[Édition complète Champion : 25
contes + 3
nouvelles cadre]
Contrairement à
Charles Perrault qui s'appliquait à donner dans ses
Contes du temps passé une forme stable et noble à partir d'un matériau oral préexistant,
Marie-Catherine d'Aulnoy travaille la matière des fées dans le but de créer des histoires inédites. S'il est possible que certains
contes soient des adaptations de
contes entendus lors de son exil européen, la majorité relève de créations ou plutôt de compositions, comme si les éléments des
contes de fées - objets magiques, épreuves, adjuvants animaux, dragons, fées, étaient autant de touches de piano permettant une infinité de partitions. Certains
contes se rapprochent ainsi de l'exercice de solfège, à l'image de la Princesse Belle-Étoile ou de la Chatte blanche qui juxtaposent de nombreux éléments de
conte sans véritable mélodie (Les dits
Contes nouveaux semblent davantage relever d'une collection de
contes de travail que de
nouvelles compositions...). de manière plus réussie mais très visible, Finette Cendron mixe des éléments du Petit Poucet et de
Cendrillon qui semblent ainsi exprimer des préoccupations du temps ou plus exactement des jeunes femmes nobles du temps : déclassement social des familles nobles, abandon par les parents qui se désintéressent des enfants (les confiant à des nourrices pendant qu'ils vivent à la Cour), mariages arrangés, rivalité des soeurs - tout comme celle des frères - pour les faveurs et les meilleurs partis, les héritages, marraines-fées protectrices ou fâchées qui permettent ou non de s'introduire à la Cour, belles-mères persécutrices... Autant de thèmes qui, loin de décrire la princesse passive et naïve qui habite l'imaginaire du conte pour enfants, révèlent une sensibilité féministe avant l'heure (qui doit se fondre malgré tout dans les convenances), forgée par l'expérience (Marie-Catherine a subi un mariage arrangé malheureux, qui l'a entraînée dans des péripéties dignes de ses
contes). La morale des
contes populaires du temps ancien devient ainsi sous sa plume un manuel de survie pour les jeunes filles au temps du roi Soleil...
Gracieuse et Percinet *** *
L'obstination de la jeune fille, qui pourrait paraître d'abord comme une perversion de la morale, un masochisme (une trop grande défiance face au mariage et à l'homme, due à la morale religieuse, comme dans
On ne badine pas avec l'amourMusset), se révèle finalement comme une force de courage : elle prolonge l'épreuve pour mieux en triompher et pour mieux s'y construire. C'est par la patience, l'endurance, le refus du chemin facile, que la jeune fille obtient le bonheur et devient une femme accomplie et forte. Car elle façonne en même temps la détermination du jeune garçon qui la requiert, qui de prince des fées (fantasque) devient un homme sensible et à l'écoute.
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contes et récits cadre sur la page de mon blog
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