie, aucune compassion. Même souffreteux et malingre, Camille nous déride à peine d'une moue dédaigneuse. À la limite, il y aurait bien la vieille madame Raquin et aussi le chat François...
Zola peint à gros traits le travail souterrain des passions pour les faire jaillir à ciel ouvert, comme un volcan.
Autant vous l'avouer, Thérèse et Laurent sont des brutes humaines, où l'âme est absente.
Dans les gestes d'un drame violent, dans les amours cruelles de Thérèse et de Laurent, Zola nous invite à chercher en eux la bête qui sommeille.
L'humanité est absente du tableau, sauf si c'est cette face cachée de l'humanité que veut nous montrer Zola. L'âpre humanité...
C'est une peinture de clair-obscur où le clair est une lumière ténue qui ne cesse de vaciller comme un crépuscule éteignant le jour... où l'obscur ouvre dans ce paysage sans horizon un dédale de ténèbres prêt à nous faire vaciller dans l'infinie folie...
Aurais-je dû lire Thérèse Raquin avant d'aborder l'oeuvre vertigineuse des Rougon-Macquart il y a de cela quatre ans ? Tout était là déjà... Tout est là comme un prélude à l'oeuvre future des Rougon-Macquart. Quand Zola écrit ce court roman, il n'a que vingt-sept ans.
Le déterminisme, la dégénérescence, le malheur implacable, l'égarement, la bassesse des personnages, l'obsession, la folie et toujours en filigrane une victime qui sera broyée par cette déferlante effroyable où se faufilent les tares de l'humanité... Tout était déjà là. Plus tard Zola y posera une trame sociale, qui manque peut-être encore ici, mais dans ce récit ce n'est pas le propos.
On pourrait croire le texte redondant, mais c'est une variation, un boléro infernal qui monte d'un cran chaque fois un peu plus loin. Cela pèse. Zola nous met les nerfs à vif, nous éprouve.
Oui dans ces scènes fiévreuses, toutes les variations se déplient, celles que peuvent éprouver deux amants que l'adultère a conduits à passer dans l'enfer du paysage... Dans cette palette de couleurs qui deviennent de plus en plus sombres, on voudrait chercher un trait de lumière, cueillir des sentiments dans l'inconscient qui les transforme. Mais le clair-obscur s'assombrit comme des volets qu'on referme sur une pièce au lit défait et vide. Ici le remords est un simple désordre organique.
Zola ne les juge pas, n'implore aucune compréhension.
Il les observe, les met en scène et se retire en nous laissant sidéré devant le tableau.
Une fois encore, la force de l'écriture de Zola m'a transporté. J'avais l'impression d'être là, dans la crasse de cette boutique obscure du passage du Pont-Neuf, où tout près de là coule la Seine... Et dans cette saleté lugubre, j'ai adoré être là...
J'ai adoré être là dans le rythme incandescent et haletant de ces amants maudits. J'ai adoré être là, même si cette ambiance est glauque, oppressante, de plus en plus...
J'ai adoré être là... effleurant la fatalité des chairs qui brisent, qui brûlent, qui broient...
J'ai adoré être là, tandis que Zola déployait son texte jusqu'au point final, qui....
Dans cette lecture commune, je remercie mes compagnes de voyage, Dominique (Domm33), Francine (Afriqueah), Fanny (Fanny1980) et Sandrine (HundredDreams), qui m'ont donné l'envie d'aller vers ce texte et dont les regards croisés ont été si inspirants.
Commenter  J’apprécie          6731
Dans la préface à sa seconde édition, Zola insiste sur le fait qu'il ne faut pas analyser son roman Thérèse Raquin d'un point de vue moral. Aucune morale n'entre en jeu, dit-il, car il veut décrire, en un travail analytique , comme un chirurgien le ferait sur des cadavres, l'influence du sang et des nerfs sur les actions humaines.
Charcot n'est pas très loin, Claude Bernard vient de publier son étude sur la médecine expérimentale, et Freud rode, pas très loin.

D'ailleurs, pour Zola qui, en 1867, parle de l' inconscient, même si le déterminisme social et racial régit les existences, ce qui les régit sont bien plutôt les tempéraments ; celui de Thérèse est un tempérament contrarié. Il éclatera.

Ils ont une enfance, pourtant, qui peut expliquer leurs actes : Thérèse, adoptée par sa tante à deux ans, est orpheline, elle n'a presque pas connu sa mère algérienne ; Zola insiste sur son tempérament, son sang africain, qui bouillonne malgré son éducation restreinte, petite, modeste, endormie, racornie : « Elle tenait soigneusement cachées, au fond d'elle, toutes les fougues de sa nature. ».
Elle est obligée, pauvre petite poupée de deux ans, de mentir, de se conformer, de se plier ( mot très souvent employé par Zola à son sujet)
Elle ment, elle doit mentir, elle apprend à mentir. «  Thérèse, vivant dans une ombre humide, dans un silence morne et écrasant, voyait la vie s'étendre devant elle, toute nue, amenant chaque soir la même couche froide et chaque matin la même journée vide.  » 
Camille, son cousin, élevé par sa mère qui l'a sauvé mille fois de la mort, et l'a couvé avec amour comme s'il était toujours un nourrisson, développe un égoïsme mêlé à une étroitesse de tout, il n'est pas vraiment un homme, sa mère lui a interdit de lire, les livres sont dangereux, il menace sans cesse de mourir si on ne passe pas par ses caprices.
La mère, amour pur, éduque comme elle peut les deux petits, ce sont ses enfants, elle les aime, elle concocte un mariage sans amour avec les deux cousins, tout en sachant que c'est elle la première dans le coeur de son fils.
En termes freudiens, si Camille s'accroche à son narcissisme, et si sa mère se perd dans son amour oblatif, Thérèse passe de la pulsion d'autoconservation à la pulsion sexuelle pure, lorsqu'elle voit Laurent :
«  Elle n'avait jamais vu un homme  » 
Ce n'est pas le désir qui la pousse, mais la pulsion, doublée de la perversion de tromper enfin ceux qui lui ont volé sa vie. Elle est morte avant de rencontrer Laurent.
Thérèse et Laurent sont des bêtes humaines, des loups, des fauves, qui doivent tuer pour survivre ; ils n'ont pas d'âme, ou en tous cas, ce n'est pas le propos de Zola.
La mort est présente depuis le début de l'histoire : la mère a peur de laisser seul son fils chéri en mourant avant lui et Laurent, l'amant, peint de Camille le mari qui ressemble à un noyé verdâtre.

Ainsi, l'Eros passionnel, le besoin de s'assouvir qui précipite les deux amants dans un acte irréversible, se noye dans une pulsion de mort (Thanatos )déjà présent depuis le début du livre.

Son roman joue le rôle d'expérimentation clinique : il nous dépeint les nerfs de Thérèse, et joue avec les nôtres : que ferions nous, nous ?

Pas d'espoir, semble dire Zola avec force, et une écriture à nous couper le souffle, en alternant de longues tirades sur la poussière noirâtre de la mercerie, et de petites phrases cruelles et comme inspirées par la peinture qu'il connaissait bien de par son amitié avec Cézanne: des coups de pinceau noir, l'égoïsme et la convoitise, le mensonge et la manipulation, plus que la luxure.

Avec l'enchantement d'avoir participé à ma première lecture commune, en compagnie de @ HundredDreams , Sandrine, @ Domm33, Dominique, @fanny1980, Fanny, et @Berni_29, Bernard .
Commenter  J’apprécie          6334
Thérèse, issue d'une union entre un officier de l'armée Française et une africaine du nord est recueillie et élevée par Mme Raquin qui a déjà un fils, Camille, enfant chétif et souvent malade. L'avenir de Thérèse est tracé. Elle se mariera avec ce fils malingre qui n'est jamais sorti des jupes de sa mère. Dans un silence morne et écrasant, elle se résigne à cette vie terne et monotone jusqu'à sa rencontre avec Laurent.
Laurent ! L'exact inverse de Camille, son fat de mari.
Laurent est une force de la nature. Il parle et rit fort. Il a une nature sanguine. Dès lors, une passion vertigineuse, dévastatrice naitra entre ces deux personnages. Thérèse cherche à oublier sa vie misérable et sans relief. Laurent, en bon paysan madré, jette un oeil cupide sur la vie facile et paresseuse qu'il pourrait mener s'il prenait la place de Camille.
Quand Thérèse Raquin est sortie en 1867, les critiques éreintèrent Emile Zola en le traitant de pornographe et d'écrivain putride. Il est vrai qu'il n'y va pas avec le dos de la cuillère. Il décrit avec une précision chirurgicale cette impétuosité des désirs qui submergent Thérèse et Laurent, les dominent et les aveuglent.
Cette passion n'a absolument rien de flamboyant. Nous sommes bien au contraire dans le grisâtre, le poisseux, l'innommable, car ils commettront l'irréparable et courront à leur perte.
Un roman d'une force et d'une violence inouïe, où l'on s'enfonce au plus profond de l'âme humaine, avec ses espoirs, ses errances, et ses opacités.
Un très, très grand livre.
Commenter  J’apprécie          571
Madame Raquin est mercière à Vernon. Elle élève seule son fils Camille, à la santé fragile.
Son frère, militaire en Algérie, lui confie sa fille Thérèse dont la mère st morte à Oran.
Thérèse est élevée avec Camille et doit même partager son lit et ses remèdes lorsque celui-ci est malade.
Camille et Thérèse se marient par convention et sans conviction sous la conduite de madame Raquin.
Camille décide de travailler comme employé de bureau à Paris et sa mère reprend une mercerie, dans une petite rue sombre.
Thérèse mène une vie morne et l'aide à contrecœur.
Laurent, son ami et collègue est introduit dans leur petite famille et une passion dévastatrice va se nouer entre lui et Thérèse.
Une passion qui les conduira jusqu'au drame et aux remords.
On découvre la nature fougueuse de Thérèse si longtemps refoulée entre sa tante bienveillante mais tentaculaire et son cousin sans arrêt malade, égoïste à souhait.
Quant à Laurent, son amant, l'auteur fait ressortir son opportunisme, sa lâcheté, son manque de droiture.
C'est le premier grand roman de Zola écrit en 1867.
Un an plus tard, il entreprendra la rédaction des Rougon-Macquart.
Ce roman est intéressant car il annonce vraiment ce que sera la plume et l'observation de tous les milieux sociaux par ce très grand écrivain qu'est Emile Zola.
C'est une relecture que j'ai beaucoup appréciée


Commenter  J’apprécie          564
Quel plaisir de lire Emile Zola ! Dès les premières pages, les mots de l'auteur créent une ambiance telle qu'il nous projette dans le Paris du XIXe siècle, dans un décor fait de ruelles obscures, sordides et malfamées.
On s'y croirait, tellement l'auteur excelle à dépeindre, avec force détails, les lieux, les personnages dans des teintes grisâtres et sombres. le lecteur visualise aisément les décors en clair-obscur, comme s'il regardait un vieux film en noir et blanc : les quartiers pauvres de Paris, les ruelles étroites et sinistres, le passage du Pont-Neuf, étroit et sombre, la mercerie poussiéreuse et lugubre qui fait penser à l'antre d'une bête.

« Au bout de la rue Guénégaud, lorsqu'on vient des quais, on trouve le passage du Pont-Neuf, une sorte de corridor étroit et sombre qui va de la rue Mazarine à la rue de Seine. Ce passage a trente pas de long et deux de large, au plus ; il est pavé de dalles jaunâtres, usées, descellées, suant toujours une humidité âcre ; le vitrage qui le couvre, coupé à angle droit, est noir de crasse.
Par les beaux jours d'été, quand un lourd soleil brûle les rues, une clarté blanchâtre tombe des vitres sales et traîne misérablement dans le passage. Par les vilains jours d'hiver, par les matinées de brouillard, les vitres ne jettent que de la nuit sur les dalles gluantes, de la nuit salie et ignoble. »

*
Thérèse Raquin est l'un des portraits les plus célèbres d'Emile Zola. Il s'agit en ce qui me concerne, de l'oeuvre la plus aboutie de l'auteur avant la série romanesque des Rougon-Macquart.
Ce drame psychologique introduit de nombreux thèmes qui seront développés plus tard dans son cycle : l'étude de l'homme dominé par ses instincts, le déterminisme et les influences conjointes de l'hérédité et du milieu social, l'étude des tempéraments et la bestialité humaine.

C'est une histoire qui parle d'amour, d'adultère, de passion, de rancoeur, de haine, d'obsession allant jusqu'à la folie. Les personnages y sont dépeints dans toute leur bassesse, leur vilenie, leur égoïsme. Ils sont mauvais, détestables et malaisants pour le lecteur.

« La nature et les circonstances semblaient avoir fait cette femme pour cet homme, et les avoir poussés l'un vers l'autre. À eux deux, la femme, nerveuse et hypocrite, l'homme, sanguin et vivant en brute, ils faisaient un couple puissamment lié. Ils se complétaient, se protégeaient mutuellement. le soir, à table, dans les clartés pâles de la lampe, on sentait la force de leur union, à voir le visage épais et souriant de Laurent, en face du masque muet et impénétrable de Thérèse. »

*
Tout se déroule dans l'ambiance très sombre d'une mercerie miteuse et crasseuse du passage du Pont-Neuf à Paris.
C'est l'histoire de Thérèse, une femme secrète et taciturne, mariée selon les souhaits de sa tante, à son cousin Camille, un jeune homme souffreteux qu'elle n'aime pas.

« …elle savait qu'elle faisait le mal, et il lui prenait des envies féroces de se lever de table et d'embrasser Laurent à pleine bouche, pour montrer à son mari et à sa tante qu'elle n'était pas une bête et qu'elle avait un amant. »

Lorsque la jeune femme rencontre Laurent, elle tombe amoureuse de cet homme qui est tout l'opposé de Camille. Mais cette passion cachée ne satisfait aucun des deux amants qui aimeraient trouver un moyen de vivre leur amour au grand jour.

« … ils sentaient l'impérieuse nécessité de s'aveugler, de rêver un avenir de félicités amoureuses et de jouissances paisibles. »

Dans ce triangle amoureux, une personne est de trop et cette relation adultère ne peut avoir qu'une seule finalité, la violence et le drame.

*
La préface, signée par l'auteur lui-même, est particulièrement intéressante quant à l'accueil du roman par les critiques de l'époque. En effet, lors de sa parution en 1867, le roman a été qualifié d'obscène, d'atteinte aux moeurs pour avoir retranscrit, à travers un drame violent, les passions et les comportements brutaux et meurtriers de ses personnages. L'auteur s'est alors senti obligé d'ajouter aux éditions suivantes un prologue pour défendre et justifier son livre.

« Dans Thérèse Raquin, j'ai voulu étudier des tempéraments et non des caractères. Là est le livre entier. J'ai choisi des personnages souverainement dominés par leurs nerfs et leur sang, dépourvus de libre arbitre, entraînés à chaque acte de leur vie par les fatalités de leur chair. »

Plus d'un siècle plus tard, à la lecture de ce roman, je dois avouer que je n'ai pas du tout ressenti son côté « pornographique ».
Par contre, j'ai été particulièrement sensible à l'atmosphère pesante, sordide et claustrophobe que dégage l'histoire, à l'attitude malsaine des personnages, aux émotions très violentes qu'ils portent en eux.
L'auteur n'hésite pas à les souligner en les accordant aux décors et aux scènes.

« Rien n'est plus douloureusement calme qu'un crépuscule d'automne. Les rayons pâlissent dans l'air frissonnant, les arbres vieillis jettent leurs feuilles. La campagne, brûlée par les rayons ardents de l'été, sent la mort venir avec les premiers vents froids. Et il y a, dans les cieux, des souffles plaintifs de désespérance. La nuit descend de haut, apportant des linceuls dans son ombre. »

Ce récit très réaliste, percutant, choquant même, a contribué à me faire ressentir une sorte de mal-être, une impression d'enfermement et j'ai ressenti le besoin de faire quelques poses tout au long de cette lecture. J'en suis la première surprise car cela m'arrive très rarement.

Ce ressenti très fort, ces décharges d'émotions négatives prouvent sans aucun doute possible l'immense talent d'Émile Zola. Dans ce récit pourtant de jeunesse, il m'a fortement impressionnée : il a réussi à me faire ressentir physiquement et psychologiquement l'antipathie et le dégoût que m'inspiraient Laurent et Thérèse.
C'est une étude passionnante des émotions et des sentiments, de la peur, du remord, de la culpabilité, de la folie.

*
L'écriture de Zola est puissante, tendue, pleine d'une beauté sauvage et laide. Sans pudeur, il met à nu ses personnages. Il dissèque avec réalisme et froideur leurs motivations et la façon dont les regrets, les remords les hantent et les rongent de l'intérieur.

L'auteur maîtrise parfaitement l'intrigue, tel un marionnettiste tirant les ficelles invisibles des émotions humaines et des désirs. Il excelle à décrire ses personnages dans toute leur complexité, s'intéressant à leur évolution physiologique et psychologique, jusqu'à l'implosion. Ils apparaissent dans toute leur animalité, leurs instincts.
En cela, ce livre m'a rappelé un autre grand roman d'Emile Zola, « La bête humaine », mon préféré de l'auteur à ce jour. Thérèse et Laurent sont comme deux bêtes humaines, cherchant à satisfaire leurs désirs, leurs besoins, leurs intérêts sans tenir compte des actes et de leurs conséquences.

*
Pour conclure, malgré certains passages éprouvants, j'ai été entraînée dans ce triangle amoureux par la puissance de l'écriture d'Emile Zola. L'histoire, de plus en plus sombre et dramatique, devient aussi très prenante, encourageant le lecteur à poursuivre sa lecture pour découvrir le châtiment réservé à chacun.
"Thérèse Raquin" est sans conteste un très grand roman.

*
C'est accompagnée que j'ai entrepris cette lecture. Sans eux, je ne l'aurais peut-être jamais lu. Alors mes derniers mots seront adressés à mes compagnons de route, Dominique (Domm33), Francine (Afriqueah), Fanny (Fanny1980) et Bernard (Berni_29) que je remercie chaleureusement pour cette lecture partagée riche d'échanges et d'une belle amitié littéraire.
Commenter  J’apprécie          5235
Thérèse Raquin est le troisième roman de l'écrivain français Émile Zola publié en 1867. L'auteur en tirera lui-même une pièce de théâtre en 1873.

Thérèse Raquin , fille d'une algérienne et d'un capitaine militaire francais, Degans, posté en Algérie, se verra confiée par son père aux « bons soins » de sa tante à la mort de sa mère ; son père qui ne tardera pas à tomber au combat, en Afrique…
Thérèse grandit aux côtés de son cousin, Camille, un enfant souffreteux qui deviendra par l'insistance de sa mère le mari de Thérèse. Une installation du couple dans un petit commerce, et une rencontre : Laurent, ami d'enfance de Camille, peintre, beau, robuste…

Publié en 1867, soit quatre ans avant le premier volume des « Rougon-Macquart », Thérèse Raquin est le troisième roman d'Emile Zola, et le premier d'importance, malgré son accueil pour le moins mitigé, par la critique …

Pour ma part, il s'agit de ma première lecture de Zola, si on excepte les quelques extraits étudiés au collège. Une lecture qui dénote une certaine appréhension à s'attaquer au monument que sont « Les Rougon-Macquart » ; et qui entraînera la lecture de « La fortune des Rougon » quasiment immédiatement, tant le choc fut violent.
Zola nous invite dans ce Paris du XIX ème siècle magistralement dépeint à nous interroger sur la dualité du corps et de l'esprit et des interactions de l'un sur l'autre qui peuvent tourner au drame.

« Thérèse Raquin », ou le portrait de deux femmes au fort caractère : Mme Raquin, et Thérèse. Un ouvrage magistral, peut-être un peu moins connu et lu que les best-sellers des « Rougon ». Néanmoins à conseiller en introduction à « la grande oeuvre de Zola », dans la mesure où tout le talent de l'auteur à venir se trouve concentré là…
Commenter  J’apprécie          502




Lecteurs (24692) Voir plus



Quiz Voir plus

Thérèse Raquin - Emile Zola

Comment se nomme le premier mari de Thérèse ?

Robert
Camille
Laurent

9 questions
1094 lecteurs ont répondu
Thème : Thérèse Raquin de Émile ZolaCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..